Autre volet de notre série de focus dans trois pays particulièrement touchés par la crise. Aujourd’hui : L’Espagne. Ils sont 4 717 généralistes au chômage, selon les dernières statistiques de l’Observatoire de l’emploi public espagnol, qui datent de janvier dernier. Un chiffre en hausse de 42 % sur un an. Et déjà plus de 2400 à avoir quitté le pays en 2012, pour s’établir, pour la moitié d’entre eux, au Royaume-Uni mais aussi en Allemagne, au Portugal, en Suisse, en Norvège et en Autriche.

 


L’Organisation médicale collégiale (OMC), qui attribue les certificats de conformité obligatoires pour travailler à l’étranger, précise aussi que depuis le début de la crise, il y a cinq ans, 6215 médecins sont partis. “Ces chiffres sont emblématiques de la crise sanitaire que nous traversons en Espagne, explique Fernando Molina, président du secteur de la santé au sein du syndicat de fonctionnaires CSI-F. Et cela ne devrait pas aller en s’arrangeant au vu des budgets 2013, qui baissent partout, sauf dans trois communautés autonomes, poursuit le syndicaliste qui exerce en Andalousie, une région particulièrement touchée par la crise. On est donc quasiment assurés que le chômage du personnel soignant va continuer de croître.” Une aberration quand on sait que former un médecin coûte 200 000 euros à l’État, et 140 000 euros pour un infirmier. Des investissements qui sont en train de partir en fumée.

 

“Il n’y a aucun poste qui se crée, ni même de remplacements”

Ainsi, Angela Rodriguez, 29 ans, infirmière dans une zone rurale de Galice. Elle jongle depuis un an entre un temps partiel dans une maison de retraite et des vacations qui se font de plus en plus rares à l’hôpital. Son espoir d’obtenir un poste fixe se réduit de jour en jour. “Mon avenir, raconte-t-elle, pour ce qui est de l’assistance publique en tout cas, me paraît très sombre. Il n’y a aucun poste qui se crée, ni même de remplacements. Dans l’hôpital où je travaille, ils ont licencié un pédiatre et un médecin urgentiste. Les gardes de nuit ne sont plus effectuées que par une seule infirmière. Quid s’il y a deux urgences la même nuit ? Ils pensent peut-être qu’on peut être à deux endroits différents en même temps ! Le matériel est de moins en moins bonne qualité, le temps passé avec chaque patient ne cesse de diminuer… Les coupes budgétaires se font partout.”

Le 17 février dernier, c’est tout naturellement qu’elle a fait la route jusqu’à Madrid pour participer à une nouvelle marea blanca (marée blanche) en faveur d’une santé publique. L’État prévoit en effet de privatiser six hôpitaux de la capitale et vingt-sept centres de santé. “Cette privatisation va augmenter davantage la pression sur le personnel hospitalier. On va nous demander de travailler toujours plus en nous payant toujours moins, s’oppose Fernando Molina, du syndicat. Lui a déjà perdu 980 euros par mois sur son salaire. Actuellement, la pression est déjà très forte. Les départs à la retraite ne sont pas remplacés, les arrêts maladie non plus. Du coup, il faut faire son travail en plus de celui de son collègue, ce qui provoque encore plus d’arrêts. C’est le poisson qui se mord la queue, à force de trop tirer sur la corde, elle va finir par se casser. Nous sommes totalement accablés.”

Du côté des usagers, c’est aussi le ras-le-bol qui se fait sentir. Les coupes budgétaires menées dans le secteur de la santé depuis 2010 ont permis d’économiser 7 milliards d’euros, mais à quel prix ? Dans plusieurs communautés autonomes, c’est désormais au patient de payer le transport en ambulance “non urgent” tel que dans les traitements contre le cancer ou les dialyses.

 

Pour la première fois, les retraités paient les médicaments

Depuis juillet, les retraités sont obligés, pour la première fois, de payer leurs médicaments, à hauteur de 10%. Pour le reste des Espagnols, le prix est désormais proportionnel à ce qu’ils gagnent (jusqu’à 60 %). 456 médicaments ont également cessé d’être remboursés depuis juin 2012. Et les listes d’attente dans les hôpitaux pour les patients devant subir une opération ne cessent de s’allonger.

Desiderio Linares était pâtissier à Barcelone. En 2009, il a subi une troisième opération du ménisque, tout en sachant que c’était une opération transitoire qui lui permettrait de tenir deux ans. “À l’époque, raconte-t-il, on m’a expliqué que la meilleure solution serait de me poser une prothèse dans chaque genou, mais cette opération coûtant très cher à l’État ils préféraient attendre et ne pas la faire sur quelqu’un d’aussi jeune.” Desiderio avait alors 53 ans. Son cas nécessite une longue récupération, autant de temps où il aurait fallu lui verser des indemnités… Seulement, un an après l’opération, il a dû retourner plusieurs fois aux urgences à cause de douleurs insoutenables et a dû s’arrêter de travailler plusieurs fois. Depuis, il attend la date de l’intervention.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Concepcion Alvarez