A Roubaix, un conflit opposait depuis des mois la direction de l’hôpital et les urgentistes qui réclamaient des renforts. Un accord a finalement été trouvé, mais il est loin de faire l’unanimité. Pour compléter ses effectifs, Roubaix a décidé de se désengager de l’hôpital voisin de Wattrelos. Conséquence : la fermeture du service d’urgence y est prévue pour janvier 2014.

 

“Ils se sont fait avoir, c’est tout. On ne peut pas leur en vouloir”, lâche Yannick Sobaniak délégué CGT à l’hôpital de Wattrelos (Nord) à propos de l’accord trouvé entre les urgentistes de Roubaix et leur direction, au détriment de son hôpital.

Voilà des mois que les urgentistes de Roubaix demandaient la création d’une ligne de garde supplémentaire. Après le départ en février de la chef du service, le docteur Marie-Anne Babé et des menaces de démissions collectives, ils avaient fini par obtenir deux postes sur les cinq demandés et la promesse d’une réorganisation interne pour pallier aux manques.

Mais ils ne pensaient pas que leur combat pourrait avoir de telles conséquences : la direction de Roubaix a annoncé le 2 juillet que la réorganisation se traduirait par un désengagement des urgences de Wattrelos, qui accueille 15 000 passages annuels, pour renforcer ses effectifs. ” Depuis 2006, l’hôpital de Roubaix met à disposition de Wattrelos, quatre urgentistes qui assurent les urgences et la permanence des soins en médecine”, explique Yannick Sobaniak.

 

“Décision unilatérale”

Dès le 1er octobre prochain, ces médecins roubaisiens n’assureront plus la permanence des soins entre 18h et 9h du matin. Et en janvier 2014, ils devraient se retirer totalement de Wattrelos. L’hôpital perdrait ainsi son service d’urgence et de surveillance continue.

“Cette décision a été prise de façon unilatérale et sans concertation. Nous avions été reçus le 14 juin et le problème du manque de médecin à Roubaix avait été évoqué. Mais pas la solution d’un désengagement !”, dénonce Dominique Camparros, présidente de la Commission médicale d’établissement (CME) de Wattrelos. “On l’a appris par voie de presse”, ajoute Yannick Sobaniak qui regrette le manque de dialogue social.

Pour l’ARS Nord-Pas-de-Calais, cette solution était ” la seule piste à moyens constants” pour satisfaire les besoins de Roubaix. “La fréquentation de nuit à Wattrelos est en moyenne inférieure à trois patients”, assure l’ARS pour légitimer la décision.

 

“Seul accès aux soins de la ville”

“Quand vous voulez tuer votre chien, vous dites qu’il a la rage”, fulmine Yannick Sobaniak. Selon lui, l’ARS fait un mauvais calcul. ” En nuit profonde, entre minuit et 6h, c’est vrai qu’on est à trois passages. Mais ils vont fermer de 18h à 9h, et là on est à 17 passages”, rapporte-t-il.

Et si les services de Wattrelos ne sont certes pas aussi riches qu’à Roubaix, il assure que les urgences ont bien leur raison d’être “On dit qu’il faut traiter en priorité les petites urgences pour désengorger les services, rapporte le représentant syndical. Et bien, c’est précisément ce que l’on fait à Wattrelos !”.

D’autant que dans cette commune de 45 000 habitants, les spécialistes ne sont pas nombreux. “Nous avons déjà peu de médecins traitants, il nous reste quelques dentistes et le dernier ophtalmo vient de partir… On est le seul accès aux soins de la ville”, regrette Yannick Sobaniak.

De leur côté, les urgentistes de Roubaix ont du mal à se féliciter de la décision qui permet pourtant de dégager les postes qu’ils réclamaient. “Le directoire de Roubaix nous a imposé de quitter Wattrelos. Nous avons acté cette décision, même si ça a été très difficile pour nous”, témoigne le docteur Antoine Delpechin, porte-parole des urgentistes roubaisiens. “On s’est sentis extrêmement floués au début, assure-t-il.On est tristes de voir que l’offre de soins à Wattrelos va diminuer. Mais ce qui est positif c’est que tout le personnel viendra compléter les gardes à Roubaix. On étoffe notre équipe pour mieux accueillir nos patients”. L’urgentiste confie aujourd’hui être dans l’expectative et attendre de voir si son service, qui assure déjà 65 000 passages par an, sera capable d’absorber l’afflux supplémentaire de patients.

 

Préavis illimité de grève

Mais pour Dominique Camparros, la fermeture des urgences de Wattrelos pose d’abord un autre problème : le report des patients de Wattrelos vers Roubaix est loin d’être assuré. “Les gens n’ont pas l’intention d’aller à Roubaix se faire soigner, avec des délais d’attente de plusieurs heures, assure-t-elle. Et puis on parle de la population la plus pauvre de France ! Il faut savoir que beaucoup n’ont pas de voiture, qu’il n’y a pas de métro, et que le bus, quand vous avez une urgence, ce n’est pas le plus facile”. Pour ces raisons, la présidente de la CME de l’hôpital de Wattrelos n’entend pas se résigner à une fermeture de ses services. “Le combat durera jusqu’à ce que nous trouvions une solution !”, assure-t-elle. Pour le moment, à Wattrelos, un préavis illimité de grève a été déposé le 3 juillet et une pétition a recueilli quelque 1 200 signatures.

Dominique Camparros assure avoir une autre piste : “Roubaix pourrait revenir sur sa décision de retrait de jour en janvier”, glisse-t-elle. Si les discussions n’ont pas encore commencé, la présidente de la CME émet l’hypothèse d’une association à trois, avec l’aide de l’hôpital de Tourcoing. “Roubaix pourrait continuer d’assurer le service de jour, et Tourcoing ferait les nuits”, suggère-t-elle. Pourtant à Roubaix, on assure que le désengagement définitif pour janvier est acté.

“On va prochainement engager des discussions avec les deux autres hôpitaux. On espère pouvoir mettre en place quelque chose pour janvier”, explique Dominique Camparos. “On va tout faire pour maintenir un accueil d’une façon ou d’une autre”, conclut-elle.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Fanny Napolier