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Diabétiques : la Cnam défend sophia mordicus

Il s’agit d’un pari sur le moyen terme : investir pas mal pour économiser beaucoup sur la prise en charge des patients diabétiques en ALD. Cinq ans après sa mise en place expérimentale, aujourd’hui généralisé, le programme sophia peine encore à convaincre.

 


 

Bataille de chiffres vendredi matin, à l’occasion d’un point presse de l’assurance maladie. Question du jour : sophia, le service d’accompagnement personnalisé des personnes diabétiques volontaires mis en place sous forme expérimentale en 2008 en relais du médecin traitant, en phase de généralisation en France depuis l’an dernier, est-il efficace et efficient ?

 

Mésusage

Les conclusions du rapport de l’IGAS de 2011, peu amène pour les performances de sophia, programme d’éducation thérapeutique qualifié alors de coûteux et peu convaincant au plan médical, mais voué à se généraliser malgré une évaluation qualifiée d’“insuffisante” par l’inspection générale du fait de l’inclusion de volontaires dans le programme, pesaient évidemment lourd ce matin. Sophia a également été vue de travers par la médecine de ville, médecins généralistes traitants et infirmiers, qui soupçonnaient la caisse nationale de vouloir marcher sur ses plates-bandes, histoire d’épouser opportunément l’évolution des métiers liée à la dématérialisation des échanges, alors que le nombre de patients en ALD s’accroit dangereusement chaque année.… Vient donc l’heure du bilan par la caisse nationale elle-même.

Et celui-ci est jugé “très encourageant” par Frédéric Van Rockeghem, le directeur général de la CNAM, qui imagine même un retour sur investissement complet en 2014, le coût du programme étant alors “financé plus de deux fois par les économies réalisé sur le mésusage“. Agacé, on le voyait bien, par les critiques, le directeur confiait à la presse que ce sujet “percutant l’offre de soins, il était normal qu’il génère des interrogations”.

Mais le train de la CNAM est lancé, et rien ne semble devoir l’arrêter. Il y a dorénavant 226 000 adhérents et 55 800 médecins traitants concernés par le service sur 86 départements, en Guyane et à la Réunion. 1,8millions de diabétiques peuvent potentiellement bénéficier du suivi (sur 3 millions de malades), l’objectif étant d’inclure au total 350 000 diabétiques dans le service fin 2013, grâce au médecin traitant, qui remplit le dossier d’inscription à sophia, après que le patient a reçu un courrier d’invitation de la Cpam. Le but de ce programme est d’améliorer ou préserver l’état de santé et la qualité de vie des personnes atteintes, diminuer la fréquence et la gravité des complications liées à la maladie, afin d’en réduire les coûts pour les adhérents et la collectivité. Un suivi personnalisé est effectué par des infirmières salariées spécialement formées à cela (elles seront 270 réparties dans six centres et une unité d’accompagnement à la fin de l’année).

 

Point d’équilibre

Lorsque l’IGAS avait mené son évaluation sur l’année 2011, la prise en charge d’un patient sophia était estimée à 116 euros par patient et par an pour l’assurance maladie. Elle sera de 82 euros en 2013 et de 69 euros en 2014, l’objectif ayant été fixé à 70 euros par patient et par an, a énuméré Frédéric Van Roekeghem. “A 55 euros, nous atteignons le point d’équilibre. Derrière ce coût, il y la rémunération du médecin traitant, le salaire des infirmières et le coût de la plate-forme téléphonique, et même la mobilisation des effectifs de la CNAM“, a expliqué la directrice de la gestion du risque de la caisse nationale, Mathilde Lignot-Leloup. Parallèlement à cela, il y a évidement l’évaluation sanitaire des patients diabétiques suivis dans le programme, mesurée en coûts économisés, soit en soins, soit en hospitalisations. Les effets sont encore ténus.

Une évaluation a été menée sur trois ans (2009-2011) par le cabinet Cemka-Eval, celui qui avait déjà mené la première évaluation de sophia. Trois groupes de patients ont été sélectionnés : deux parmi la population sophia (les adhérents, et les éligibles non adhérents), un groupe témoin a été constitué de patients diabétiques résidents dans des départements où le programme n’était pas encore déployé.

Les résultats démontrent, sur la période, une amélioration générale de l’observance des examens recommandés, dans la population témoin, dans la population non adhérente et dans la population adhérente. Effet des recommandations suivies par les médecins traitants, et de la rémunération sur objectifs de santé publique, en commençant par le CAPI ? Sans doute, avance le directeur général de la CNAM. Mais cette amélioration est sensiblement plus marquée parmi les patients sophia, pour quasiment tous les indicateurs recommandés (fond d’œil, consultation dentaire, dosage de l’hémoglobine glyquée, dosage de la fonction rénale). Pour certains indicateurs, les augmentations enregistrées sur la population sophia sont importantes : + 5,6 points pour les 3 dosages d’hémoglobine glyquée recommandés dans l’année, + 7,6 points pour la réalisation d’un électrocardiogramme ou une consultation de cardiologie dans l’année, + 3 points pour le recours à une consultation ophtalmologique.

 

Intérêt personnel

Une fois ajustées à “caractéristiques égales”, le comparatif des trois cohortes met en exergue le fait que la probabilité qu’un patient sophia réalise une visite ophtalmologique est 1,45 fois plus élevée que dans la population témoin et 1,30 fois pour la réalisation d’un électrocardiogramme ou d’une visite chez le cardiologue. Ces différences se retrouvent pour les dépenses de soins de ville ou d’hospitalisation des patients évalués. Entre 2009 et 2011, malgré le meilleur recours aux consultations et examens, les dépenses du groupe sophia sont inférieures au groupe témoin pour les soins de ville et pour les dépenses hospitalières. A profil comparable, la probabilité d’être hospitalisé pour diabète est inférieure de 11% pour la population sophia par rapport au groupe témoin, toutes pathologies confondues.

Sur le plan des coûts, les gains sont modestes, mais existent tout de même. Entre 2009 et 2011, les couts ambulatoires ont été inférieurs de 54 euros/personne dans le groupe sophia par rapport au groupe témoin (10 264 euros /10 318 euros) et de 172 euros pour les coûts hospitaliers (4 755 euros/4 927 euros). Soit un total de 226 euros d’économies en trois ans, au bénéfice du patient sophia. Curieusement, les non adhérents à sophia ont eu des coûts hospitaliers inférieurs et des coûts ambulatoires supérieurs à ceux de la population témoin. Donc, le coût de sophia (115 euros/patient en 2011, 127 en 2012) est encore supérieur aux économies réalisées…

“On me dit que c’est cher. Non, ça ne coûte pas cher, par rapport au mésusage général, c’est très raisonnable, les économies se mesureront sur le long terme”, a commenté véhémentement Frédéric Van Roekeghem en repoussant les accusations selon lesquelles la direction de la CNAM avait un intérêt personnel ou professionnel à vouloir prendre en charge les patients en ALD. “Nous allons améliorer la communication avec les patients traitants, faciliter l’inclusion des patients en ligne, organiser un retour d’informations. Notre challenge est de monter en puissance et d’aller chercher les patients qui n’optent pas”, ajoutait le directeur. A la fin de l’année, ce seront les patients asthmatiques qui rentreront dans un programme similaire, également en lien avec le pharmacien d’officine, dans le cadre d’entretiens pharmaceutiques.


 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Dr Chantal Guéniot