A 32 ans, le Dr Julien est un psychiatre expatrié et heureux. Installé depuis six mois à Montréal, il ne regrette en rien le poste de praticien hospitalier qu’il a laissé en France. Mieux payée, plus valorisée et moins contraignante, la médecine canadienne semble idéale. Mais attention, avant d’arriver au paradis, le Dr Julien a du côtoyer l’enfer des démarches administratives…
“Avec ma femme nous avons pris la décision de nous installer au Québec en 2010. Nous n’y sommes que depuis six mois ! Les démarches administratives sont extrêmement longues”. Le Dr Julien* est un jeune médecin Français de 32 ans. Avec son épouse, pharmacienne, ils ont décidé de poser leurs valises à Montréal. “Avant de pouvoir exercer, j’ai vécu un véritable parcours du combattant. Un organisme a vérifié tout mon parcours à la faculté, puis j’ai du faire un stage d’évaluation de 13 semaines qui était non rémunéré. La réussite de ce stage était une condition obligatoire pour pouvoir exercer au Canada”, témoigne le Dr Julien. Pendant plus de trois mois, le psychiatre français est redevenu un interne, supervisé par un maître de stage. Ce n’est qu’après la validation de ce stage qu’il a décroché son permis d’exercice.
Moins de stress et de conflits
Pour son épouse, les choses sont encore plus compliquées. “Ma femme, qui est pharmacienne, est en train de passer l’équivalence. Le diplôme est beaucoup plus complexe qu’en France”, explique le Dr Julien. Au Québec, le rôle de conseil du pharmacien est très important. “Ils auront bientôt le droit de prescrire”, commente le médecin avant d’ajouter qu’“ici, le pharmacien est beaucoup plus expert dans les interactions médicamenteuses”. Pour pouvoir exercer, l’épouse du Dr Julien a deux options. La première consiste à retourner à la fac sur une période de 20 mois afin de suivre des cours de remise à niveau. La seconde, choisie par la Française, est de passer l’examen québécois de fin d’études à l’issu duquel un stage de quatre à cinq mois, toujours non rémunéré, est obligatoire. “Il faut au moins un an de préparation pour réussir cet examen, qui a pour réputation d’être très compliqué”, explique le Dr Julien.
De son côté, le psychiatre exerce désormais dans un centre hospitalier de Montréal. Et la différence avec la France est frappante. “Les conditions de travail sont sans commune mesure. Il y a beaucoup moins de stress et de conflits à l’hôpital”, constate le spécialiste. Et pour cause. Au Canada, les médecins, bien qu’ils exercent en centre hospitalier, ne sont pas salariés. “C’est du libéral, mais à l’hôpital. De cette manière, nous pouvons nous organiser comme nous le souhaitons, puisque nous sommes payés en fonction de notre travail. Cela change pas mal les relations avec les collègues,” estime-t-il.
La rémunération des praticiens canadiens est plus importante qu’en France. Le système est différent. “Ici, les patients ne sortent jamais d’argent pour payer leur soins, leur hospitalisation, la biologie ou l’ imagerie médicale. Ils paient avec leur carte soleil, qui est une sorte d’équivalent de la carte vitale. Tout est pris en charge par la Régie d’assurance maladie du Québec (RamQ), qui est leur sécurité sociale”, explique l’expatrié. Les médecins sont ainsi payés à l’acte, qui est beaucoup mieux valorisés qu’en France. Lorsqu’un généraliste français touche 23 euros pour sa consultation, son confrère québécois en gagne 100. Mais ce n’est pas tout.
Une meilleure médecine
Toutes les actions des médecins sont rémunérées, qu’il s’agisse de remplir le dossier d’un patient ou encore de répondre au téléphone. “Nous avons une grille très précise. Cela fonctionne sur la bonne foi et la conscience des médecins mais il n’y a pas d’abus. Tous les 15 jours, nous recevons des virements de la RamQ”, indique le praticien. A titre indicatif, si un généraliste gagne en moyenne 65 000 euros en France, son confrère canadien touche de son côté en moyenne 202 000 dollars soit 150 000 euros. Pour sa part, les revenus du Dr Julien sont passés de 4 000 euros à 15 000 euros par mois.
Bien que payé à l’acte, l’emploi du temps des médecins est compatible avec leur vie de famille. “A l’hôpital, nous travaillons en moyenne de 8h30 à 17h30. Si en France, le début des gardes débute à 18h30, au Québec, cela commence à 16h”, constate le psychiatre. Depuis son arrivée au Canada, il se réjouit de pratiquer “une meilleure médecine”. “L’acte est mieux valorisé, par conséquent, je passe plus de temps avec les patients. Le fait de ne pas avoir de contrainte de chiffres imposés par la RamQ permet également de travailler dans de meilleures conditions”, juge-t-il.
Et il en va de même pour la recherche et l’enseignement “beaucoup plus dynamique que dans l’Hexagone”. Le Dr Julien, qui a été chargé d’enseignement en France, peut comparer les deux systèmes. “En France, j’avais en moyenne quatre étudiants. Il était très difficile de les former. Ici, un médecin ne peut s’occuper que d’un seul étudiant, et il est payé pour le faire. Beaucoup plus de temps est dégagé pour les former. Les techniques pédagogiques sont nouvelles et plus intéressantes. Par exemple en France, les examens oraux se font sur les connaissances du cours. Ici, on pratique des mises en situation sur des scènes cliniques en présence d’acteurs. Et l’étudiant n’est pas jugé que sur la théorie mais aussi sur la communication médicale”, décrit le Dr Julien.
Pas de liberté d’installation
Si le système canadien semble idéal, certain points négatifs ne sont pas à négliger. Bien que les praticiens soient mieux rémunérés, ils n’ont pas de liberté d’installation. “La régulation de la démographie médicale est très forte. Par contre, plus on s’éloigne des grandes villes, mieux on est payés. Et la différence est très importante”, constate le psychiatre, qui a néanmoins élu domicile à Montréal. Autre ombre au tableau : la sécurité sociale locale ne prend pas en charge les dépenses de médicaments. “Nous devons prendre une mutuelle obligatoire en plus à notre charge. Pour indication, je paie 250 dollars par mois pour la famille”, dévoile le praticien. Pas de cadeau non plus pour la retraite. Le système français n’est pas transposable au Canada.
“Nous devons capitaliser sur ce que nous gagnons. Nous n’avons pas d’assurance maladie, décès ou encore invalidité”, constate encore le Dr Julien. Enfin, les assurances en responsabilité civile professionnelle (RCP) atteignent vite des sommets étant donné du risque plus important de procès Outre Atlantique. “Je payais 200 euros par an en France, ici je paye la même somme mais par mois”, plaisante le psychiatre, avant de constater que certains spécialistes paient plus de dix fois plus que lui. Dernière ombre au tableau, et non des moindres, les congés payés ne sont pas prévus au Canada.
Malgré tout cela, quelques 46 médecins français exercent au Canada, parmi lesquels 30 généralistes. 145 praticiens ont déposé un dossier, et ils sont 28 a être actuellement en stage. “Dans les faits, tout semble parfait, mais le manque de médecins généraliste est flagrant. Le Canada est à la recherche de médecins généralistes, y compris en France”, lance le Dr Julien avant d’insister “le fait de gagner mieux sa vie est un plus mais pour venir au Canada, il ne faut pas n’être intéréssé que par l’argent. De toutes façons, les démarches administratives sont trop contraignantes pour venir sur un coup de tête”. Avis aux intéressés.
Source :
http ://www.egora.fr/
Auteur : Sandy Berrebi
*qui souhaite rester anonyme
Note : pour plus d’informations sur la vie des médecins au Québec, le blog du Dr Julien.