Après avoir déposé un référé à la CNAM exigeant le décompte des secteurs d’exercice des médecins ayant signé pour le Contrat d’accès aux soins, qu’il considère illégal, le Dr Jérôme Marty, le président de l’Union française pour une médecine libre mobilise ses troupes. Il vise le tiers-payant généralisé et annonce une rentrée sociale agitée.

 

Egora.fr : Le contrat d’accès aux soins (CAS) a été validé, mais vous ne l’admettez pas au point que l’UFML a déposé un référé avec astreinte de 10 000 euros par jour contre la caisse nationale d’assurance maladie, qui refuse de rendre public le secteur d’exercice des médecins qui ont signé. C’est la guerre !

Dr Jérôme Marty : Au-delà de l’existence du CAS, nous nous insurgeons contre le fait que les règles n’ont pas été respectées. La caisse a annoncé 8 611 signatures en septembre, et le détail de ces chiffres devait être divulgué pour que l’on sache si l’accès aux soins était validé au non : il fallait que 33 % des médecins du secteur 2 le choisissent, pour qu’il entre en fonction. Or, nous savons par les retours qui nous sont parvenus des régions, que quantité de secteur 1 titrés y ont souscrit. C’est tout à fait normal d’ailleurs, car cela leur permet, enfin, de rentrer dans un dépassement d’honoraires auquel ils n’ont pas droit. Selon l’avenant N° 8 à la convention, les secteurs 1 titrés ne peuvent intégrer le CAS que lorsque 33 % de médecins du secteur 2 auront signé. Or, il semble fort que la caisse ait intégré les secteurs 1 titrés dans les 8 611 signatures, ce qui ne rend pas le CAS valide aujourd’hui. Et pourtant, lorsqu’ils appellent des médecins, un des arguments des délégués d’assurance maladie autant que des directeurs de CPAM, c’est de leur dire que le CAS est valide et qu’il leur faut signer. Cela modifie considérablement l’état d’esprit des médecins vis-à-vis de cette signature ! Pour nous, c’est illégal.

 

Lorsque vous l’avez interrogé sur ce point, la caisse nationale vous a répondu qu’elle ne pouvait pas faire le détail…

Nous avions dans un premier temps, envoyé un huissier à la CNAM chargé de transmettre notre requête. Il a attendu cinq heures et au final, on lui a dit que le détail n’était pas disponible, car il fallait attendre les remontées des CPAM. Très clairement, on nous promène. Avec l’informatique, il suffit d’appuyer sur un bouton pour savoir tout cela. Mais vous remarquerez que depuis l’annonce triomphale des 8 611 signatures et des adhésions qui arrivaient au rythme de 150 à 200 par jour, on n’entend plus rien. Plus de communication. C’est curieux et cela joue dans notre sens.

 

Cette action remet votre mouvement en lumière, et vous annoncez une grosse actualité pour les prochaines semaines.

Oui, nous organisons un grand rassemblement à Paris, le samedi 9 novembre. Les différentes personnes qui participent au mouvement et nous soutiennent viendront expliquer quels sont les principaux problèmes qui touchent aujourd’hui la médecine et les médecins, tous secteurs confondu. Nous subissons tous une diminution considérable du pouvoir décisionnel, au point que nous n’avons plus la main sur notre avenir, plus d’indépendance. C’est ce que l’on dénonce, et nous présenterons nos propositions. Ensuite, nous dévoilerons les détails du mouvement du 2 décembre, qui a déjà été annoncé.

 

Quelles sont ces structures qui vous soutiennent ?

On sait que des syndicats verticaux vont venir, je pense aux allergologues, la FMF a dit qu’elle viendrait aussi. Nous sommes en discussion avec différentes organisations d’infirmières et de kiné, nous faisons également le tour des syndicats de pharmaciens, tous ces professionnels concernés par la mise en place du tiers payant généralisé, qui va considérablement transformer nos pratiques. Je ne pense pas que le tiers-payant sera particulièrement inflationniste, comme le prédit la CSMF, mais je crains qu’il induise la perte totale de liberté du médecin. Il va devenir totalement assujetti à la caisse et aux organismes complémentaires et n’aura plus la main sur son exercice. Cela va nous faire rentrer dans une autre médecine, où les patients vont perdre aussi leur liberté car à chaque intervention, nous serons confrontés à un conflit d’intérêt majeur entre financeur et médecin.

 

Le tiers-payant généralisé, ce sera le thème fédérateur de votre automne ?

Il y aura plusieurs mots d’ordre. Du côté des médecins, il y a le CAS, le tiers-payant généralisé, la mise en place des réseaux de soins avec le projet de loi Leroux que l’on annonce pour le début de l’année prochaine, ou un peu plus tôt. Nous serons très vigilants. Nous parlerons du problème spécifique des mutuelles, autour du livre de l’économiste Frédéric Bizard, qui vient de rédiger un ouvrage de référence sur le sujet. Et nous avons également invité le président de la CARMF, Gérard Maudrux, qui répondra aux questions que les médecins se posent. Notre panel est large, mais il embrasse tous les problèmes puisque la CNAVPL (caisse nationale vieillesse des professions libérales) fait l’objet d’une reprise en main par l’Etat. En fait, tout s’accélère.

 

Vous ferez le point le 9 novembre, mais l’UFML, c’est combien de divisions ?

Je ne peux pas vous répondre pour l’instant car je ne le sais pas. Lorsque nous avons monté le mouvement, nous l’avons conçu comme un mouvement de résistance et je ne voulais pas savoir combien nous étions. Nous avons quelques pourcentages qui nous sont donnés par notre web master, mais ce n’est pas assez précis. Nous sommes plusieurs milliers, c’est certain.

 

On ne paie pas de cotisations à l’UFML ?

Si, d’un montant de 23 euros, c’est à dire rien. Mais des gens font des dons qui peuvent monter jusqu’à 500 euros. Ces calculs seront affinés pour le 9 novembre et je pense que nos effectifs tourneront autour de 5 à 6 000 médecins, même si nous somme plus nombreux sur la page face book (1 322 membres et 32 777 membres au groupe ouvert des médecins pigeons. Ndlr). Mais c’est la problématique d’un mouvement associatif : des sympathisants nous disent qu’ils adhéreront lorsque nous seront un syndicat, ils ne veulent pas prendre une cotisation à une association. D’autre nous quitterons si on se transforme en syndicat. On sait aussi que nous avons une accélération très importante lorsqu’un mouvement social se dessine. Et là, nous notons une explosion des adhésions.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Catherine Le Borgne