En ces temps de crise, la question des dépassements d’honoraires et de leur non remboursement préoccupe de plus en plus de patients.

 

“En l’espace de trois mois, j’ai du aller voir un gynécologue à deux reprises. A chaque fois avec dépassements d’honoraires. Mais je n’ai pas les moyens et le médecin ne m’a pas demandé si ça me posait problème”, témoigne Frédérique Bastin. A quarante ans passés, elle a du solliciter ses parents pour régler ses frais.

“J’ai reçu récemment un patient retraité pour une endoscopie, explique Jean-François Rey, gastro-entérologue et président de l’UMESPE-CSMF. Je lui ai fait une consultation habituelle, et je l’ai envoyé chez l’anesthésiste. Et bien il m’a demandé de lui faire un mot pour que mon confrère ne lui facture pas de dépassement”. Si ce gastro-entérologue admet que ces préoccupations économiques chez les patients se sont renforcées depuis deux ans, la plupart des praticiens de secteur 2 refusent de parler de négociation de leurs honoraires.

 

“Bien sûr que les patients négocient”

“On n’est pas des marchands de tapis, assure Jacques Caton, chirurgien orthopédiste à Lyon et co-président d’AOC, regroupant les praticiens à plateau technique lourd (CSMF). On discute de la situation financière des patients, c’est normal et ça s’est toujours fait”.

“Mais bien sûr que les patients négocient les tarifs !, s’exclame pour sa part Michel Chassang, président du CSMF.On voit tous les cas de figures. Ceux qui négocient carrément, ceux qui vous demandent de garder leur chèque jusqu’au mois prochain, ceux qui veulent un étalement du paiement…” Ce généraliste explique même que de plus en plus de patients ne paient plus du tout leur visite. “Ils nous disent : “je reviendrai vous payer demain, docteur”. Que voulez-vous, on a une certaine déontologie. On fait la tronche, mais il faut bien les soigner.”

Pourtant, les médecins de secteur 2 préfèrent parler d’une discussion dans le cadre du “tact et mesure” prévue dans les textes et grâce à laquelle ils prennent en compte la situation économique de leurs patients.

“Quand le chômage augmente comme en ce moment, de plus en plus de personnes sont en difficultés, bien sûr. Mais ils ne réclament pas, on leur facture nos soins avec tact et mesure”, garantit Philippe Cuq, président de l’Union des chirurgiens de France (UCDF) et co-président du BLOC. “Quand on explique aux patients qu’on ne peut pas les soigner avec des tarifs de 1981, ils comprennent très bien”, ajoute-t-il.

 

Renoncer aux dépassements dans des cas extrêmes

Et dans les cas extrêmes, ces praticiens, qui ont la liberté d’adapter leurs honoraires, assurent qu’ils savent renoncer à leurs dépassements. “Il m’est arrivé trois ou quatre fois cette année d’avoir des patients qui ne pouvaient pas payer, et qui préféraient reporter leur opération. Dans ce cas, je les rappelle et je les opère sans dépassement. C’est normal, on s’adapte à leur situation mais on ne peut pas non plus faire ça pour tout le monde”, concède Jacques Caton.

Malgré cela, certains patients continuent de redouter la visite chez un spécialiste. “Quand on les envoie chez un médecin en secteur 2, c’est parfois un problème. Alors on les accompagne, on téléphone au collègue pour lui expliquer la situation et voir s’il est prêt à faire un effort”, témoigne Michel Chassang.

 

“Les gens préfèrent aller dans le public”

“Je suis obligé de faire une sélection des spécialistes vers lesquels j’envoie mes patients. Dans mon département, les Hauts-de-Seine, il est très difficile de trouver un spécialiste en secteur 1. Alors souvent, je mets un petit mot dans le dossier de mon patient pour les collègues que je connais, et qui savent limiter leurs dépassements. Heureusement, il y en a encore quelques-uns”, raconte Bruno Deloffre, généraliste de secteur 2 et vice-président de MG France.

D’autres encore préfèrent s’armer de patience et se rendre à l’hôpital plutôt que de risquer un dépassement qu’ils ne pourront pas payer et qui ne leur sera peut-être pas remboursé. “On a connu une baisse d’activité de 20%, reconnaît Jacques Caton. Les gens préfèrent aller dans le public.”

Pourtant, certaines mutuelles invitent parfois ouvertement les patients à négocier le tarif proposé par leur médecin.”Ma mutuelle m’a clairement dit que je pouvais demander au médecin de ne pas me prendre de dépassement. Mais je n’ai pas osé…”, confieFrédérique Bastin.

Parce qu’une certaine pudeur peut parfois empêcher les patients de faire part de leurs difficultés financières à leur médecin, Santéclair, filiale de groupes mutualistes, leur propose une analyse de devis en indiquant le reste à charge généré par le dépassement. “La négociation, non seulement nous l’observons, mais nous l’organisons !”, fait valoir Frédéric Cosnard, Directeur médical de Santéclair.

 

Plus de gens osent aller négocier

Le document, que le patient est invité à montrer à son médecin, indique clairement : “Votre reste à charge est très élevé, nous vous invitons à en informer vos professionnels de santé. Ils pourront s’ils le souhaitent, revoir à la baisse leur dépassement”. Ce dispositif, mis en place en 2007, a connu un véritable succès assure Frédéric Cosnard. “On traite plusieurs dizaine de milliers de dossiers par an. Plus de gens osent aller négocier”.

Santé Clair vient de constituer avec le CISS (collectif d’associations de malades) et 60 millions de consommateurs, un “Observatoire citoyen du reste à charge en santé”, qui doit faire part de ses conclusions, au moins deux fois par an. Une pression supplémentaire pour les médecins du secteur 2 ou ceux qui ont choisi le contrat d’accès aux soins, qui seront également surveillés par un Observatoire conventionnel des pratiques tarifaires installés dans le cadre de l’avenant N° 8.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Fanny Napolier