Le mécanisme du DPC (développement professionnel continu) des médecins est désormais opérationnel. Mais lorsqu’un hospitalier peut espérer bénéficier d’un droit de tirage de 818 euros/an pour financer son DPC, son confrère libéral peut, lui, quasiment quadrupler la donne et frôler les 3 500 euros. Avec, en toile de fond, un budget DPC troué du fait de la crise, les blouses blanches n’admettent pas cette “injustice”. 


C’est la nouvelle bataille de la somme, celle qui est dévolue aux médecins pour assumer leur obligation de DPC (développement personnel continu). Et celle-ci doit rester la même pour les libéraux et les hospitaliers, il en va de l’équité du dispositif. Or, à entendre les médecins hospitaliers qui menacent d’en découdre – et envoient des courriers comminatoires à Marisol Touraine, la ministre de la Santé – les médecins libéraux seraient outrageusement avantagés dans le décompte final.


Indignation

Sur le plan individuel, lorsque le médecin hospitalier peut espérer bénéficier d’un droit de tirage de 818 euros/an pour son DPC, son confrère libéral peut, lui, quasiment quadrupler la donne, pour dépasser largement les 3 000 euros. Une missive à destination de la ministre de la Santé, co-signée par la Fédération hospitalière de France, quatre fédérations hospitalières et l’ANFH, l’organisme paritaire collectif agréé de l’hospitalisation publique fait état de cette indignation.

Cette accusation ne manque pas de sel, sachant que de leur côté, les libéraux crient également auhold up, affirmant que les 80 millions de la dotation conventionnelle originellement gérée par la caisse nationale d’assurance maladie ont purement et simplement disparus de la cassette de l’OGDPC (organisme gestionnaire du DPC) des médecins.

Que se passe-t-il ? Président de la Fédération des spécialités médiales (FSM), qui regroupe les conseils nationaux professionnels de toutes les spécialités, le Pr. Olivier Goëau-Brissonière reconnaît être “extrêmement vigilant” sur le financement du dispositif. Celui-ci doit bien bénéficier des financements prévus d’une part, et être équitable entre toutes les composantes du corps médical d’autre part : médecins généralistes et spécialistes, médecins libéraux et hospitaliers. Une vigilance qui tient au fait que l’OGDPC n’a pas reçu l’intégralité de la taxe sur le chiffre d’affaire de l’industrie pharmaceutique. Et qu’en outre, les modes de financements entre libéraux et hospitaliers sont différents.


Rubis sur l’ongle

Pour tous, l’argent transite par la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM), qui le reverse à l’OGDPC. L’industrie pharmaceutique a ainsi payé rubis sur l’ongle à la CNAM les 150 millions de la taxe pour le DPC qu’elle est désormais contrainte d’acquitter. Cette dernière aurait dû reverser cette somme à l’OGDPC, abondée de l’enveloppe de 80 millions de la dotation conventionnelle…“Mais la CNAM n’a reversé que 102 millions d’euros au total”, a constaté le Pr. Goëau-Brissonnière. L’an passé, la dotation 2012 de l’industrie au DPC avait purement et simplement disparu du secteur de la formation continue.

Selon MG France, interrogé avant les fêtes, les caisses ont utilisé l’argent des médecins pour financer la formation continue des autres professions de santé. Elles se sont, en outre, basées sur le bilan FPC (formation professionnelle conventionnelle) de 2012, et y ont ajouté un financement complémentaire de 20% pour le DPC 2013. Ce qui fait en gros 83 millions d’euros pour les libéraux, à raison de quatre jours et demi par professionnel. C’est le cabinet de Marisol Touraine qui a fait le calcul. 

Les hospitaliers bénéficient d’un système différent : une taxe de 0,5% prélevée sur la masse salariale des hôpitaux généraux, qui se monte à 0,75% pour les CHU. Si les établissements font transiter cet argent par un OPCA (organisme paritaire collectif agréé), en l’occurrence l’ANFH (Association nationale pour la formation hospitalière), ils peuvent espérer bénéficier eux aussi d’une fraction de la dotation de l’industrie pharmaceutique. 534 établissements ont fait ce choix (mais pas l’AP-HP, qui se réserve pour l’an prochain, dit-on). Néanmoins, il semblerait bien qu’ils n’aient pas recueilli grand-chose de la dotation de l’industrie.

Selon le courrier envoyé à Marisol Touraine, l’ANFH affirme que le compte n’y est pas. Elle se demande même si elle n’aurait pas été bernée par la tutelle qui lui avait promis un financement issu de la taxe sur l’industrie pharmaceutique et une équité de traitement avec les libéraux…


Embouteillage

De fait, les chiffres sont trompeurs. Les libéraux vont effectivement bénéficier d’un droit de tirage qui peut aller jusqu’à 3 500 euros, comprenant à la fois le coût du programme de formation, versé à une association agréée, évaluée scientifiquement par la CSI (commission scientifique indépendante, qui vient d’être constituée). Et celui de la rémunération du temps consacré à cette formation, soit 172,50 euros par demi-journée. Le médecin devra suivre un programme de trois journées et demie au minimum, jusqu’à un maximum indemnisé de sept journées et demie.

Evidemment, les hospitaliers ne peuvent bénéficier de ces sommes, car ils effectuent leur DPC sur leur temps de travail, les situations ne sont pas comparables. L’hôpital leur verse des fonds”, commente le Dr Roger Rua, président du SML. Il se réjouit que les médecins généralistes puissent avoir de choix de suivre plusieurs programmes, et qu’ainsi les associations “puissent fonctionner normalement” malgré la transition entre les deux systèmes.

“Le cout d’un programme de DPC doit être similaire, que le médecin soit libéral ou hospitalier”, répète le Pr. Goëau-Brisonnière. Il fait remarquer que dans le régime général, la taxe pour la formation professionnelle s’élève à 2,1% de la masse salariale. Les hôpitaux sont donc loin du compte et ils doivent mettre ce montant minimal” pour assurer parfaitement la formation de leurs praticiens.

La CSI des médecins ayant été installée et son président, nommé : Dr. Francis Dujarric, gastro-entérologue, le DPC est “théoriquement parti”, se réjouit Roger Rua qui imagine le démarrage effectif “dans les semaines qui viennent”. Dès que les programmes seront validés en CSI, les inscriptions pourront commencer. “La plupart des associations ont déjà fait parvenir leurs programmes pour validation à la CSI, il pourra juste y avoir un peu d’embouteillage”…

 

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Catherine Le Borgne