Le Pr François-Bernard Michel, nouveau président de l’Académie nationale de médecine, souhaite tourner davantage l’Académie vers les jeunes médecins et les généralistes. Un développement des structures de communications et une meilleure réactivité devrait permettre à l’Académie d’être plus en phase avec son temps.

 

Egora.fr : comment concevez-vous votre rôle à la présidence de l’Académie ?

Pr François-Bernard Michel. Je n’ai pas sollicité le suffrage de mes confrères dans un but honorifique, mais pour proposer des évolutions concrètes. Je pense que chaque président, dont le mandat est malheureusement trop bref car il se limite quasiment à huit mois, doit faire avancer l’Académie, afin qu’elle remplisse au mieux ses missions. Celles-ci sont de deux ordres : répondre à l’attente des autorités de tutelle quand elles sollicitent notre avis, mais aussi, et de plus en plus, nous mobiliser par des auto-saisines, pour mener une réflexion sur les problèmes fondamentaux de santé. La médecine a évolué du concept de médecine-maladie à celui de médecine-santé publique. Les Français n’attendent plus seulement des médecins qu’ils les prennent en charge quand ils sont malades, mais également qu’ils répondent aux interrogations innombrables qui surgissent sans cesse dans des domaines extrêmement divers : environnement, nutrition, risques iatrogènes, hygiène de vie… La population et les journalistes ont besoin d’informations scientifiques fiables et d’une démarche éthique, allant au-delà de l’émotion. L’Académie de médecine réunit un éventail de compétences tel qu’elle doit pouvoir réagir à chaud à beaucoup de problèmes de société. Elle peut émettre des communiqués, mais aussi répondre aux sollicitations des journalistes. Nous sommes élus pas nos pairs, nous sommes bénévoles, nous sommes indépendants, donc nous avons une grande liberté de langage par rapport au Ministère et aux agences. Nous ne profitons pas assez de cette liberté.

 

Comment allez-vous favoriser ces échanges ?

Je propose de développer une véritable structure de communication, que les journalistes pourront solliciter. L’Académie doit avoir un plan de communication sur les grands problèmes, comme actuellement les pilules de et génération. Au début de chaque séance hebdomadaire, j’informerai mes confrères sur les questions qui ont surgi dans la semaine et les décisions que nous avons prises. Par exemple par rapport à la loi sur le mariage entre personnes du même sexe, je n’ai pas voulu que nous émettions d’emblée un document volumineux qui ne serait pas assez argumenté. Nous avons publier un communiqué très restreint et un groupe de travail composé de confrères qui connaissent bien l’assistance médicale à la procréation va travailler sur ce sujet, sous la direction du Pr Georges David, fondateur des Cecos. Cela permettra de publier un document très argumenté, avec une bibliographie. On ne doit pas se laisser guider par l’émotion. Les problèmes sont devenus d’une telle complexité qu’il est difficile d’avoir des positions non argumentées.

 

Certains parlent de l’Académie comme d’une “assemblée de vieillards”. Comment allez-vous essayer de changer cette image ?

C’est vrai, nous sommes trop éloignés de nos confrères plus jeunes. La plupart d’entre nous sont coupés de l’activité médicale car à la retraite depuis de nombreuses années. Ce qui est important c’est de pouvoir échanger avec les jeunes générations. Au mois d’avril nous allons organiser un débat avec des agrégés, des chefs de clinique, des internes, des étudiants, afin de préciser ce qu’ils pensent de l’Académie et ce qu’elle peut leur apporter. J’ai également pour projet d’associer à l’Académie deux autres groupes, l’un composé de médecins généralistes et l’autre de représentants institutionnels. Ce ne seront pas des académiciens au sens strict, mais ils nous apporterons leurs connaissances et nous pourrons les consulter. L’avis des médecins en exercice nous sera extrêmement précieux. Nous avons besoin de communiquer avec des praticiens de terrain. Nous avons actuellement une commission dirigée par le Pr Pierre Ambroise-Thomas qui travaille avec les généralistes. Nous allons officialiser ce rapprochement. Nous travaillons également sur les études médicales qui sont à revoir complètement. L’enseignement est devenu très superficiel, si j’évoque ce que je vois dans ma discipline, la pneumologie. La sélection à l’entrée accorde une place trop grande aux critères scientifiques. C’est regrettable. Nous devons suivre l’exemple de pays comme le Brésil, qui a transformé son enseignement médical, en y introduisant plus d’interactivité et de pragmatisme.

 

Allez-vous essayer de changer la durée du mandat présidentiel ?

J’ai créé un groupe de réflexion qui va revoir le règlement de l’Académie. Souvent celui-ci nous bride par des contraintes infondées. Mais je ne soumettrai pas cette modification du règlement tant qu’elle n’aura pas été discutée et étayée. En mars je donnerai les premiers résultats des concertations en cours et j’espère qu’un vote sera possible en juin.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Dr Chantal Guéniot

 


En savoir plus. Le Pr François-Bernard Michel était chef de service de pneumologie au CHU de Montpellier. Il est co-président du Comité médical international de Lourdes (CMIL) et membre de l’Académie des Beaux-Arts de l’’Institut de France.