Pour la première fois depuis 1975, les dépenses de santé ont reculé en Europe. Un rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques (Ocde), publié en novembre dernier, pointe ainsi l’impact sanitaire de la crise économique qui souffle sur le continent.
Série de focus dans trois pays particulièrement touchés.
Aujourd’hui : La Grèce.
On l’appelle l’ “underground clinic“, la clinique souterraine. Le centre médical et social d’Ellinikon, situé en banlieue d’Athènes sur une ancienne base militaire américaine, accueille depuis 2011 des patients grecs frappés par la crise qui n’ont plus accès au système de santé. Un lieu devenu indispensable alors que, désormais, près de 40 % de la population n’a plus de couverture maladie, et qu’un droit d’entrée de 5 euros a été instauré à l’hôpital.
En seulement une année, 4 500 patients sont venus se soigner à Ellinikon. “Des gens issus de la classe moyenne, des gens qui travaillent ou qui ont perdu leur emploi, des gens bien habillés…”, raconte Olga Baklatzi, l’une des nombreuses volontaires du centre. Car, ici, tout le monde travaille bénévolement, y compris les médecins. Une collecte de médicaments a également été mise en place auprès de la population via le site Internet du centre qui publie régulièrement la liste de ses besoins. Ceux qui le peuvent envoient les boîtes de médicaments qui traînent dans leur armoire à pharmacie. Un système D pour pallier les carences de l’État, qui doit près de 1 milliard d’euros aux laboratoires pharmaceutiques et aux personnels travaillant dans le domaine de la santé.
Les tentatives de suicide ont progressé
“Tout est très aléatoire en Grèce : l’hôpital peut ne plus avoir tel ou tel traitement, le médecin peut être absent… en fait, ça dépend des moments. C’est extrêmement anxiogène pour le patient. Et puis, il y a le coût. Beaucoup de Grecs ne peuvent plus payer les cotisations pour bénéficier de la sécurité sociale, ils ne vont donc plus chez le médecin. Ils préfèrent ne pas connaître le diagnostic plutôt que de savoir qu’ils vont devoir dépenser tant d’argent.” Nathalie Simonnot est en charge du réseau international chez Médecins du monde (MdM). L’ONG, dont les centres médicaux étaient initialement destinés aux immigrants et aux réfugiés, a dû multiplier par deux ses programmes en Grèce. “Avant la crise, il y avait moins de 3% de Grecs qui venaient dans nos centres. Aujourd’hui, près d’un patient sur deux est grec, et jusqu’à 88 % selon le quartier. Et là où on ne voyait qu’une dizaine de personnes par demi-journée, maintenant on en voit 90 !”
Le fait est que les Grecs sont plus malades qu’avant. Le chômage très élevé –il est de 56,5% chez les moins de 25 ans–, l’isolement, les conditions de vie dégradées ont fait naître un malaise profond au sein de la population. De plus en plus de personnes souffrent de dépression, et les tentatives de suicide ont progressé ces dernières années. En 2009, on avait recensé 677 tentatives contre 927 en 2011 et déjà 690 en août dernier. Les données du gouvernement ne précisent pas combien de tentatives ont été mortelles.
VIH : une augmentation inquiétante
Outre cette souffrance morale, le Centre de contrôle et de prévention des maladies en Grèce voit une augmentation notable du nombre de malades depuis 2009. Malaria, virus du Nil occidental, rougeole, coqueluche, le nombre de cas rapportés n’a cessé d’augmenter entre 2009 et 2012. Mais l’augmentation la plus inquiétante concerne le VIH. Entre 2010 et 2011, le nombre de nouvelles contaminations a augmenté de 57%. Premières victimes : les toxicomanes, que les coupes budgétaires n’ont pas non plus épargnés. Un tiers des centres de prévention a fermé, et de nouvelles drogues ont fait leur apparition, telles que la sisa, très bon marché et aux effets dévastateurs (insomnie, agressivité, noircissement de la peau, plaies cutanées).
“Ce sont des personnes qui étaient déjà marginalisées, mais qui le sont d’autant plus avec la crise, note Nathalie Simonnot, de MdM. Aujourd’hui, ce n’est évidemment pas sur elles que se porte l’attention vu tout le travail qu’il y a à faire avec les personnes âgées, les enfants… La situation est d’ailleurs la même pour les immigrés, qui se trouvent davantage rejetés.”
Le parti d’extrême droite Aube dorée n’hésite d’ailleurs pas à stigmatiser les populations migrantes. L’été dernier, il a mené campagne pour inciter les donneurs de sang grecs à réserver leurs dons à leurs seuls compatriotes, une initiative jugée “inhumaine” par les autorités politiques et médicales du pays. Toutefois, cela n’a pas empêché le gouvernement d’adopter une loi ouvrant la voie à la détention et à l’expulsion de migrants sans papiers atteints de maladies infectieuses ou jugés à risque pour la santé publique. En période de crise, les relents racistes ne se font jamais trop attendre, créant un climat nauséabond.
Source :
www.egora.fr
Auteur : Concepcion Alvarez