Dans l’optique des municipales en 2014, il est bon pour un maire de se présenter devant les électeurs avec une organisation sanitaire impeccable. Certains ont donc joué la carte du centre de santé, très hasardeuse car très couteuse, même si le discours politique ambiant la promeut.

 

Lorsque les trois derniers médecins généralistes de La Ferté-Bernard, dans la Sarthe, lui ont fait savoir qu’ils prendraient leur retraite, Jean-Carles Grelier, le maire de la ville, s’est mis en quête de leur trouver des successeurs. Ainsi, 1 500 généralistes ont été approchés, 21 contacts ont été noués, 7 rendez-vous fixés mais à l’arrivée, pas un seul médecin n’a accepté de s’installer à La Ferté Bernard, en solo ou en maison médicale, écrit-il dans une lettre à ses administrés, publiée le 21 février 2011. La solution de la maison médicale n’a pas entraîné l’adhésion du maire, car celle d’Eccomoy, commune voisine, restait “désespérément vide”. La Ferté-Bernard a donc décidé de se doter d’un centre de santé, qui a ouvert ses portes le 1er septembre 2011, animé par un médecin coordinateur et deux médecins généralistes.

 

“Le C revient à 46 € en centre de santé”

Aujourd’hui, l’un d’entre eux est parti, laissant les deux médecins totalement débordés face à leurs 2 500 patients. Il faut dire que les deux praticiens ont un contrat qui leur garantit 35 heures hebdomadaires pour 4 000 euros de salaire net, amplitude horaire qui correspond aux heures d’ouverture du centre. Par ailleurs, leur contrat de salarié ne les autorisait pas, jusqu’en mars dernier tout au moins, à faire de la permanence des soins contrairement aux promesses du maire. Il faut un autre contrat, prenant en compte les heures de récupération. Ce qui énerve passablement les médecins libéraux alentours. Interrogée, la mairie de La Ferté-Bernard n’a fait que confirmer, sans vouloir aller plus loin, qu’un recrutement était en cours pour remplacer le troisième poste vacant.

“A 35 heures par semaines, il est évident que la facture pour la municipalité est extrêmement lourde, d’autant qu’avec cette amplitude horaire, les praticiens ne peuvent accepter les soins non programmés. Lorsque les électeurs vont se réveiller, ça leur fera tout drôle car on sait qu’en règle générale, la subvention de la municipalité est égale au prix de la consultation. Le C revient à 46 euros en centre de santé !” lâche un bon connaisseur du dossier.

En attendant, alors que les municipales approchent, certains édiles entendent bien se présenter devant leurs électeurs avec une organisation de la santé au petit poil. Ce qui semble être le cas à Fontenay-aux-Roses, banlieue assez chic des Hauts-de-Seine où résident 25 000 habitants. On y compte dix médecins généralistes libéraux et entre 4 et 6 équivalents temps pleins au dispensaire municipal, lequel salarie trente professionnels de santé en tout. Certains estiment que la subvention municipale atteint 450 000 € par an. Mais ce qui a mis le feu aux poudres, c’est que le maire, qui est lui-même un ancien médecin hospitalier, a décidé de subventionner l’installation en ville de deux médecins généralistes, en leur prêtant notamment un local pendant trois ans, alors que “les médecins généralistes de Fontenay-aux-Roses ont une chiffre d’affaire plutôt inférieur à la moyenne nationale, ce qui prouve qu’on n’a pas besoin de généralistes sur la ville” relate l’un d’eux, qui préfère rester anonyme. “Le maire nous a demandé notre avis, nous étions tous contre. Il a passé outre, car il a les yeux fixés sur les municipales de 2014. Le maire se fait mousser”, ironise-t-il*.

Cette initiative “créant une distorsion de concurrence manifeste” avec les libéraux de Fontenay-aux-Roses, va valoir à l’édile de gauche, une procédure en référé, initiée par la cellule FMF du département.

 

Cautère sur jambe de bois

Et puis il y a aussi quelques bizarreries que l’on découvre par hasard. Comme le fait que six ou sept ans après la fermeture du mécanisme du médecin référent, en 2004, certains centres de santé ont continué jusqu’il y a peu, à percevoir le forfait de 45,87 € par patient, alors que les médecins libéraux ont subi un versement dégressif sur trois ans, jusqu’à l’extinction du dispositif. Pour certains généralistes, la perte a été tellement sèche qu’ils ont dévissé leur plaque et ont quitté le libéral. “Cela a représenté pour l’assurance maladie, le moyen de subventionner les centres de santé par un autre moyen que le paiement à l’acte, puisqu’ils ne peuvent toucher les 40 € forfaitaires liés au suivi annuel des patients en ALD”, commente notre bon connaisseur du dossier.

Mais c’est cautère sur jambe de bois, face au déséquilibre des comptes. Alors la Mutualité française pousse les feux de la rentabilité pour remplir ses caisses tandis que la ministre de la Santé attend de l’IGAS des solutions viables pour que les centres de santé, qu’elle promeut, atteignent une viabilité économique pérenne. “Et les libéraux en groupe font leur PDS et paient leurs taxes professionnelles. Alors ils travaillent 70 heures par semaine pour s’en sortir, car faire 35 heures hebdomadaires avec une consultation à 23 euros, c’est évidemment impossible”, résume Jean-Paul Hamon, le président de la FMF.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Catherine Le Borgne