Près de 7 millions de Français sont obèses, et la prévalence continue de s’accroître fortement chez les 18-24 ans. Cette augmentation s’est traduite par une hausse des inégalités qui a plus touché les femmes, la corpulence étant un facteur de discrimination majeur. La tâche des médecins généralistes dans ce domaine est immense et primordiale, mais ils rencontrent de nombreux freins dans leur exercice quotidien.
Si la France apparaît comme relativement préservée par rapport à d’autres pays, il n’en reste pas moins qu’en 2012 près de la moitié de la population française présente une surcharge pondérale, dont 15% une obésité. Les médecins généralistes ne se posent guère de questions à ce sujet, considérant à plus de 90% que l’obésité est bien une maladie, comme le montrent les résultats de deux enquêtes indépendantes réalisées chacune auprès de plus de 600 généralistes de la région Languedoc-Roussillon pour l’une (1) et de Provence pour l’autre (2). Ils estiment également qu’il est bien de leur ressort de prendre en charge le surpoids et l’obésité.
Des a priori négatifs de la part des médecins
Les personnes en situation d’obésité sont fréquemment stigmatisées et font l’objet de multiples préjugés. De nombreuses discriminations en résultent. “Les professionnels de santé n’échappent, hélas, pas à ces a priori négatifs envers les personnes en situation d’obésité, les considérant comme plus paresseuses et plus complaisantes que les autres”, explique le Pr Antoine Avignon (CHU de Montpellier).
Cette attitude est rencontrée dans toutes les spécialités médicales. “Finalement, le meilleur moyen de trouver un médecin qui n’ait pas cette vision négative est de s’adresser à un praticien qui ait lui-même un excès de poids”, confie le Pr Avignon. D’après les généralistes français, la principale cause de la prise de poids est le “trop manger”.
“Certes, ils n’ont pas tort, indique Antoine Avignon, car qui nierait que prendre du poids c’est bien manger plus que ce que les besoins énergétiques ne le nécessitent ? Mais cette notion de “trop manger” masque trop souvent une notion de responsabilité personnelle, qui est également invoquée dans les causes d’échec de la prise en charge : si les personnes en situation d’obésité ne maigrissent pas, c’est qu’elles ne sont pas “observantes” aux conseils qui leur sont remis et qu’elles manquent de motivation.”
Mais sont-elles non observantes ou les conseils que les médecins leur remettent sont-ils trop souvent non adaptés et difficiles à suivre, s’interroge le spécialiste. “Face aux échecs répétés, il est peut-être nécessaire de questionner notre approche médicale et de poser la question du caractère potentiellement délétère de nos conseils ou prescriptions qui restent encore trop fréquemment tournés vers la restriction alimentaire.” De plus, avec les personnes en situation d’obésité, les médecins se déclarent moins patients, moins désireux de les aider. De même, ils les font moins bénéficier du dépistage des cancers du côlon, du col de l’utérus, ou du sein, qui les affectent pourtant plus fréquemment que la population générale.
Objectifs trop ambitieux
Une perte de poids modérée de 5 à 10% maintenue suffit à obtenir des effets substantiels sur la santé. Et pourtant les objectifs des médecins restent souvent bien plus ambitieux, dépassant de loin les recommandations. Les moyens thérapeutiques utilisés par le corps médical pour atteindre ces pertes de poids restent essentiellement tournés vers la restriction calorique, avec réduction des graisses, des grignotages et des boissons caloriques. La prise en charge psycho-comportementale, et même les conseils sur l’activité physique, sont beaucoup moins fréquemment utilisés.
Un autre frein rapporté par les médecins généralistes est le manque de temps au cours des consultations, pour prendre en charge un problème aussi complexe que l’obésité. Le manque de formation est également fréquemment rapporté. “Il existe de toute évidence un besoin de formation exprimé par les médecins, qui doivent apprendre à renforcer la motivation de ces personnes pour les aider à relever le défi du changement de comportement, estime le Pr Avignon. La formation doit également permettre de changer de paradigme dans la prise en charge de l’obésité en passant d’un objectif pondéral à un objectif de santé globale prenant en compte l’activité physique, le comportement alimentaire, le sommeil et les rythmes de vie, les problèmes psychosociaux.”
Source :
www.egora.fr
Auteur : Evelyne Delicourt