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Moins de stress en groupe, la fausse bonne idée

Alors que l’exercice en groupe semble être l’avenir de la médecine générale, une thèse vient nuancer cette idée. On y apprend en effet que les praticiens, qu’ils soient seuls ou regroupés, sont tout aussi stressés.

 

Horaires plus flexibles, convivialité, partage des charges… L’exercice en groupe a tout pour plaire et séduit de plus en plus les jeunes générations de médecins qui ne se voient plus exercer comme leurs aînés. Mais sont-ils pour autant moins stressés ? C’est la question que s’est posée Jasmine Khansa dans sa thèse dirigée par le Dr Paul Le Meut.

“Je me suis demandée si le regroupement de médecin avait une influence sur le stress dans l’exercice de la profession. Mon hypothèse initiale était que oui, cela avait un effet protecteur” explique la généraliste. Pour démarrer son travail, la jeune femme s’est penchée sur une étude de l’Union régionale des médecins libéraux de Bretagne, réalisée en 2002 et selon laquelle 97% des médecins exerçant en groupe indiquaient avoir un niveau de stress de 5 et plus sur une échelle de 1 à 10 contre 88% des médecins isolés.

 

91% des médecins en groupe satisfaits. Et pourtant…

“J’avais repéré cette étude il y a une dizaine d’année et elle m’avait interpellée. L’information avait été très peu reprise car la tendance, qui prévaut toujours aujourd’hui, était de valoriser le regroupement. Ce travail de thèse avait donc pour but de valider ou d’invalider cette étude” justifie le Dr Paul Le Meut.

Jasmine Khansa a travaillé en binôme avec Emilie Canevet qui s’est intéressée à l’impact du lieu d’installation sur le stress en médecine générale. “Pour commencer notre travail, nous avons voulu comprendre pourquoi les médecins s’étaient installés seuls ou en groupe” indique le Dr Khansa. Résultat, c’est les conditions de travail l’opportunité et la convivialité qui poussent à l’exercice en groupe, contre le désir d’indépendance pour les solitaires. Et il s’avère en effet que regroupés, les médecins prennent plus de vacances, travaillent beaucoup plus souvent sur rendez-vous et sont majoritairement assistés par un secrétariat, ce qui n’est pas le cas des médecins isolés. Ainsi, “91% des médecins en groupe se sont déclarés satisfaits par leur mode d’exercice, contre 78% des généralistes seuls” déclare la thésarde. Et pourtant…

 

Plus on est nombreux, plus on est stressés

Malgré ces conditions de travail favorables, il est apparu que le niveau de stress était équivalent dans les deux modes d’exercice. “Notre analyse a pris en compte tous les facteurs de stress, nous avons donc voulu poursuivre notre recherche en nous intéressant à chaque facteur distinctement” souligne Jasmine Khansa. Une fois de plus, l’étudiante a constaté que les trois principaux générateurs de stress étaient les mêmes dans les deux catégories de médecins, à savoir les contraintes administratives, le manque de temps libre et la surcharge de travail. En approfondissant les recherches, il est apparu que les charges financières stressaient plus les médecins regroupés que leurs confrères indépendants. “En groupe, les plateaux techniques sont plus importants, il y a une voire plusieurs secrétaires… Tout cela coûte cher” explique la jeune femme.

Et les charges financières ne sont pas le seul élément générateur de stress pour ces généralistes. La thèse a souligné que, plus les médecins regroupés étaient nombreux, plus leur niveau de stress était important. Un phénomène uniquement constaté dans les groupes intra professionnels, composés uniquement de médecin. En effet la tendance est inverse dans les groupes inter professionnels de type maison de santé pluridisciplinaire.

“Nous pouvons expliquer que le regroupement de plusieurs médecins a un effet générateur de stress par le fait que le groupe ne partage pas forcement la même vision de la médecine. Beaucoup de généralistes travaillent ensemble mais sont extrêmement différents. D’autant qu’entre généralistes, il n’y a pas de travail d’équipe ni de collaboration ce qui est le cas dans les maisons de santé pluridisciplinaires” justifie Jasmine Khansa qui dévoile avoir été surprise de ce résultat, ce qui n’est pas le cas du Dr Le Meut.

 

Divorce encore plus compliqué que dans un couple

“L’exercice en groupe peut être merveilleux lorsque tout fonctionne bien mais lorsque cela dégénère, le divorce est encore plus compliqué que dans un couple. La situation peut vite devenir insupportable” analyse le directeur de thèse avant d’ajouter, “il faut que les médecins prennent conscience que l’exercice en groupe n’est pas la solution à tous les problèmes”. Il préconise donc la mise en place de procédures de conciliation, du type groupe de parole. “Il faut aussi rendre la mobilité des généralistes plus importante en facilitant le divorce. Les médecins ne doivent pas être bloqués avec un confrère avec qui cela ne fonctionne pas” estime-t-il.

Selon Jasmine Khansa, en dépit de l’importance du stress, le travail en groupe est l’avenir de la médecine générale. Il faut donc trouver des solutions pour faire baisser la pression. Elle propose donc “le développement du travail en équipe”, à l’image des maisons de santé pluridisciplinaires. Pour cela, elle considère qu’il faudrait “développer des formations sur la gestion des équipes”, ce qui n’est pas le cas, à la fac, aujourd’hui.

Enfin, dernière solution, qui semble la plus évidente, essayer de bien choisir son futur collègue. A l’unanimité, Jasmine Khansa et Paul Le Meut soulignent que cela n’est pas si simple…

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Sandy Berrebi