Le 1er avril dernier est entrée en vigueur une importante réforme du système de santé anglais. Dans un contexte de rigueur sans précédent, la moitié du budget alloué à la santé est confié en gestion aux médecins généralistes, chargés de réguler le recours aux soins hospitaliers.

 

Le 27 juillet 2012, une scène de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Londres a interloqué des millions de spectateurs étrangers : une armée de nurses (les infirmières anglaises) et d’enfants ont batifolé au milieu du grand stade, avant que trois lettres lumineuses ne l’illumine : NHS, pour National health service. Le metteur en scène Danny Boyle a marqué les esprits, car les Britanniques sont viscéralement attachés à leur système de santé, aussi constitutif de leur identité nationale que la royauté. Créé en 1948, le NHS est universel et gratuit. Entièrement financé par l’impôt, il emploie 5,6% de la population active anglaise (depuis 1999, les NHS gallois, écossais et nord-irlandais sont gérés indépendemment). Si le NHS a été si fiévreusement célébré, c’est aussi parce qu’une partie des Anglais le croient menacé.

 

Généralistes, “porte d’entrée du système”

Le 1er avril 2013 est entrée en vigueur la plus importante réforme de structure que cette vieille institution n’ait jamais connue. Le gouvernement de coalition entre conservateurs et libéraux-démocrates, dirigé par le Premier ministre David Cameron, veut “changer sa culture” : alléger sa “bureaucratie”, en coupant 30% des dépenses administratives, et le mettre en concurrence, afin de la rendre plus efficace. Le tout dans un contexte d’austérité inconnu sous nos latitudes : pour faire face à la progression naturelle des dépenses de santé d’environ 4 % par an, il doit donc réaliser environ 20 milliards de livres (25 milliards d’euros) d’économies en 5 ans.

Les médecins généralistes sont les principaux artisans de cette réforme. Ils étaient déjà la “porte d’entrée” du système : les anglais doivent choisir leur médecin généraliste traitant (generalpractitioner dit GP) dans une zone géographique restreinte. L’accès aux spécialistes, qui sont tous à l’hôpital, passe obligatoirement par les médecins généralistes. Ceux-ci sont rémunérés au forfait, selon une équation complexe prenant en compte le nombre de leurs patients, l’état de santé de la population locale et le coût de la vie locale. Les anglais sont ainsi les pionniers de l’organisation des soins primaires.

 

“Comparer les performances des différents hôpitaux”

Ils ont franchi une étape supplémentaire avec cette réforme : la gestion des trois quart du budget du NHS (65 milliards de livres sterling, 75 milliards d’euros) est confiée en gestion à des associations de médecins généralistes, les “clinicalcommissioning groups”. Ces nouveaux maillons sanitaires structurent désormais l’offre de soins de premier recours en Angleterre. C’est à ce niveau local que se pense désormais “la stratégie sanitaire”, explique Carolyn Regan, directrice d’un CCG à l’ouest de Londres : “notre ambition est d’améliorer l’état de santé de la population, la qualité des soins, et de rapprocher la santé du médico-social”.

L’autre mission des CCG est le “commissioning” : cette nouvelle mission consiste à acheter des soins secondaires, principalement hospitaliers. “Nous cherchons à acheter les soins plus efficaces et les moins coûteux possibles”, explique Carolyn Regan. Là encore, “les médecins généralistes utilisent leur expertise clinique pour comparer les performances des différents hôpitaux”, assure-t-elle. En orientant prioritairement leurs patients vers certains services ou hôpitaux, les CCG sont donc susceptibles de réguler, voire de restructurer l’offre hospitalière, en fonction de la qualité des soins et des besoins de la population. C’est en tout cas l’un des principaux objectifs de cette réforme du NHS.

Mais en réalité, “pour la majorité des médecins généralistes, comme pour les patients, rien n’a changé depuis 4 mois”, modère Richard Vautrey, médecin généraliste à Leeds, au nord de l’Angleterre. Estimation confirmés à l’Association médicale britannique (British medical association), le premier syndicat de médecins.

 

“Privatisation du NHS”

Le CCG de l’ouest de Londres, particulièrement innovant, est donc une exception, comme le reconnaît Carolyn Regan. “Seuls 5 à 10% des médecins sont réellement impliqués dans les CCG, poursuit Richard Vautrey. Il y a beaucoup d’incertitudes sur leurs compétences exactes, la nouvelle organisation est peu lisible. Mais surtout, la contrainte financière est si forte que les marges de manœuvre sont très étroites”.

Selon le gouvernement, cette nouvelle organisation du NHS doit permettre de relever plusieurs défis: limiter la progression des dépenses hospitalières, développer la santé publique afin d’enrayer l’épidémie d’obésité et de diabète qui frappe la Grande- Bretagne, ou encore lutter contre les inégalités sociales de santé. Autant de sujets qui font écho en France. Mais les détracteurs de la réforme craignent qu’une “privatisation du NHS” soit ainsi à l’œuvre.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Caroline Coq-Chodorgne