Fin de vie, génériques, politique de santé… ces médecins revendiquent des opinions tranchées sur des sujets qui vous concernent. Cet été, Egora.fr leur donne la parole. Deuxième volet aujourd’hui, le Dr Sauveur Boukris* s’indigne du blanc-seing donné par les pouvoirs publics aux médicaments génériques.

 

“Ce qui me choque, c’est qu’on affirme que sur le plan scientifique, les médicaments génériques sont des copies conformes des médicaments princeps. Alors que c’est faux. Les génériques sont différents de la molécule originale d’une part, et sont différents entre eux d’autre part. Et ces différences ont des conséquences sur les patients.

La Commission européenne, dans son souci de faire la promotion du générique, a donné une définition très large qui englobe beaucoup de choses. Pour elle, les différents sels qui composent le principe actif sont équivalents, les modifications chimiques qu’on peut apporter sur un principe actif sont équivalentes. Un comprimé ? Une gélule ? C’est pareil. Un médicament à libération rapide ou à libération lente ? C’est pareil. Ca, si vous en parler à un chimiste ou à un pharmacologue, il tombe de sa chaise. On considère que grosso modo, ils ont toléré des variations de biodisponibilité de -20% à +20%. Mais ces variations ont des conséquences cliniques pour le malade !

 

Si ca peut faire faire des économies à la sécu, et que l’efficacité est la même, très bien

La différence entre les génériques et les princeps n’est pas du tout prise en compte du tout par les pouvoirs publics. Voyant que les déficits de la sécurité sociale augmentaient année après année, ils ont pensé que la promotion des génériques était la solution qui allait résoudre le problème.

Je n’avais pas d’a priori dogmatique. Si ca peut faire faire des économies à la sécu, et que l’efficacité est la même, très bien. Simplement, quand on a commencé à prescrire des génériques, on avait des patients qui revenaient nous voir. Ils disaient “Docteur vous m’avez donné des génériques, mais ce n’est pas aussi efficace, les douleurs reviennent, j’ai des brûlures d’estomac, des nausées”. Au début, ma première réflexion a été de leur dire “Mais non, c’est dans votre tête, c’est une vue de l’esprit. Générique et princeps, c’est pareil”. Mais quand vous avez des dizaines, des vingtaines de patients qui vous disent la même chose, vous finissez par vous poser des questions. Les malades ne sont pas tous des fous, et il faut bien en ternir compte.

Il n’y a pas que moi qui le dis ! Il y a des experts, l’Académie nationale de médecine, l’Igas a remis un rapport à la ministre, le CISS… Tous font remonter les mêmes observations. Depuis 2008, des médecins, des hospitaliers, tirent la sonnette d’alarme. Mais on nous dit “Il faut faire des économies, circulez y’a rien à voir”.

 

Les fabricants ne font aucun investissement dans la recherche ni dans le développement

Les intérêts économiques prévalent clairement sur la santé des patients. La priorité du malade est mise en berne. La fabrication des génériques, c’est avant tout une question d’argent : faire des économies pour les pouvoirs publics, et faire des profits pour les entreprises de génériques. Les fabricants ne font aucun investissement dans la recherche ni dans le développement, et ils réduisent le coût de la main d’œuvre pour vendre le médicament le moins cher possible et accorder des remises les plus importantes aux pharmaciens. Les génériques, ce n’est qu’une affaire de gros sous.

Ce qui est complètement aberrant, c’est que certains génériques sont même plus chers que les princeps ! Certains laboratoires s’alignent sur le prix du générique. Par exemple, la molécule originale du Lexomil est moins chère que le générique. Vous avez la même chose dans le Spasfon.

Cette politique du générique a été faite en dépit du bon sens. Il y a des aberrations, il y a du forcing. Il y a une sorte de consensus des experts, des politiques, des économistes, qui disent tous “C’est pareil”. Jusqu’au prochain scandale.”

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : F. Na

 

* Sauveur Boukris est médecin généraliste à Paris depuis plus de vingt ans. Il est aussi enseignant à la faculté Bichat et Lariboisière, et auteur de nombreux ouvrages dont Médicaments génériques, la grand arnaque ou La fabrique de malades, ces maladies qu’on nous invente (Le Cherche Midi).