De nombreux décès "brutaux" de médecins dans la région Centre courant 2012 ont conduit l’Union régionale des professionnels santé (URPS) de ce territoire à mener auprès de la profession une enquête sur les conditions de travail. Les résultats démontrent que les médecins, souvent des femmes exerçant en milieu rural ou semi-rural, appellent à l’aide. Il n’y a que 20% des confrères qui ont désigné un médecin traitant.
 

 

Sept décès brutaux de médecins ont été recensés l’année dernière dans la région Centre. Décès brutaux ou suicides car lorsqu’il s’agit des médecins, les suicides ne sont pas déclarés comme tels. Il s’agit maintenant pour l’URPS d’en comprendre les causes pour les prévenir.

 

Mauvais état moral

"La région Centre souffre, avec la Picardie, de l’une des densités médicales les plus faibles de France, a souligné le Dr Parvine Bardon, gynécologue, membre de l’URPS Centre, lors des 4e assises de la Femme, médecin libéral, organisées par le Syndicat des médecins libéraux mi-janvier. Dans cette région, la communauté médicale est dans un mauvais état moral."

L’URPS a interpellé ses 2086 médecins par le canal d’une enquête traitant des actions à mener pour améliorer les conditions de l’exercice libéral. Les médecins ont ainsi eu l’opportunité de classer huit items par ordre d’importance : prévention de l’épuisement professionnel, amélioration de l’organisation du cabinet médical, adaptation aux nouveaux modes d’exercice, adaptation aux nouveaux comportements des patients, intégration des nouveaux outils informatiques, protection sociale, prévention et gestion de l’erreur médicale, et enfin relations avec les caisses primaires. 411 médecins ont répondu au questionnaire.

 

Isolement

"20% d’entre eux y ont répondu spontanément en moins de 15 jours, ce qui démontre que malgré les formations et l’entourage, le monde médical va mal", a soutenu le Dr Martine Darchy, dermatologue, également membre de l’URPS. Et le Dr Bardon d’ajouter : "nous avons d’autant plus été surpris que souvent les médecins n’ont pas le temps de répondre à ce type de questionnaire."

La prévention de l’épuisement a été choisie par 35.5% des répondants, suivie de l’organisation du cabinet (15.8%). 72% des médecins ont également demandé la mise en place de réunions entre pairs ou avec des experts, sur les thématiques les plus choisies par les répondants.

"Ce sont essentiellement les femmes en milieu rural ou semi-rural qui sont les plus demandeuses de réunions, ce qui est révélateur de leur isolement", ont souligné les deux médecins, en précisant que l’URPS organise sa première réunion dans le Loiret le 7 février avec deux groupes de 10 médecins. "Nous avons voulu faire des petits groupes car nous allons parler de l’intime, ont-elles précisé. Au travers de nos réunions, nous allons avancer pour mettre en exergue les raisons de ces difficultés."

 

Déni de la maladie

Le manque de reconnaissance des patients à leur égard ou encore les contraintes administratives de plus en plus nombreuses expliquent en partie le mal-être ressenti au sein de la profession. "Aujourd’hui, les médecins ont des responsabilités et des tâches de gestion très lourdes et ils ne peuvent pas passer au travers", a souligné Dominique Maurel, conseiller du Groupe Pasteur Mutualité. Dans le cadre de l’exercice libéral, le burn out des médecins représente 40% des causes de versement de la rente d’invalidité par la CARMF. Un médecin généraliste sur dix serait également en détresse psychologique, ces difficultés entrainant parfois des pratiques addictives. Ce mal être s’expliquerait tout d’abord par des causes internes.

"Les médecins sont des professionnels de l’autodiagnostic et de l’automédication, a mis en garde Dominique Maurel. Seul 20% des médecins ont désigné un autre médecin qu’eux-mêmes comme médecin traitant. Ils sont dans le déni de la maladie." Des causes externes comme les contraintes administratives, l’exigence des patients toujours plus importante entrainant les mises en cause et la judiciarisation de la responsabilité médicale expliquent également la souffrance des médecins.

"Face à l’épuisement professionnel, ils doivent être vigilants sur les signes d’alertes, a rapporté Dominique Maurel. Mais c’est difficile, car le médecin est souvent seul face à lui-même. Il doit en parler avec un autre médecin généraliste." Et de conclure : "les médecins doivent anticiper leurs problèmes en se formant à l’organisation du travail, en se faisant assister par une secrétaire, en préservant leur vie sociale et familiale, en mettant également en place des outils assurant une sécurité financière. Il faut qu’ils se protègent afin de pouvoir se consacrer pleinement à l’exercice de leur métier."

 

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Laure Martin

 

Erratum

C’est par erreur que nous avons fait état de 36 décès brutaux de médecins en région centre. Le Dr. Parvine Bardon, qui a présenté l’enquête, ne fait état que de 7 cas, un nombre qui reste"alarmant" pour la région Centre, signale-t-elle.

Mis à jour le 14-01-2013 à 14 h 40.