L’amiante, l’éther de glycol, les dangers du sel et plus récemment le Mediator : autant d’affaires qui ont éclatées par l’intermédiaire des lanceurs d’alertes. Ces derniers, souvent inquiétés, sont désormais protégés par une loi.

 

Révéler au grand jour la dangerosité, pour l’environnement et l’homme, de certains produits ou faits n’est pas sans risque. Pour ceux qui parlent, cela peut se payer par une mise au placard, de la discrimination, un licenciement, voire même un procès intenté par l’entreprise pointée du doigt. Souvent victimes pour avoir attiré l’attention sur des risques sanitaires et environnementaux, les lanceurs d’alertes sont désormais protégés par une loi, relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement, et à la protection des lanceurs d’alertes, rédigée par la sénatrice écologiste Marie-Christine Blandin et adoptée le 3 avril.

 

“Le médecin a un rôle à jouer dans le domaine de la santé environnementale”

“La protection du lanceur d’alerte est une bonne chose, car cela permet de poser des questions et de les étudier. Généralement, les lobbies luttent contre les alertes, et des problématiques environnementales comme l’amiante ou les dangers de la cigarette mettent alors 30 ans avant de trouver des réponses. Le médecin a un rôle à jouer dans le domaine de la santé environnementale” juge le Dr Dominique Le Houézec, pédiatre à Caen, membre du Réseau environnement santé (RES).

“Derrière cette question de l’alerte, il y a souvent le souci des conflits d’intérêts que l’on retrouve dans de nombreuses affaires, souligne la sénatrice. Les réunions décisionnelles mélangent les pouvoirs publics et ceux qui ont des intérêts à la diffusion des molécules. J’ai donc souhaité, avec ma proposition de loi, m’attaquer aux racines du mal”.

Un choix qui ne réjouit pas l’Académie de médecine, opposée à la loi. “Il y a de bons mais aussi de très mauvais lanceurs d’alertes. Certains ne sont pas de bonne foi, il n’y a donc pas de raison qu’ils soient protégés car ils vont mettre sur le marché de mauvaises réalités” explique le Pr Charles Pilet, membre de l’institution avant d’ajouter“l’expert doit sans cesse prouver qu’il n’a pas de conflit d’intérêt alors qu’on ne le demande pas aux lanceurs d’alertes. Il y a des personnes qui vont profiter de cette protection pour lancer des alertes sur tout et n’importe quoi et cela va mettre les experts en porte-à-faux”.

 

“Aujourd’hui, il y aurait 143 000 substances chimiques sur le marché et seulement 3 000 évaluées.”

“Un lanceur d’alerte est différent d’un expert. Il ne faut pas confondre une alerte et une preuve. Le lanceur d’alerte privilégie le principe de précaution et n’affirme pas que tout est prouvé de façon ferme et définitive. Par exemple, pour les ondes des téléphones portables, on n’a pas prouvé qu’elles étaient dangereuses, mais l’inverse non plus” indique le Dr Eric Menat, médecin généraliste dans la région toulousaine et membre de l’Association Santé Environnement France (Asef).

“Le renversement de la charge de la preuve devrait être la norme, estime pour sa part André Cicolella, président du Réseau environnement santé (RES). On ne devrait mettre sur le marché que des substances évaluées. Le producteur de risque doit évaluer le risque, sinon, c’est de l’irresponsabilité”. Et d’ajouter : “Aujourd’hui, il y aurait 143 000 substances chimiques sur le marché et seulement 3 000 évaluées. Certains perturbateurs endocriniens ne sont pas identifiés. Cela contribue au développement des épidémies des maladies chroniques.”

“En France, nous avons une grande antériorité par rapport à des conflits d’intérêts qui sont évidents, rappelle le Dr Patrice Halimi, chirurgien-pédiatre et Secrétaire général de l’Association santé environnement France. Et ce qui est dramatique c’est que les gens perdent confiance dans beaucoup de produits, de substances. Tous les jours dans mon cabinet, mes patients me posent des questions à ce sujet. S’ils n’ont plus confiance, nous allons avoir des difficultés à les soigner”.

 

“Les médecins doivent également proposer une solution aux patients”

Dans le domaine de la santé environnementale, les médecins ont un rôle fondamental à jouer. “Mais pas uniquement le rôle basique qu’on veut leur attribuer en leur faisant dire à leurs patients qu’il ne faut pas fumer, ni boire. Ils ont un rôle par rapport à la protection des maladies chroniques, à la surveillance biologique et des attentes de l’environnement” estime André Cicolella. “Les médecins ne doivent pas être uniquement des lanceurs d’alertes, poursuit le Dr Halimi. Ils doivent également proposer une solution aux patients. Il faut une proposition qui vienne compléter l’alerte ou qui appelle à la vigilance”.

Le médecin de terrain est le mieux placé pour alerter, car il permet d’évaluer le risque qui s’adapte à chacun. L’Asef s’attache d’ailleurs à former les médecins qui le souhaitent. “Il faut le faire au plus près du terrain, être le plus proche des gens, ramener l’universel au particulier”, conclut le Dr Halimi.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Laure Martin