Manifestation contre l’Université portugaise Fernando Pessoa, expulsion des locaux… La pression contre la nouvelle faculté privée qui se joue du numerus clausus en formant des élèves à des professions réglementées ne faiblit pas. Mais il en faut plus pour faire peur aux dirigeants de l’école. Ils ont déjà planifié leur déménagement pour la rentrée prochaine. L’ouverture d’un cursus de médecine est même prévue “d’ici trois ou quatre ans”.

 

 

Hier après-midi, une manifestation co-organisée par le Centre national des professions de santé (CNPS), la Confédération nationale des syndicats dentaires (CNSD) et la Fédération nationale des orthophonistes, a défilé devant la mairie de la Garde pour exiger la fermeture du centre universitaire Fernando Pessoa.

 

“Opacité”

Cette faculté portugaise installée près de Toulon propose des formations en sciences de la santé sans passer de concours, mais moyennant 7 500 euros par an. En délivrant un diplôme portugais à ses élèves, la faculté leur assure qu’ils pourront pratiquer en France. “Les diplômes obtenus sont valables dans toute l’Union européenne. La reconnaissance est automatique pour l’odontologie, la pharmacie, les sciences humaines et sociales. Pour les autres formations (orthophonie, physiothérapie) chaqué Etat peut vérifier le niveau d’enseignement pour autoriser l’exercice sur son territoire”, est-il stipulé sur le site internet du centre Pessoa.

Des propos que dénoncent le CNPS, la CNSD et la FNO. Michel Chassang, président du CNPS, accuse le centre Pessoa de ne pas posséder “les accréditations nécessaires pour dispenser des formations à l’étranger ni délivrer les diplômes correspondants.” Selon lui, la faculté “prétend former des chirurgiens-dentistes, des pharmaciens, des orthophonistes et des diététiciens, en annonçant que les diplômes délivrés seraient valables dans toute l’Union Européenne et au-delà, moyennant une formation payante. Ce faisant, elle institutionnalise le contournement des numerus clausus ou quotas existants pour ces différentes professions”.

Même avis à la FNO, qui redoute une baisse de la qualité de cours dispensés. Philippe Penigault, vice-président de la Fédération regrette “l’opacité de la formation”. “Nous avons demandé des informations sur les programmes mais il a été impossible d’en avoir. Il n’y a aucune garantie sur le contenu des cours”, juge-t-il.

 

Saisine

Une pétition baptisée “Fermons Pessoa” vient d’être mise en ligne par la Fédération des Associations Générales Etudiantes (FAGE). Elle réclame des pouvoirs publics “une prise de conscience des multiples problèmes causés par cette formation portugaise, et demande la fermeture du Centre Universitaire privé Fernando Pessoa”. La Fédération a calculé qu’il faudrait débourser 47 500 euros pour devenir chirurgien-dentiste ou pharmacien et 37 500 euros pour obtenir le sésame d’orthophoniste. “Diplômes achetés = santé des Français menacée”, résument les étudiants.

Du côté du gouvernement, cette faculté qui contourne ostensiblement le numerus clausus dérange. En décembre dernier, la ministre de l’Enseignement supérieur Geneviève Fioraso annonçait avoir “demandé à la rectrice de l’Académie de Nice de déposer une saisine auprès du Procureur de la République de Toulon sur l’usage abusif du terme université”. Michel Perrot, directeur du centre hospitalier intercommunal de Toulon – La Seyne (CHITS), qui héberge l’Université Fernando Pessoa, avait également fait part à la faculté portugaise de son souhait de rompre le bail d’un an le 28 décembre 2012. Une information attestée par la ministre des affaires sociales et de la santé, Marisol Touraine dans une lettre à l’attention de Michel Chassang envoyée le 8 mars dernier. “Le préavis étant de six mois, l’Université Fernando Pessoa devra quitter les lieux pour le 28 juin 2013”, écrit-elle.

 

Zen

Un déménagement qui n’inquiète pas outre mesure Bruno Ravaz, vice président du centre universitaire Fernando Pessoa. “Il y a encore des locaux vides en France”, plaisante-t-il. Plusieurs bâtiments privés ont déjà été visités par la faculté portugaise. “Nous avons retenu deux lieux. Il ne reste plus qu’à se décider”, glisse Bruno Ravaz confiant. “Nous serons bien là l’année prochaine. Depuis la loi de 1875, il y a encore une liberté d’enseignement en France”, annonce le vice-président. Et l’ouverture d’un jardin des plantes est même prévue. “C’ est obligatoire pour pouvoir enseigner la pharmacie. Cela montre bien que nous respectons la loi française”, se justifie Bruno Ravaz. Le cursus de pharmacie sera donc ouvert dès la rentrée prochaine. Les professeurs seront des docteurs en pharmacie “diplômés des universités française”, souligne-t-il.

Malgré toutes les pressions, le vice président du centre Pessoa reste zen. “Nous continuons notre route malgré les menaces et l’opposition”, indique-t-il avant d’ajouter que “si je devais réagir à toutes les protestations, j’y passerais tout mon temps. Ce ne sont que des contestations corporatistes. Certains se sentent plus concernés par l’ouverture de notre faculté que par les problèmes des déserts médicaux en France. Ils ne cherchent qu’à défendre leurs petits privilèges”, déplore Bruno Ravaz qui note cependant que “les médecins sont ceux qui ont la vision la plus saine” de cette polémique.

Mais qu’ils ne se sentent pas épargnés par le centre Pessoa. L’ouverture du cursus de médecine est dans les cartons et se rapproche dangereusement. “D’ici trois ou quatre ans, cela sera mis en place”, annonce Bruno Ravaz, qui songe à l’achat d’une clinique. “C’est compliqué, il faut beaucoup d’autorisations mais nous y travaillons”, indique-t-il. Il prévient d’ores et déjà que les stages se dérouleront au Portugal. “La langue n’est pas un problème, les élèves reçoivent des cours de portugais dès la première année”. Le bras de fer ne fait que commencer…

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Sandy Berrebi