Au tout début du XXe siècle, le Dr Serge Voronoff, éminent chirurgien, spécialiste de la transplantation, a eu la surprenante idée de transplanter des testicules de singes sur des hommes âgés. Il était persuadé que cela leur rendrait forces physiques et capacités sexuelles.
Serge Abrhamovitch Voronoff est russe, né à Voroneje, au sud de Moscou. A 18 ans, il arrive à Paris et entame des études médecine. Externe des hôpitaux, il devient médecin en décembre 1893. Fasciné par la castration, il se rend en Egypte, au Caire, pour étudier les Eunuques. Il observe que ces derniers n’atteignent que très rarement 40 ans et il en déduit un lien entre la castration et l’espérance de vie.
De retour en France, le Dr Voronoff s’installe à Nice et ouvre un laboratoire de chirurgie expérimentale. En 1913, après avoir greffé des ovaires sur des brebis castrée, il “affirme la vitalité du greffon un an après la fécondité des brebis greffées”. Le médecin se met à expérimenter en greffant des testicules de jeunes boucs sur de vieux spécimens, et constate que les vieux boucs retrouvent vigueur et énergie. Il devient ainsi persuadé que la transplantation, même partielle, de testicules d’individus jeunes sur des individus vieux permet d’allonger leur espérance de vie et, pourquoi pas, d’augmenter leur appétit sexuel.
Faute de récupérer des testicules humains, il se rabat sur un animal
C’est ainsi que Serge Voronoff fit une demande étonnante à la Préfecture de Police. Le médecin souhaite récupérer les testicules d’un anarchiste de la Bande à Bonnot “Raymond la science”, qui est condamné à la guillotine. Un notable est déjà candidat pour mener l’expérience et recevoir la greffe. Las, la Préfecture refuse.
Arrive la guerre de 14-18. Le Dr Voronoff s’occupe de soigner les blessés du front. Il tente alors de consolider les fractures ouvertes infectées avec des greffons osseux animaux, de macaques essentiellement. C’est un échec. Mais le médecin publie un “Traité des greffes osseuses et articulaires”, dans lequel il affirme la supériorité des autogreffes sur les homogreffes et les hétérogreffes, ce qui constituait alors, une vue prémonitoire de la question.
La vie de Serge Voronoff prend un tournant radical en 1920. Faute de pouvoir récupérer des greffons humains, il se rabat sur un animal : le singe. Le 12 juin précisément, il effectue sa première greffe de testicules d’un chimpanzé sur un homme de 45 ans, castré à la suite d’une tuberculose. C’est un succès. Le médecin continue alors sur sa lancée et observe chez ses greffés un regain de force et d’activité, une meilleure aptitude à l’effort et même, un réveil ou une augmentation de la libido.
Très vite, la découverte fait le tour des médias. Et les riches français vieillissants se pressent pour obtenir le “remède » du médecin russe, devenu immensément riche. On raconte même qu’Anatole France aurait retrouvé ses “érections d’antan grâce à ses nouvelles testicules de singe cynocéphale.
“Clients” célèbres
Parmi les célèbres clients du Dr Voronoff, un fonctionnaire anglais, retraité de l’armée des Indes, sir Arthur Evelyn Liardet, 74 ans, greffé le 2 février 1921. Huit mois après l’opération, le chirurgien écrit : “M. E.L. avait perdu la moitié de son embonpoint, retrouvé un aspect jovial […] et sa calvitie s’était couverte d’un épais duvet blanc.” Deux ans et demi plus tard : “Son état général s’est encore amélioré. […] Il a eu avec sa femme, de nouveau, les mêmes rapports qu’il y a trente ans.” Sir Arthur Evelyn Liardet est mort le 4 septembre 1923, “à la suite d’une crise de delirium tremens que la greffe n’avait malheureusement pas amendé”.
Alors qu’éclate la seconde guerre mondiale, Voronoff est contraint de fuir aux États-Unis. Ses appartements, et sa ferme de singes sont pillés. C’est aussi la fin de sa période de gloire. Sa médecine se voit critiquée férocement par la communauté scientifique. Le Dr Serge Voronoff meurt finalement en 1951, dans la pauvreté et l’oubli le plus total.
Source :
www.egora.fr
Auteur : Aline Brillu
[D’après Le courrier de la transplantation et metronews.fr]