Les généralistes d’Angoulême en ont marre. Marre d’abandonner leurs patients et une salle d’attente bondée pour honorer des réquisitions de garde à vue où leur rôle n’est que purement administratif. Depuis le 8 juin, ils ont donc décidé de gripper le système…

 

“Mon record est de huit réquisitions sur une même journée ! Sachant qu’il faut compter entre une heure et une heure et demie à chaque fois, c’est très compliqué à gérer. La salle d’attente est toujours pleine, je dis à mes patients que je dois partir pour une urgence mais les gardes à vue sont tout sauf ça. De retour au cabinet, il y a le stress de rattraper le retard. Pour les patients qui ne peuvent pas attendre mon retour je reporte le rendez-vous au lendemain alors que le planning est déjà chargé. Et puis il y a le problème des personnes qui viennent pour des urgences ou celle qui ont du mal à se déplacer” s’indigne le Dr Louis-Adrien Delarue, secrétaire du Cercle des médecins omnipraticiens du Grand Angoulême. Depuis plusieurs années, plusieurs généralistes alertent sur les répercussions des réquisitions de garde à vue sur la permanence des soins mais “rien ne bouge”. Face à ce silence, ils ont décidé de hausser le ton.

 

Aucune salle dédiée à l’examen

“Depuis le 8 juin dernier, on demande que les réquisitions nous soient amenées en main propre, comme la loi l’exige, alors qu’avant nous nous contentions d’un coup de fil. Nous nous rendons sur place pour examiner les gardés à vue mais nous indiquons que les conditions d’examen n’étant pas satisfaisantes, il nous est impossible de statuer sur le maintien en garde à vue. Nous préconisons donc une hospitalisation” indique le Dr Anne Renault, présidente du Cercle des médecins omnipraticiens du Grand Angoulême. En effet, sur place et malgré plusieurs demandes répétées, aucune salle n’est dédiée à l’examen médical. Généraliste et gardés à vue doivent se contenter d’une chaise et d’une petite ampoule, ce qui réduit à néant le secret médical.

“Le problème ne vient pas du fait que l’on ne veut pas examiner les gardés à vue. C’est l’organisation qui n’est pas compatible avec une activité de soins” témoigne le Dr Renault consciente “de gripper un système qui est délétère depuis plusieurs années”. D’autant que la démographie médicale, en chute libre dans la région n’aide pas à résoudre les choses. “En quatre ans, nous avons eu 10 départs pour une seule installation” explique la praticienne avant d’ajouter, “c’est déjà très compliqué de répondre aux demandes de soins. Nous ne pouvons pas abandonner nos patients pour des urgences purement administratives”.

 

“Le préfet et le procureur ont cherché à nous culpabiliser”

Depuis le début de leur mouvement deux réunions ont été mise en place pour tenter de solutionner le problème. La première, organisée dans la semaine qui a suivi le 8 juin n’a rien donné. “On nous a dit que les voleurs et les violeurs allaient redescendre dans la rue à cause de nous” soupire le Dr Renault. La seconde assemblée avait lieu mercredi soir. Elle réunissait pratiquement tous les acteurs du système à savoir la préfecture, l’ARS, les gendarmes, les policiers, le procureur, les généralistes… Le Dr Delarue y assistait. Il en est ressorti très déçu. “Nous avons été très mal reçu. Notre mouvement et nos revendications ont été caricaturés dans le but de nous discréditer. Des mots très durs ont été dits. L’incompréhension a été globale. Nous avons été accusés de bloquer le système. Le préfet et le procureur ont cherché à nous culpabiliser…” a déploré le généraliste.

Après une heure d’une discussion stérile des pistes ont finalement été avancées… Un local a été mis à disposition des médecins pour l’examen des gardés à vue. Un statut de protection légale a été garanti aux praticiens en cas de plainte à leur encontre. Enfin les généralistes ont obtenu le droit d’être payé directement par l’hôpital et non par la justice dont le délai de règlement tourne autour de deux ans. “Ce sont de vraies avancées mais le problème de fond qui est la permanence des soins n’est pas réglé” estime le Dr Delarue.

 

Unité médico judiciaire

Selon lui, la solution serait la mise en place d’une Unité Médico Judiciaire (UMJ). “Généralistes et urgentistes sont unanimes autour de cette UMJ. Cela permettrait de recevoir tous les actes médico légaux à l’hôpital par des médecins formés avec une enveloppe allouée à ces actes. D’autant qu’ils sont en constante hausse. Notre dossier est entre les mains du ministère de la santé mais nous savons que si nous ne râlons pas, l’UMJ ne verra jamais le jour” constate le Dr Delarue.

En attendant une décision, les généralistes continuent leur mouvement malgré “les menaces à mots couverts du procureur de nous attaquer en justice”.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Sandy Berrebi