Certaines équipes, aux Etats-Unis, réalisent des colectomies au cours d’hospitalisations de 24 heures. Les Dr Benoit Gignoux (chirurgien) et Thomas Lanz (anesthésiste) ont fait encore plus court, en menant à bien ce qui semble être la première sigmoïdectomie ambulatoire dans le monde. Le patient est un homme de 65 ans, qui a été opéré à la clinique de la Sauvegarde, à Lyon, il y a 4 semaines.

 

 

L’intervention cœlioscopique a duré trois heures et l’hospitalisation moins de 12 heures (7h30 à 18 h30). Ce retour à domicile extrêmement précoce a été rendu possible grâce aux techniques chirurgicales et anesthésiques développées pour la réhabilitation précoce : molécules anesthésiques de courte durée d’action, analgésie anticipée multimodale avec épargne morphinique, absence de sonde et de drain. La prise d’antalgiques per os avant l’intervention et l’association d’analgésiques qui agissent sur les différentes voies de la douleur permet de diminuer l’utilisation de morphine en per opératoire et de la supprimer complètement en postopératoire, ce qui réduit les risques d’effets secondaires morphiniques (nausées, vomissements, retard de la reprise du transit…). Le patient s’est alimenté trois heures après l’intervention et a pu marcher à la cinquième heure. “De nombreux travaux démontrent l’intérêt de la réhabilitation précoce, et notamment de la reprise précoce de l’alimentation, déclare le Dr Thomas Lanz. Plus on reste physiologique et plus les suites sont simples. La réhabilitation précoce diminue de 50 % les risques de complications”, mais cette différence n’était pas liée à une réduction des complications majeures, selon une analyse de la Cochrane.

 

Participation active du patient

La surveillance à domicile reposait sur un appel téléphonique par une infirmière du service et une visite de l’infirmière libérale chaque jour jusqu’au dixième jour postopératoire. Mais elle impliquait également une participation active du patient et de ses proches. “Le patient a adhéré parfaitement aux soins. Il a eu très peu de douleurs postopératoires et s’est déclaré très satisfait de cette prise en charge”, se félicite le Dr Lanz.

Cette chirurgie ambulatoire s’adresse aux pathologies coliques inflammatoires (sigmoïdite sur diverticulose, essentiellement) ou tumorales, essentiellement gauches. Elle est impossible en cas de troubles cognitifs ou de réticence du patient, de pathologie instable ou d’absence d’entourage à domicile.

D’autres colectomies ambulatoires devraient être réalisées à la clinique de la Sauvegarde, “mais ce que nous visons avant tout c’est une réhabilitation rapide après chirurgie colique, précise le Dr Lanz. Il ne s’agit pas forcément de faire des colectomies ambulatoires pour tous les patients, mais d’arriver à une moyenne de deux jours d’hospitalisation, alors qu’en France on est hospitalisés entre six et dix jours pour ce type de chirurgie. C’est une autre façon d’imaginer le soin, pour rester le plus physiologique possible.”

 

Priorité : diminuer les laparotomies

Pour le Pr Yves Panis (chef de service de chirurgie à l’Hôpital Beaujon), les colectomies ambulatoires représentent une piste intéressante dans le cadre de la recherche, mais c’est loin d’être une priorité aujourd’hui. “Il faudrait plutôt s’interroger sur le fait que 60 % des cancers colo-rectaux en France sont encore opérés par laparotomie, alors que toutes les métaanalyses montrent les bénéfices de la voie cœlioscopique, sur la durée de séjour et la morbi-mortalité. Aujourd’hui la durée moyenne d’hospitalisation pour une sigmoïdectomie est d’une huitaine de jours. Plutôt que de se lancer dans la piste ambulatoire, le vrai progrès serait de se donner pour objectif que la durée d’hospitalisation ne dépasse pas sept jours pour tous les patients. Ce serait un bénéfice énorme pour la sécurité sociale. Il faut développer la chirurgie cœlioscopique et la réhabilitation précoce : pas de sonde, pas de drain, manger tout du suite, bouger tout de suite, c’est très important” .

A Beaujon, 85 % des interventions sont réalisées par voie coelioscopique est les patients restent hospitalisés cinq nuits en post opératoire. “Les complications d’une sigmoïdectomie sont surtout les complications anastomotiques, qui surviennent souvent entre quatre et cinq jours après l’intervention, remarque-t-il. La chirurgie ambulatoire peut se concevoir pour des patients très informés, qui savent qu’ils peuvent revenir à n’importe quelle heure. Mais cela ne serait pas sans risque chez des personnes moins averties.”

Cette colectomie ambulatoire, aboutissement du programme de réhabilitation précoce mise en place à la clinique, sera présentée à l’Académie Nationale de Chirurgie le 20 mars 2013.

Cette première mondiale s’inscrit dans la droite ligne de l’expérience Lyonnaise, pionnière dans le domaine de la chirurgie sous cœlioscopie. C’est en effet, le Dr Philippe Mouret, par ailleurs créateur de la clinique de la Sauvegarde, qui a réalisé la première cholécystectomie sous cœlioscopie au monde en 1987, et qui a largement développé cette technologie en France dans le domaine de la chirurgie viscérale.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Dr Chantal Guéniot