Aujourd’hui en France, plus d’un médecin sur trois serait en situation d’épuisement professionnel. Si la charge de travail a toujours été avancée comme la principale raison du ras-le-bol des médecins, pour la première fois, un sondage pointe un autre coupable : le patient insatisfait.

 

Agressifs, hypocondriaques, exigeants… Les patients ont visiblement de quoi donner des cheveux blancs à leurs praticiens. Et s’ils étaient en partie responsables du burn-out des médecins ? C’est en tout cas l’hypothèse qu’a soulevé l’association champ-ardennaise, “Parole de professionnels” en réalisant un sondage inédit sur l’épuisement professionnel des médecins. L’enquête* a été menée auprès d’un échantillon de 120 médecins et 29 patients. Et les résultats sont surprenants. Si la charge de travail reste pour 46% des praticiens la principale cause d’épuisement professionnel, la relation avec le patient pointe à la deuxième place (41%), juste devant les contraintes administratives (31%) et les problèmes de gestion du cabinet (15%).

 

Pas plus de 15 minutes en salle d’attente

“C’est une surprise, car les précédentes études sur le burn-out ont en général été faites par les médecins eux-mêmes, remarque Frédéric Bonlarron, psychanalyste et président de l’association à l’initiative du sondage. Or les médecins pointent rarement la relation avec les patients comme une cause d’épuisement, car ils n’en ont pas eux-mêmes conscience.” Sauf que, lors des entretiens menés par BVA, les médecins ont eu nombre de choses à reprocher à leur patientèle. Et vice-versa.

Si 98% des généralistes considèrent que l’écoute est un élément déterminant de la relation avec le patient, 99% d’entre eux citent au moins une attitude de patient qui l’épuise. Pour leur médecin, les malades sont trop exigeants sur les horaires et les prescriptions, ils posent trop de questions, sont inquiets, hypocondriaques et éternellement insatisfaits.

De leur côté, les patients ne sont pas en reste dans les reproches. D’après l’étude, ils ne supportent pas de rester plus de 15 minutes en salle d’attente ou que le téléphone sonne pendant la consultation. Enfin, ils ne supportent pas d’être expédiés et ont terriblement peur des erreurs de diagnostics. “Ce ne sont pas tellement des reproches, indique Frédéric Bonlarron.En fait, les patients ont aujourd’hui une demande qui est pléthorique. Et qui sort d’ailleurs souvent du cadre médical. Le cabinet du généraliste devient le lieu où vient déverser toutes ses angoisses. On demanderait la lune à son médecin.” En bref, les patients sont devenus encore plus exigeants. “C’est une évolution de notre société. La demande est devenue presque totalitaire. Il y a une sorte de dictature qui a tendance à s’instaurer dans les relations. La demande du patient a évolué. On ne demande plus dans les règles de la politesse. On exige et on exige tout de suite.”

 

“La position du médecin vacille, et il le vit très mal”

Internet a aussi fait évoluer la relation médecin-patient. Le malade s’est souvent documenté avant la consultation, résultat, c’est souvent lui qui donne le ton lorsqu’il arrive devant son médecin. “Et cela nuit considérablement à l’écoute du médecin.”

Face à toutes ces exigences rien d’étonnant à ce que le médecin, lui, se trouve démuni. C’est en tout cas les conclusions tirées par “Paroles de consommateurs”. “Le médecin a été formé pour répondre à la demande du patient, quoi qu’il arrive. C’est dans le serment d’hippocrate : il est le sauveur de la veuve et l’orphelin. Mais, face à une demande aussi exorbitante, il ne peut pas y répondre entièrement.” Et c’est là que le bât blesse.

Pour Frédéric Bonlarron, c’est parce que le généraliste ne peut pas résoudre tous les problèmes de ses patients, qu’il sombre en burn-out. “Les gens placent les généralistes très haut. Donc ces derniers finissent par le croire, c’est le piège. Leur ego se renforce. Mais ils peuvent aussi tomber de très haut. Soit lors d’un conflit avec le patient, soit lorsque le patient les remet cause. Là, la position du médecin vacille. Et ça, il le vit très mal.”

Plutôt que de s’arrêter au simple constat, l’association “Paroles de professionnels” propose aussi quelques pistes de réflexion, pour aider le médecin à mieux gérer cette relation tendue. Et cela passe par une formation à l’écoute. « Il faut écouter, c’est très important pour la relation patient médecin. Il ne faut pas non plus que le médecin dise : je me protège, je me mets un mur. Il faut qu’il comprenne qu’écouter ne veut pas dire répondre totalement à la demande. Mais cela peut aider. Et cela peut aussi remplacer la médication. Mais les généralistes ne sont pas du tout formés à ça. »

“Paroles de professionnels” plaide aussi pour la mise en place d’un réseau de soin qui viendrait renforcer le médecin généraliste : psychologues, aides sociales… Le but étant que le praticien se recentre sur son cœur de métier.

Formation des médecins, mais aussi formation des patients. L’association propose d’apprendre aux malades à clarifier leurs demandes, en leur faisant remplir un questionnaire précis en salle s’attente. “L’idée est qu’ils comprennent qu’ils ne vont pas chez le médecin comme ils vont faire leurs courses !”

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : FaAline Brillu

 

*Sondage BVA, réalisé en partenariat avec GSK.