Le Dr Claude Dilain est pédiatre et sénateur de Seine-Saint-Denis (Parti socialiste). Il est l’ancien maire de Clichy-sous-Bois, poste auquel il a du renoncer pour cause de non cumul des mandats. Contrairement au Dr Brillaut, interviewé hier, le Dr Dilain se positionne en faveur du mariage pour tous. Il est également favorable à l’adoption d’enfants par des couples de même sexe. Selon lui, l’argument de la nature n’est pas valable. Les enfants peuvent être totalement épanouis avec deux papas ou deux mamans.


En tant que médecin et élu, que pensez-vous de ce débat ?

Je suis un farouche partisan de cette réforme du code civil. Ce n’est ni en tant que médecin, ni en tant qu’élu mais en tant que citoyen que je suis pour l’égalité des droits. A partir du moment où l’homosexualité est sortie du code pénal (ce n’est plus un délit ni un crime), et de nos bouquin de médecine (ce n’est plus considéré comme une maladie invalidante pouvant entraîner une déchéance de la citoyenneté), je ne vois absolument aucun argument pour dire que l’orientation sexuelle créée des sous-catégories de citoyens.

Je comprends bien que pour beaucoup de personnes cela pose un problème, c’est nouveau. En même temps, je regrette que cela soit nouveau. Je pense que nous aurions du le faire depuis très longtemps, comme c’est le cas d’ailleurs dans d’autres pays. Car je ne vois pas très bien ce qui empêche le mariage pour tous.

En ce qui concerne les causes religieuses, je suis désolé mais nous sommes dans une république laïque. Le mariage pour tous n’enlève rien aux convictions religieuses que je respecte totalement, mais qui n’ont rien à voir avec la république. Nous ne sommes pas au Liban, où le code civil est fonction de la religion des gens. J’entends aussi des arguments sur le droit de la nature mais sincèrement, je trouve que philosophiquement, c’est dangereux. Si nous devions suivre le droit de la nature, nous devrions interdire le mariage parce que vu le nombre de divorces et d’adultère, cela ne paraît pas très naturel !

L’expression mariage pour tous, est par ailleurs mauvaise puisqu’on ne peut pas se marier avec sa sœur ou son père. Ce terme ne sera pas inscrit dans la loi.


Est-ce que le fait d’être médecin a joué sur votre perception des choses ?

Pas sur le mariage mais sur la filiation. Sur ce dernier point, mon expérience de pédiatre (le Dr Claude Dilain est toujours en exercice, Ndlr) a joué beaucoup. Le mariage est un problème d’égalité de droit qui n’a, à mon avis, rien à voir avec le fait d’être médecin. En ce qui concerne l’adoption et tout le débat sur la filiation, ma formation et mon expérience de médecin ont eu un rôle.


En quoi ?

Sur l’adoption, il est bien évident que si l’on donne les mêmes droits, il n’y a aucune raison pour que les couples homosexuels ne puissent pas adopter. Je ne vois pas sur quelles bases légales et citoyennes on pourrait dire qu’il y a deux catégories de mariage. Mariage et adoption ne posent pas les mêmes questions. Le mariage relève de l’égalité des droits tandis que l’adoption porte le débat sur la protection de l’enfant. La société a le devoir de protéger les enfants.

La question qui se pose est quel est l’intérêt de l’enfant ? C’est une question que je me suis posée et à laquelle je ne pouvais pas répondre. Il y a maintenant plusieurs études qui sont plutôt rassurantes. Je fais d’ailleurs remarquer que s’il y avait une étude sur les enfants de divorcés, on interdirait le divorce tout de suite. On n’a pas envisagé d’annuler le divorce au motif que les enfants en souffrent. Donc je suis d’autant plus rassuré sur l’adoption qu’en France, elle est extrêmement, voir même trop encadrée. Le choix des familles est d’une rigueur infinie. Si j’avais dû moi-même adopter, je n’aurais sans doute pas eu toutes les qualités requises !

Sur la PMA (procréation médicalement assistée), je fais partie des gens qui veulent une loi propre. Ce n’était pas une bonne chose de la raccorder au mariage parce que ce n’est pas le même problème. Je le dis aussi bien que je sois socialiste, je ne suis pas favorable à l’introduction de la PMA dans une loi sur la famille. La PMA pose des problèmes qui méritent d’avoir une loi particulière. L’homosexualité dans la cadre de la PMA est presque anecdotique.

Le débat qui m’a le plus intéressé et qui n’a malheureusement pas été très clair et trop polémique porte sur la filiation. Je fais partie des pédiatres qui pensent, avec de très nombreux maitres dans ce domaine y compris en dehors de la médecine comme Elisabeth Badinter, que nous sommes tous des enfants adoptés. La filiation biologique ne vaut rien. Moi j’ai cinq enfants, si on m’apprenait que je ne suis pas le père biologique de l’un d’eux, j’aurais surement une discussion avec leur mère mais cela n’enlèverait rien à l’amour que je porte à mes enfants. Sinon il faudrait dire que l’on aime moins et que l’on se sent moins parents d’enfants adoptés, ce qui est une contre vérité.

Je pense que nous sommes tous des enfants adoptés. L’enfant, à un moment ou un autre, est adopté par ses parents, soit avant ou pendant la grossesse, soit au moment de l’accouchement ou même quelques semaines après. Cela me vaut d’ailleurs de belles consultations, parce que des mamans ne se sentent pas mère. Je pense que la filiation biologique est anecdotique par rapport à la filiation amoureuse. Je regrette que le débat n’ai pas été plus serein.


En tant que pédiatre, avez-vous déjà suivi des enfants de couples homosexuels ?

Non, en revanche, j’ai suivi des enfants adoptés par des familles monoparentales, des femmes. Franchement, ils n’avaient ni plus, ni moins de problèmes que les autres enfants. Ce qui me parait important, en tant que pédiatre, c’est ce qu’on appelle les fonctions paternelles et maternelles des parents. La fonction maternelle qui cajole, et la fonction paternelle qui élabore le surmoi. Une maman peut bien entendu exercer une fonction paternelle et vice versa. Certaine mamans sont plus autoritaires et il y a des papas poule ! C’est mon cas d’ailleurs ! Ce n’est pas une question de sexe. On passe d’ailleurs de l’un à l’autre au gré des circonstances.

Je pense qu’il ne faut pas partir en disant que tout est réglé, mais j’estime que nous avons déjà un certain nombre de garanties pour dire qu’il n’y a pas de danger majeur à ce que des enfants soient élevés par des couples homosexuels. Je n’aime pas le mot homoparentalité. Il y a juste une parentalité. On est parent ou on ne l’est pas.


Parmi les arguments de la partie adverse, quels sont ceux qui vous agacent le plus ?

Je crois que c’est le retour à une vision religieuse ou, peut être encore pire, la philosophie du droit de la nature. Nous n’obéissons pas à la nature, c’est le propre de l’homme. Tout n’est pas mauvais bien entendu, mais nous avons une conscience qui nous permet d’échapper à cette fatalité naturelle. Madame Taubira a dit à juste titre que si un couple ne pouvait se marier qu’en fonction de la procréation, il faudrait interdire le mariage après la ménopause ! Ce que je regrette surtout, c’est le ton très polémique qu’a pris ce débat.


Avez-vous le sentiment que la France est en retard ?

Sur le plan de la législation sur le mariage, oui. Quand on voit des pays de tradition catholique plus intégrée dans l’Etat comme l’Espagne, on se dit qu’on est en retard. Je pense qu’on aurait du le faire beaucoup plus tôt et nous n’en parlerions plus. Pour moi, cela n’aurait pas du être un gros problème. Nous avons actuellement à affronter beaucoup de questions sociales économiques étrangères compliquées. Comme l’a dit Christiane Taubira, le mariage homosexuel n’enlève rien aux hétérosexuels. Je ne vois pas où est le souci. Je pense que les choses auraient du se dérouler de manière beaucoup plus sereines et occuper moins d’espace.

 

Source :
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Auteur : Sandy Berrebi