La Cour des comptes dresse un tableau critique de la politique de vaccination en France. Elle souligne en particulier l’opacité du calendrier vaccinal, les conditions de prise en charge des vaccins, ainsi que les inégalités territoriales et sociales dans ce domaine. Elle propose enfin un certain nombre de recommandations visant à améliorer la couverture vaccinale qui reste insuffisante pour ne nombreux vaccins en regard des objectifs de santé publics mais aussi par rapport aux autres pays. Une des mesures phares préconisées par les sages est la mise en place du carnet de vaccination électronique.

 

A la demande de la Commission des affaires sociales du Sénat, la Cour des comptes a réalisé un rapport sur La politique vaccinale en France qui vient d’être rendu public. Les vaccins constituent en effet un médicament à part. Si tout le monde reconnait leurs bénéfices en matière d’éradication de certaines pathologies historiques telles que la variole, ils sont actuellement particulièrement controversés. L’exemple de la campagne vaccinale de 2009 contre la grippe A (H1N1) est à ce titre tout à fait symbolique, mettant en opposition l’angoisse d’attraper une maladie qui peut entrainer des complications graves voire mortelles, et un vaccin dont la sécurité d’emploi est contestée dans les média et la population générale et dont la politique de mise en place n’est pas acceptée et critiquée dans sa globalité. Cette complexité de la politique vaccinale est encore renforcée par le fait que de nombreuses maladies visées par les vaccins ne sont plus ressenties comme représentant un danger pour la majorité de la population. La nécessité de convaincre et d’informer est alors fondamentale.

 

Opacité et complexité

C’est dans ce contexte qu’est publié ce texte de la Cour des comptes qui aborde tous les aspects de la politique vaccinale en France, allant de la couverture vaccinale à la politique de remboursements des produits, en passant par la communication et le calendrier vaccinal. Et il en ressort une opacité et une complexité générale de la politique vaccinale telle qu’elle est pratiquée actuellement, une faible efficacité, mais aussi de nombreux leviers qui devraient permettre de l’améliorer.

La politique vaccinale montre surtout son insuffisance par la faiblesse de la couverture vaccinale dans plusieurs domaines. Les gros points noirs sont l’hépatite B et la primo-vaccination ROR, dont les taux sont inférieurs aux autres pays. La vaccination contre la grippe saisonnière reste aussi problématique avec des taux inférieurs dans tous les groupes cibles (personnes souffrant de certaines affections de longue durée (ALD), professionnels de santé, personnes âgées de 65 ans ou plus) à la valeur de 75% prévue dans les objectifs. Globalement, “les objectifs vaccinaux établis dans une perspective quinquennale en annexe de la loi de santé publique du 9 août 2004 ont été définis de manière trop uniforme et leur degré de réalisation a été décevant dans le cadre national comme au regard des comparaisons internationales”, affirme la Cour des comptes. Des objectifs spécifiques par maladie infectieuse devraient donc être redéfinis.

En outre, de nombreux progrès restent à faire pour améliorer la connaissance des taux de couverture. Les experts préconisent donc la mise en place d’un carnet de vaccination électronique qui permettrait d’avoir une notion fine par âge et lieu de résidence de ces taux. Ce document pourrait être interfacée avec le dossier médical personnel (DMP). Les sages suggèrent aussi d’améliorer la clarté du calendrier vaccinal qui s’est considérablement étoffé du fait de nouveaux vaccins et de nouvelles recommandations. “La coexistence de vaccinations obligatoires et de vaccinations recommandées peut, au surplus, induire dans l’esprit du public un doute sur l’opportunité des secondes”, note la Cour des comptes.

De nombreuses inégalités sont, en outre constates : les populations défavorisées et les adolescents sont en particulier difficiles à atteindre. Les sages préconisent donc d’habiliter les centres d’examens de santé de la sécurité sociale à pratiquer des vaccinations, mais aussi de les réintroduire dans les milieux scolaires. Il s’agirait de “définir une convention type d’intervention des centres de vaccination dans les établissements scolaires et favoriser la participation des personnels scolaires médicaux à ces opérations”.

 

Revoir la détermination des prix

Par ailleurs, la Cour des comptes accorde une large place de son rapport à la nécessité d’améliorer la détermination des prix et des taux de remboursements des vaccins. En effet, hors coût de la consultation médicale, la dépense liée aux vaccins est évaluée par l’assurance maladie à 400 M€ par an. De plus, malgré leurs spécificités (absence de génériques, forte concentration des producteurs, plasticité du marché potentiel selon qu’un rattrapage est décidé ou non), les vaccins ne font pas l’objet d’une procédure de fixation de leur prix de vente différente de celle qui s’applique aux autres médicaments. Et tous les vaccins ne se valent pas en termes d’efficacité. “Les vaccins recommandés font, hors maladies tropicales, l’objet d’une prise en charge à 65%, ce qui les assimile systématiquement à des médicaments à service médical rendu (SMR) important alors que leur intérêt pour la santé publique est variable et que les pathologies qu’ils préviennent sont caractérisées par des incidences et des degrés de gravité variés”, expliquent les experts. Ils souhaitent donc aligner les régimes d’indemnisation des vaccinations obligatoires et recommandées et diversifier, à l’instar de ce qui se fait pour les médicaments, les taux de prise en charge des vaccins. Des études médico-économiques sont nécessaires.

Les sages citent en particulier le cas du vaccin contre le papillomavirus, dont ils soulignent “la cherté relative” et qui devrait “faire l’objet d’une renégociation prochaine”, selon eux. Pour la Cour des compte, les taux de remboursement des vaccins “semblent correspondre à la stratification de décisions dont la rationalité n’est pas toujours explicite et qui aboutissent dans certains cas à des incohérences et des surallocations de moyens (Human Papilloma virus – HPV, rougeole oreillons rubéole – ROR, grippe saisonnière)”.

Enfin, pour rendre la communication autour des vaccins plus efficace, les sages de la Cour des comptes préconisent de pérenniser la présence sur internet d’un discours public favorable aux vaccinations, et de renforcer le contrôle des messages publicitaires en faisant précéder la délivrance de visa sur les publicités commerciales d’une pré-analyse de l’impact des messages envisagés sur des groupes de test.

 

Le Senat sur la même ligne que la Cour des comptes. La commission des affaires sociales du sénat a, à l’initiative de son rapporteur, M. Georges Labazée adopté des propositions dont plusieurs rejoignent celles de la Cour des comptes :
– développer l’accès des populations en situation de précarité au vaccin ;
– simplifier le paysage institutionnel en matière de détermination de la politique vaccinale afin d’éviter les décisions contradictoires ;
– assurer rapidement la mise en place d’un carnet de vaccination électronique appuyé sur une base experte permettant l’individualisation des recommandations vaccinales et du suivi ;
– mettre en place l’enseignement de la prévention en matière de santé à l’école et développer celui de la vaccination dans le cursus des professions de santé ;
– renforcer la recherche publique sur les vaccins et notamment sur leur sécurité ;
– assurer les conditions d’une solidarité efficace pour l’accès aux vaccins des pays en développement.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Dr Marielle Ammouche