Si la question des déserts médicaux est régulièrement au cœur de l’actualité, celle de la pénurie de professeurs dans la filière de médecine générale fait beaucoup moins de bruit. Et pourtant, le problème est plus que criant. Alors qu’il faudrait un enseignant à temps plein pour 20 internes, le ratio s’établit plutôt à un professeur pour 107 étudiants…

 

 

SOS médecine générale en danger. Tel pourrait être le slogan du collège national des généralistes enseignants qui vient de publier un communiqué alertant sur les effectifs d’enseignants et de chefs de clinique en médecine générale. “Pour encadrer ces 13 288 internes, on dénombre 29 professeurs titulaires des universités, 8 maîtres de conférences titulaires des universités, 61 professeurs associés et 114 maîtres de conférences associés, soit au total 124 postes équivalents temps plein universitaires. Le ratio enseignant temps plein/internes s’établit donc à 1/107, alors que le ratio souhaitable serait au moins de 1/20. On ne constate aucune amélioration de ce ratio puisqu’il était de 1/105 à la même époque l’année dernière” écrit le CNGE.

 

“Des incitations financières qui n’ont que très peu d’effets”

“Nous constatons une absence de conscience et de volonté politique. C’est pour cela que nous tirons la sonnette d’alarme. La situation sur le terrain est extrêmement difficile. Il n’est pas possible de vanter la médecine générale comme le fait la ministre de la Santé et qu’en parallèle, il y ait une telle pénurie”commente le Professeur Vincent Renard, président du CNGE qui craint une désaffection pour la filière. Et alors que le gouvernement met en place des incitations financières pour diriger les jeunes médecins vers l’installation en médecine générale, le Dr Renard considère qu’ “à la place des incitations financières qui n’ont que très peu d’effets, il faudrait s’attaquer à la formation médicale initiale”.

La pénurie touche également les chefs de cliniques. “Si les internes de médecine générale représentent la moitié des internes toutes spécialités confondues, les chefs de clinique de médecine générale comptent pour moins de 3% de tous les chefs de clinique” ajoute le CNGE dans son communiqué. Ainsi un étudiant de médecine générale aura 25 fois moins de chance de devenir chef de clinique qu’un collègue d’une autre spécialité. Dans la faculté de Lille, la plus importante en matière de médecine générale, on ne compte qu’un seul chef de clinique en MG. “Et encore, il n’est pas payé par le ministère de l’enseignement supérieur mais pas la région” relève Emmanuel Bagourd, président de l’InterSyndicale Nationale Autonome Représentative des Internes de Médecine Générale (Isnar-Img) avant d’ajouter “il y a autant de chefs de clinique de MG sur toute la France que de poste de chefs de clinique d’autres spécialités dans la petite faculté de Tours !”

 

“Nous n’allons pas nous allonger sur les rails de la gare de Lyon !

Bilan de ce manque d’effectifs, des conditions de travail aussi difficiles pour les étudiants que pour les enseignants. “Nous avons 13 288 parcours à encadrer, 13 288 thèses à gérer” rappelle le Pr Renard. “Etant donné que nous n’avons pas assez de professeurs, nous ne pouvons pas faire nos thèses après nos stages d’internat. Il y a des files d’attente. Du coup cela repousse notre installation” constate Emmanuel Bagourd avant d’ajouter “beaucoup d’enseignants font du bénévolat. Ils ont des contrats de 80 heures par an mais ils font tous plus”. Une situation que constate également le Pr Renard qui félicite “le dévouement des équipes qui ne laissent pas tout tomber bien qu’ils puissent en avoir marre”.

Face à une situation de plus en plus critique, comment réagir ? “Le CNGE n’est pas un syndicat. Nous n’allons pas nous allonger sur les rails de la gare de Lyon ! Nous allons continuer à marteler nos messages” répond le Pr Renard. Des messages qui sont pourtant les mêmes depuis…[pagebreak]

la création du DES de médecine générale en 2004. De son côté, le Dr Mathieu Calafiore, président du syndicat national des enseignants de médecine générale (SNEMG) prévoit d’envoyer une série de communiqués à l’attention de chaque député et sénateur. “Nous l’avions déjà fait il y a deux ans et cela avait fait bouger les choses” constate-t-il.

 

Ministères en ligne de mire

A l’unanimité, tous les acteurs de la médecine générale accusent les ministères de l’Enseignement supérieur et de la Santé de ne “pas prendre la mesure de la crise”. “Il y a eu une déclaration d’intention sur les stages en médecine générale de la part de Marisol Touraine mais le ministère de l’Enseignement supérieur ne semble pas manifester un grand intérêt pour la MG” note le Dr Calafiore. D’autant que le ministère de la santé ne peut pas agir sur les nominations et que les deux tutelles semblent avoir du mal à travailler ensemble. “Il y a clairement un non respect de la loi HPST qui s’engageait à la création de 50 postes par an. Nous somme loin du compte” ajoute le président du SNEMG.

CNGE et SNEMG attendent désormais la titularisation de 10 professeurs associés. “L’an dernier, il n’y a eu que deux titularisation alors que 15 sont en attente” regrette le Pr Renard. En parallèle, 26 associés déclarés aptes par le Conseil national des universités (CNU) attendent d’être nommés. Sans parler des chefs de cliniques…

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Sandy Berrebi