Depuis 2010, près des 30 personnes ont tenté, ou ont mis fin à leurs jours dans l’un des hôpitaux de l’AP-HP. Des drames à répétition qui inquiètent syndicats et direction. Une cellule centrale de prévention et d’analyse des suicides vient d’être mise en place lors d’un Comité d’hygiène et sécurité (CHSCT) extraordinaire.

 

“Je ne veux plus retourner à Robert Debré. Travail inhumain. Plus la force”. Voila les quelques mots laissés par Françoise, auxiliaire de puériculture le 22 décembre dernier, avant de mettre fin à ses jours. Depuis, près d’une dizaine d’autres membres du personnel de l’Assistance publique ont imité son geste. Rien que pour 2013, ils sont 9, dont deux ont tenté de se suicider directement sur leur lieu de travail. Le 25 mai 2013, une salariée d’Henri Mondor, âgée de 42 ans, a décidé d’en finir. Elle est la dernière sur la liste. Face à ces drames à répétition, un comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) central de l’AP-HP s’est réuni le 7 juin dernier en présence de Mireille Faugère, directrice générale, pour tenter de trouver des solutions.

 

“Le travail n’est plus du tout sécurisant”

“Depuis 2010, un plan de prévention des risques psychosociaux associant des représentants du personnel, membres du CHSTC central et des professionnels des sites a été mis en place. Nous venons de décider d’aller plus loin avec la mise en place d’une cellule centrale de prévention et d’analyse des suicides et des tentatives de suicides à composition paritaire. Elle se réunira tous les trimestres et après chaque suicide” indique Christian Poimboeuf, directeur des ressources humaines de l’AP-HP, avant d’ajouter “les syndicats voulaient plutôt un observatoire. Nous ne sommes pas contre”.

En effet, Marie-Josée Deschaud, secrétaire du CHSCT central et responsable de la formation USAP-CGT réclamait “depuis novembre dernier la mise en place d’un observatoire”. “Le plan de prévention des risques psychosociaux ne suffisait plus. Il faut faire de la prévention primaire, voir comment se passent les conditions de travail, les restructurations… Les plannings changent tous les jours, les repos sont difficiles à prendre et le personnel subit une trop grande fatigue. Le travail n’est plus du tout sécurisant” explique-t-elle.

Si Marie-Josée Deschaud note “un début de bonne communication avec la direction”, elle espère que “des moyens seront donnés à cette cellule de prévention, comme l’embauche de psychologue cliniciens”. Pour Christian Poimboeuf, “l’objectif est surtout de dégager quels sont en amont, les signes qui pourraient permettre d’alerter l’encadrement comme des changements de comportement par exemple”.

 

“Nous ne sommes pas des soignants mais une masse salariale”

Car il est très difficile de dresser une tendance générale des victimes. “Il n’y a pas de typologie” constate Christian Poimboeuf. Marie-Josée Deschaud note en revanche que les salariés à faibles salaires sont les plus touchés. “Depuis le début de l’année, il y a 6 aides-soignants, un personnel ouvrier, un infirmier et un technicien supérieur hospitalier” liste-t-elle avant de déplorer “nous ne sommes pas des soignants mais une masse salariale c’est à dire la variable d’ajustement pour les plans d’économie”.

Pour Christian Poimboeuf, pas question de parler de plan d’économie. Il préfère le terme “plan d’efficience”. Et il tient à rappeler que le plein emploi a été maintenu pour le personnel infirmier notamment. Une notion qui fait sourire la syndicaliste qui rappelle que les congés maternité ou les arrêts maladie ne sont jamais remplacés. A l’USAP-CGT, on pense que l’une des solutions serait l’embauche d’un directeur des ressources humaines par centre hospitalier afin de restaurer de la proximité entre salariés et direction. “Aujourd’hui, il y a un DRH par groupement hospitalier. Certains ont à gérer près de 8 000 agents” relève-t-elle.

 

“520 000 euros pour un questionnaire imbuvable”

De son côté Christian Poimboeuf a en tête une autre méthode de travail. Il planche sur la mise en place d’un baromètre interne des conditions de travail. “Cela va nous permettre de mener des plans d’action pour améliorer la situation avec les professionnels. Le fait d’interroger tous les personnels de l’AP-HP montre que l’on s’intéresse à eux. On aimerait vraiment améliorer les conditions de travail. D’ici deux à trois ans, nous referons un questionnaire pour mesurer les efforts accomplis” se réjouit-il.

“522 000 euros donnés à Ipsos pour un questionnaire imbuvable, on s’aperçoit vraiment que l’on ne nous écoute pas. Des audits sont déjà faits régulièrement et cela coûte des fortunes. On ne voit pas bien ce qu’ils vont faire de ce baromètre. Ce n’est pas ça qui va régler le problème” juge Marie-Josée Deschaud, sceptique. Elle accepte cependant de “laisser le bénéfice du doute” à la direction.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Sandy Berrebi