Le Dr. Philippe Brillaut est maire du Chesnay depuis 1989 et conseiller général. Ancien médecin généraliste puis urgentistes à l’hôpital de Versailles, il est aussi l’un des sept porte-paroles de La manifestation pour tous, le mouvement contre le mariage gay qui a entraîné 800 000 personnes dans les rues, voici 15 jours. Alors que le projet de texte débute son examen à l’Assemblée nationale, le Dr Brillaut défend son engagement. Demain, Egora.fr publiera une interview d’un pédiatre et sénateur pro-mariage gay.

 


Egora.fr. Vous voici porte-parole de la Manifestation pour tous, mouvement d’opposition au projet de loi sur le mariage et à l’adoption par les homosexuels. Pourquoi cet engagement ?

Dr. Philippe Brillaut. Lorsque j’ai eu vent du projet de loi, en septembre dernier, j’ai proposé une délibération aux 35 élus de mon conseil municipal (mon groupe représente 27 élus sur les 35), pour prendre position sur le texte qui ouvre la voie au mariage entre deux personnes du même sexe, afin de faire éventuellement jouer la clause morale. Nous nous sommes engagés pour préserver les enfants et avons été intégrés à La manifestation pour tous dès l’automne dernier. Sur une commune, on est en lien direct avec la petite enfance, le scolaire et tout ce qui traite de l’environnement des jeunes, le sport et les activités péri-scolaires.
On y constate la fragilité des enfants qui vivent dans un univers familial réformé : familles recomposées, gardes alternées. Or, nous disons que le projet de Mme Taubira est loin de ne concerner que l’union de deux personnes de même sexe – je suis tout à fait partisan du Pacte d’union civile – mais qu’il aborde l’enfant dans son mode de procréation, sa reconnaissance, son éducation. Tout ce qui touche à l’enfant dans ce texte n’est pas clair. Cela ne nous convient pas. Depuis un an environ, nous pensons qu’il faudrait légiférer sur l’enfance. Plutôt que de parler de l’environnement juridique et financier de l’enfant, dans un cadre de décision de gardes alternées, de recomposition familiale, par exemple, nous estimons qu’il faut partir de l’enfant.


Votre regard de médecin a-t-il influé sur votre engagement ?

Oh oui ! Depuis deux mois, je retrace sur mon disque dur tout ce que j’ai noté en consultation concernant des enfants, les couples qui rencontraient des problèmes de stérilité, les couples d’homosexuels qui voulaient avoir des enfants, mes liens avec des collègues médecins sur l’obstétrique, la pilule, les réseaux femme-enfants. Le médecin est l’observateur privilégié de l’intimité des couples et de leurs besoins. C’est un complément essentiel pour un politique. Cette position me donne une vision particulière.


Aujourd’hui, le gouvernement déclare qu’il est droit dans ses bottes, qu’il a la majorité au Parlement et qu’il ne cillera pas. Comment réagissez-vous ?

Je dis que nous sommes encore bien plus droits dans nos bottes, et que nous en avons bien plus que lui, des bottes ! D’autant que nous vivions une supercherie : on est en train de nous sortir la reconnaissance de la PMA (procréation médicalement assistée) et des GPA (gestation pour autrui) qui ont déjà eu lieu à l’étranger. Ceci nous prouve que nous allons avoir un projet de loi, entre guillemet sur le mariage pour tous, mais que tout ce qui concernera l’enfant sera du ressort de l’Assemblée. Nous allons donc solliciter le Conseil économique, social et environnemental, pour qu’il établisse un avis constitutionnel après étude d’impact autour du couple, des enfants, de la famille et de la société.


Mais votre mouvement n’est pas majoritaire parmi les parlementaires…

Depuis hier, il y a deux députés socialistes qui se sont désolidarisés de leur groupe. Voilà deux otages libérés, ils ont dit qu’ils ne voteraient pas le projet de loi et beaucoup d’autres s’interrogent. Et moi je dis que si les parlementaires qui représentent la démocratie pour voter les lois, oublient qu’ils sont aussi là pour être le relais de la démocratie issue de la population, il y a conflit. Et aujourd’hui, on est dans un conflit. Quand la population réagit, elle le fait soit par le biais des parlementaires ou des institutions constitutionnelles. Si personne ne les entend, eh bien, c’est la rue. Il faut faire attention : en 1968, il y a eu des actions qui ont débordé la constitution.


Vous êtes donc prêt à une mobilisation intense jusqu’au 12 février, jour du vote en première lecture à l’Assemblée ?

Le 12 février pour la première instance, puis ce sera le tour du Sénat, et le retour à l’Assemblée nationale. Tout confondu, on en a jusqu’au mois d’avril.


Vous ne demandez plus la tenue d’un référendum ?

Premièrement, on se pose la question de savoir si on est encore capables de dialoguer. Deuxièmement, on se dit que si le Parlement décide de passer en force, il faut exiger un référendum, qui sera le seul moyen pour le Président de la République de garantir l’expression populaire. Seul le Président de la République peut le décider pour arbitrer entre l’avis de la population, largement supérieur à celui du Parlement. Il suffit d’un référendum pour le constater.


Un collectif de pédiatres s’est récemment prononcé pour l’adoption par des couples homosexuels. Qu’en dites-vous ?

Ce que je souhaite, c’est qu’il puisse y avoir un dialogue avec certains groupes de médecins. Ceux qui détiennent la vérité indisposent tout le monde. Il faut que les pédiatres, obstétriciens et autres se retrouvent dans une réflexion autour de l’enfant, une sorte de Grenelle. Dans le projet Taubira, il y a les adultes et il y a les enfants, dont la situation n’est pas clarifiée. Si la droite avait mieux négocié et défendu le Pacte d’union civile, nous n’en serions pas là. 


Faisons un peu de politique fiction : le projet de loi que vous avez combattu devient une loi, les homosexuels peuvent se marier et adopter. Vous êtes maire, que faites-vous ?

C’est Philipe Brillaut qui vous répond. La politique fiction ne m’intéresse pas. Je suis un politique du jour et de l’actualité. Lorsqu’on opère, on ne pense pas tout le temps à l’accident, mais on est prêt à agir s’il survient. Cela dit, je pense que si nous sommes intelligents, nous pouvons nous donner du temps pour réfléchir.

 

Source :
http ://www.egora.fr/
Auteur : Catherine Le Borgne