La CARMF et son président sont dans la tourmente, accusés par l’IGAS, de mal gérer les placements du régime complémentaire, en déficit technique en 2014. Dénonçant une entreprise de déstabilisation de l’Etat qui veut réformer la caisse et louche sur la gestion directe de ses réserves, le Dr Gérard Maudrux accuse une coalition syndicale de manoeuvrer pour le renverser.

 

Egora.fr : La CARMF et vous-même faites l’objet d’un tir de barrage syndical massif, depuis la révélation d’un rapport provisoire de l’IGAS (Inspection des affaires sociales) de janvier dernier, critiquant votre gestion des placements afférents au régime complémentaire.

Dr. Gérard Maudrux : Oh, les confrères ne sont pas dupes, et les chiffres sont têtus. On saura rapidement qui a raison.

 

Précisément. Vous mettez en cause la tutelle, vous avancez qu’il s’agit d’une entreprise de déstabilisation au service d’une stratégie très précise. Que voulez-vous dire ?

C’est tout simple : l’Etat veut changer la réglementation concernant les placements. Donc, pour justifier ce qu’il a envie de faire, il faut qu’il s’appuie sur des critiques. Ainsi, le chef de l’IGAS, sous tutelle du ministère des Affaires sociales et de la Santé, nous dit, dans un rapport qui n’a pas vocation à être diffusé, que faire des placements dans des pays émergeants, c’est illégal. Mais cela n’a rien d’illégal, puisque les fonds sont en euros ! Nous savons qu’ils veulent revenir sur ce droit. Si, par exemple, ils ne veulent plus que nous achetions de vignobles, ils dirigent leurs critiques sur les vignobles. Et tout est à l’avenant. Le gouvernement veut changer la législation, des textes sont en préparation pour la rendre plus restrictive, ils ne veulent plus de placements étrangers, plus de placements privés. En fait, derrière tout cela se cache un changement de législation et un changement d’organisation de toutes les caisses et notamment de professions libérales. Voilà pourquoi toutes les caisses de professions libérales ont eu le même type de missions et le même type de conclusions. Cela montre bien que le problème n’est pas à la CARMF. Il s’agit d’un travail préparatoire pour justifier des réformes.

 

Comment se traduiraient ces réformes pour la CARMF ?

Tout serait plus restrictif : moins de liberté pour si possible, se concentrer sur les obligations d’Etat françaises, nous aurions moins d’autonomie pour gérer le régime complémentaire. Avec comme nous l’a bien expliqué la société Fixage, la tentation de l’Etat de gérer nos réserves directement. Le régime complémentaire, c’est 5 milliards d’euros. On essaie de faire avaler à l’opinion que nous sommes incapables, que nous gérons mal – ce que nous contestons absolument – pour qu’on laisse la tutelle s’en occuper directement. Cela s’est déjà fait à l’étranger, que l’Etat récupère les réserves en proposant de garantir les futures retraites… Je rappelle que malgré les deux grosses crises de 2008 et 2011, nos bénéfices dépassent le milliard d’euros, et que notre rendement est bien supérieur à celui du livret A sur les dix dernières années. Et puis, si on a fait quelque chose d’illégal, que l’Etat nous attaque directement, je ne demande que cela !

 

L’IGAS est également sévère sur la gouvernance de la caisse. Dans les extraits du rapport provisoire qui ont fuité, on lit que les mêmes personnes sont en place depuis très longtemps, que vous même avez été coopté. L’IGAS s’interroge sur le niveau de compétence des membres du conseil d’administration, pour juger de produits financiers d’une très grande complexité…

Cette histoire de cooptation émane d’une phrase sortie de son contexte. Comme dans tout rapport, il y a une description du mode de fonctionnement de la CARMF. Les syndicats ont extraits la phrase où l’on me décrit comme un président coopté, ce qui n’est pas une critique de la cooptation, mais un simple descriptif.

 

Qu’en est-il de la cessation de paiement du régime complémentaire, redoutée en 2014 ?

Oh, là… On nous explique qu’on a tellement mal géré qu’on sera en déficit technique en 2014, c’est-à-dire que les prestations seront supérieures aux cotisations. Mais on le sait depuis 20 ans qu’on va se trouver dans cette situation en 2014 ! C’est du à la mauvaise gestion démographique et au numerus clausus qui était descendu à 3 000. C’est parce qu’on le savait qu’on a accumulé des réserves qui nous permettront de compenser le trou à partir de 2014. Et toujours pour des raisons démographiques – un numerus clausus à 7 000 – on sait qu’en 2035, la courbe va s’inverser et qu’on n’aura plus besoin de réserves. Elles seront à zéro à cette date, elles ont été faites pour cela. C’est de la gestion à long terme et c’est qui n’a pas été fait ni pour le régime de base, ni pour l’ASV. On a vu le résultat pour l’ASV : une augmentation de la cotisation, du jour au lendemain de 70 % et des allocations divisées par deux. Et dans le régime de base, une forte augmentation en l’espace de trois-quatre ans. Alors, lorsqu’on reçoit des critiques, franchement… Si ces gens-là veulent gérer le régime complémentaire comme ils ont géré l’ASV, on a vraiment du souci à se faire…

 

Alors dans ces conditions, comment analysez-vous l’attitude des syndicats qui sortent la grosse artillerie contre vous, à l’exception de la FMF ?

Et aussi de l’UCCS (chirurgiens). Il y a une entente syndicale entre MG France, la CSMF et le SML pour “saboter” Maudrux et reprendre la main. Ce qu’ils ne sont pas parvenus à obtenir par les urnes, ils espèrent le récupérer autrement. Ils se régalent avec ce rapport IGAS, qui a une finalité politique. C’est curieux, les syndicats réclament à cors et à cris le rapport sur le régime complémentaire, alors qu’ils n’ont jamais réclamé celui sur le régime ASV ! Ils prennent ce qui les arrange. C’est politique.

 

Quand doit avoir lieu cette modification de législation ?

C’est pour cet automne, dans le cadre d’une loi d’harmonisation européenne. Mais nous venons d’apprendre que les nouvelles interdictions concernant les placements seraient sans doute remises à un peu plus tard.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Catherine Le Borgne