Un Observatoire citoyen des restes à charge en santé, piloté par les patients du CISS, 60 millions de consommateurs et Santéclair (information et réseaux de soins), veut doubler l’assurance maladie pour se faire sa propre opinion sur l’évolution des dépassements d’honoraires des professions de santé, et le désengagement de l’assurance maladie.

 

 

“Le temps des petits arrangements entre amis est fini. Le reste à charge des patients est une affaire est trop importante pour la laisser entre les mains de l’assurance maladie et des syndicats de médecins. Ils font semblant de se fritter, mais ils trouvent toujours des arrangements”… Propos tenus ce matin par Thomas Laurenceau, le rédacteur en chef du magazine associatif 60 millions de consommateurs, à l’occasion du lancement de l‘Observatoire citoyens des restes à charge en santé. Il n’est pas seul pour lancer son vigi-pirate, un triumvira s’est formé, constitué avec les CISS le collectif interassociatif sur la santé, regroupant une quarantaine d’associations de patients désormais présidé par Claude Rambaud et de la société Santé Clair, société spécialisée dans l’information et l’orientation des usagers, travaillant pour des organismes de protection complémentaire santé.

 

7,4 milliards d’euros de déficit dus aux dépassements

La signature de l’avenant N° 8 à la convention médicale, réformant le secteur à honoraires libres, créant un contrat d’accès aux soins et envisageant la constitution d’un observatoire de la pratique tarifaire, a été l’élément déclenchant qui a poussé les créateurs de l’observatoire à réaliser, enfin, l’idée qu’ils caressaient depuis plusieurs mois ou années. “On nous a parlé d’un accord historique, raison de plus pour que nous allions y voir nous-mêmes”, raconte Thomas Laurenceau en expliquant que l’observatoire des patients sera différent de celui créé par la convention médicale, non encore constitué et où le CISS siègera es qualité.

“L’assurance maladie observera combien touchent les médecins, avec les syndicats et l’Ordre. C’est un point de vue comptable. Nous voulons porter des regards et des sources d’information différentes, nous voulons bâtir des indicateurs pour évaluer la qualité des actes, la manière d’y accéder et notamment les délais”, ont développé Claude Rambaud, présidente du CISS et Frédéric Cosnard, directeur médical de Santé Claire.

Membres de l’Institut des données de santé (IDS), le CISS dispose à ce titre de données anonymisées, notamment celles du SNIIRAM (Système national d’information interrégimes de l’assurance maladie). Mais la lecture de ces données est rendue difficile, déplore sa présidente, car elles sont agrégées géographiquement au niveau départemental et toutes activités confondues, ce qui interdit l’accès à une information détaillée concernant les hospitalisations publiques par exemple.

Néanmoins, le premier bilan de l’observatoire, qui doit faire office de point zéro, pose que les dépassements d’honoraires ont représenté en 2012, plus de 7,4 milliards d’euros dont 4,7 milliards facturés par les dentistes et 2,3 milliards par les médecins spécialistes en honoraires libres, un montant global en augmentation de 9 % depuis 2010. “Nous ne sommes pas gênés que les médecins gagnent bien leurs vies, ils ont fait des études difficiles et longues. Mais le problème c’est que la voie empruntée avantage les médecins et l’assurance maladie, mais pas le patients”, a relevé Thomas Laurenceau.

 

“Un problème d’accès aux soins”

Pour les médecins spécialistes en secteur 2, la part de dépassements dans les honoraires a été de 36,30 % en 2012. Parmi les premières spécialités analysées par l’observatoire, les dépassements ont représenté en chirurgie 38 % des honoraires versés, soit 88 % du RAC, 45 % des honoraires et 81 % du RAC en gynécologie-obstétrique, 38 % et 73 % en l’ophtalmologie et 33 % et 67 % en ORL (les autres spécialités suivront).

Si la moyenne des dépassements tous secteurs confondus, est de 15,90 euros France entière pour un médecin spécialiste, elle s’établit à 37,70 euros à Paris, 33,30 dans les Hauts de Seine 27,50 dans le Rhône et dans les Yvelines, à 27,10 euros.

Le niveau de ces dépassements pose “un véritable problème d’accès aux soins, notamment pour les personnes qui ne disposent pas de couverture complémentaire. Nous plaçons son évolution sous surveillance”, affirment les membres de l’observatoire.

La mise en place du contrat d’accès aux soins (à condition que 30 % médecins éligibles l’ait choisi au 1er juillet prochain) va inciter le collectif à redoubler de vigilance. Un deuxième bilan est prévu d’ici la fin de l’année avec analyse des pratiques des psychiatres, radiologues et anesthésistes. Ce qui permettra de voir si l’avenant N° 8 est déjà porteur d’un “effet modération”. Mais les créateurs de l’observatoire, membres fondateurs de l’initiative Transparence Santé qui réclame la possibilité pour la société civile d’accéder aux données publiques de santé (www.opendatasante.com) regrettent avant tout que l’assurance maladie refuse de mettre à disposition les données brutes du SNIIRAM, ce qui aurait permis de “décupler notre analyse. Mais cette information est blackoutée”, a insisté Claude Rambaud.

 

“Tribunal privé inquisitorial”

Au fil du temps, le champ d’investigation de l’observatoire citoyen va s’élargir, en commençant par les pratiques des chirurgiens dentistes, et en creusant ensuite vers les organismes de protection complémentaires “car on ne sait pas ce qu’elles prennent en charge, alors qu’elles sont chères”, ou la prescription de médicaments sous-surveillance. Et la présidente, de jeter un pavé dans la mare en affirmant que l’assurance maladie “dont les logiciels sont incapables de cumuler les 50 centimes de franchise sur le remboursement des boites de médicaments pour atteindre le plafond de 50 euros, prélève la franchise y compris sur les médicaments prescrits non remboursés ou non remboursables. Ce qui est un comble”. L’Observatoire se lance sur la piste.

Mais déjà, la CSMF s’est dite “atterrée” par la création de ce “tribunal privé inquisitorial”. Dans Le Monde, la présidente du CISS a évoqué des dessous de table, et des dépassements par des médecins de secteur 1.Quant à la FMF, elle estime que Marisol Touraine “récolte ce qu’elle a semé avec la médiatisation sur les dépassements d’honoraires (…) Voici venir un observatoire privé sur le montant des honoraires des praticiens où on voit associés un journal de consommateur en mal de vente de copies, le CISS organisme largement subventionné par l’État et une assurance Santéclair déjà poursuivie pour rembourser des actes effectués par des non professionnels de santé”, lâche le syndicat en demandant que cesse cette campagne “démagogique et nauséabonde”.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Dr Chantal Guéniot