Depuis un arrêté du 11 juin publié au journal officiel du mercredi 3 juillet, les pharmaciens sont autorisés à réaliser en officine 3 tests biologiques : ceux de la glycémie, du diagnostic d’angine à streptocoque A et de la grippe. D’autres professions de santé sont également habilitées par cet arrêté, à pratiquer des “ tests, recueils et traitements de signaux biologiques qui ne constituent pas un examen de biologie médicale”*. Mais les médecins fulminent.

 


Le pharmacien d’officine est donc maintenant habilité à réaliser le test oro-pharyngé permettant de diagnostiquer les angines à streptocoque A, celui la grippe, ainsi que le test d’évaluation de la glycémie. “Eh bien, maintenant, la dernière étape, c’est celle du patient lui-même, avec une webcam reliée directement chez le pharmacien” maugrée le Dr Michel Combier, le président de l’UNOF (médecins de famille de la CSMF). Pour préserver le secret médical, les officinaux qui se lanceront dans cette nouvelle activité, devront disposer “d’un espace de confidentialité” dédié à la pratique de ces tests biologiques, précise le texte.

 

“La désertification médicale a bon dos”

Après le suivi des patients sous AVK, tâche effective et officielle rémunérée par un forfait de 40 euros par an, une nouvelle marche du transfert de tâches entre professionnels de santé est donc franchie. Avec un bémol, de taille puisque la rémunération spécifique des pharmaciens pour la réalisation de ces tests n’a pas encore été négociée entre leurs représentants syndicaux et l’assurance maladie. “Nous n’étions au courant de rien, nous n’avons pas été concertés, c’est la mauvaise surprise, la désertification médicale a bon dos”, s’irrite le Dr Combier. Pour lui, cet arrêté émanant de la Direction générale de la Santé, est un “miasme de la loi Hôpital, patients, santé et territoires. Il nous faut des éclaircissements, nous devons en parler avec les pharmaciens”. En fait, le généraliste redoute que ce texte réglementaire ne soit qu’une entrée en matière pour préparer le “coup d’après”, l’intervention de plus en plus forte des pharmaciens dans la prise en charge des soins primaires, “au détriment des médecins”. Et du coût de leurs consultations.

Le test diagnostique rapide des angines à streptocoque A était jusque là réservé aux généralistes, pédiatres et ORL. Mis gratuitement à disposition des praticiens par l’assurance maladie au début des années 2000 dans le cadre de sa campagne : “Les antibiotiques, c’est pas automatique” destinée à combattre la montée des multirésistances à ces médicaments, le test de diagnostic rapide (TDR) du streptocoque bêta-hémolytique permet en 7 minutes de savoir s’il est nécessaire de prescrire ou non des antibiotiques. L’angine streptococcique ne représente que 10 à 25% des angines de l’adulte et 25 à 40% des angines de l’enfant après 3 ans mais on a estimé au moment de la mise en place de ce test, que 7 millions d’angines virales environ, soit presque une angine sur deux, étaient traitées par antibiotiques. Le renfort des pharmaciens en officine devrait permettre aux yeux des pouvoirs publics, de maîtriser encore mieux l’usage des antibiotiques, dont la prescription repart lentement à la hausse.

 

“Ca va tout changer”

Quant au test rapide de la grippe, seuls les médecins faisant partie du réseau de surveillance Sentinelle l’utilisaient jusque-là, dans le cadre de la surveillance épidémiologique. Les pharmaciens – avant même les médecins de ville – ont donc désormais la possibilité de participer eux aussi à ce système de surveillance de santé publique. Ces derniers semblent satisfaits du texte qui leur donne un cadre d’intervention rénové. En tout cas, c’est le cas du Dr. Olivier Mimoun, un pharmacien des Yvelines interrogé par le site Pourquoi-docteur :”Ca va tout changer. Jusque là ce n’était pas formalisé, on le faisait surtout aux nouveaux diabétiques pour apprendre à utiliser le lecteur de glycémie”, confie-t-il.

On l’a vu, les médecins libéraux ne voient pas d’un bon œil, l’arrivée de ces tests en pharmacie même si, selon l’arrêté, les pharmaciens (et les autres professions de santé concernées par l’usage de tests) devront s’astreindre à suivre une formation spécifique.

“Si le test d’angine est positif, il faut des antibiotiques, donc ça se termine forcément chez le médecin. Je ne vois pas très bien l’intérêt d’organiser un pré-diagnostic chez le pharmacien”, commente sur Pourquoi-docteur, le Dr Claude Leicher, président de MG France. Quant au test de diagnostic de la grippe, il rend Claude Leicher encore plus dubitatif. “Quelqu’un qui tousse, qui est enrhumé, qui a 40 fièvre, est ce qu’il aura vraiment l’idée de commencer par vérifier s’il c’est la grippe auprès de son pharmacien ?”s’interroge t-il.

 

“Chacun son métier, la pathologie, c’est le métier des généralistes !”

“Pour le test de la grippe en pharmacie, je n’en vois pas l’utilité, mais j’en vois surtout les risques. Si au final, c’est une pneumopathie aigüe non diagnostiquée et non traitée, l’évolution peut être extrêmement sévère.”

Le Dr Combier ne dit pas autre chose lorsqu’il affirme : “Une pathologie ne se résume pas à un acte et a fortiori à un test. Une grippe qui se transforme en méningite dans les six heures, çà se voit. La réaction à un test d’angine peut aller jusqu’à 7 minutes. Le pharmacien qui délivre des médicaments et de la parapharmacie en même temps aura-t-il le temps de tout faire ? Chacun son métier, la pathologie, c’est le métier des généralistes ! Il me semble que l’on va un peu vite en besogne.”

[Avec http://pourquoi-docteur.nouvelobs.com]

*infirmiers, sages-femmes, médecins, autres professionnels de santé placés sous la responsabilité d’un médecin et pharmaciens d’officine.

Lire l’arrêté : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000027545594

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Catherine Le Borgne