Coup de tonnerre dans le monde feutré du médicament dès l’annonce de la sortie du décret issu de la loi Bertrand sur le médicament, instaurant un Sunshine act à la française. Le Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM), qui militait depuis 2011 pour que les déclarations d’avantages consentis par les industriels du médicament, de produits de santé ou de cosmétiques aux professions de santé, soient déclarées dès 1 euro, envisage maintenant d’attaquer devant le conseil d’Etat le texte, qui instaure une telle obligation, à partir d’un plancher de 10 euros.

Mais ce n’est pas tant le niveau retenu par le Ministère de la Santé, après consultation du conseil d’Etat, qui irrite le conseil de l’ordre, que le descriptif desdits avantages. Selon le communiqué du Ministère de la Santé, la nature de cet avantage (un repas, une invitation, un livre..) devra être décrite, ainsi que l’existence de conventions (par exemple des conventions de recherche).Or, pour des raisons de préservation du secret industriel et sur les conseils de la Direction générale de la concurrence et de la consommation (DGCC), qui redoutait une multitude de recours de la part d’industriels, le détail et le contenu des conventions conclues entre une équipe de recherche, une société savante et un laboratoire pharmaceutique, par exemple, ne seront pas publiés sur un site dédié (et en attendant qu’il soit construit, sur le site du LEEM et des ordres des professions de santé).

Pour le CNOM, on noie le poisson. “Les usagers du système de santé n’auront qu’une vision fausse, confuse et tronquée des liens d’intérêts avec les professionnels de santé” et ses craintes exprimées, il y a plus de 6 mois, se révèlent “malheureusement fondées”, écrit-il dans un communiqué. Il déplore ainsi que “les rémunérations versées aux professionnels de santé en contrepartie des travaux effectués pour le compte des entreprises ne seront pas rendues publiques. On pourra ainsi savoir le prix d’un billet d’avion offert à un praticien pour se rendre à un congrès mais pas les sommes qui lui sont versées en contrepartie de la présentation qu’il y fera ! C’est bien le contraire de la transparence attendue” détaille le conseil.

“Les avantages perçus par les professionnels de santé au travers des associations subventionnées par les industriels ne seront pas publiables dans la mesure où ils ne seront pas identifiables. Là encore, on est loin de la transparence” insiste le CNOM, qui incrimine le “respect du secret des affaires”, qui semble l’emporter sur la protection de la santé publique.

A ses yeux, le texte attendu depuis un semestre “trahit manifestement la volonté du législateur et la loi du 29 décembre 2011 relative à la transparence des activités des industriels de la santé. ”, ce qui justifierait un recours du CNOM devant le Conseil d’Etat.