Chers lecteurs, l’été dernier la rédaction d’Egora.fr a publié quelques uns de vos souvenirs professionnels les plus marquants…

 

"Tout a commencé il y a 15 ans (1997). A cette époque, je venais tout juste de visser ma plaque et j’avais la fougue des débuts d’installation.

En cette période, les gardes n’étaient pas régulées, mais il faut dire nous étions privilégiés car nous avions constitué un tour de garde avec les autres confrères du village. De ce fait, nous pouvions facilement nous absenter sans avoir de remords.

Je me rappelle très bien du réveil par le téléphone de cette nuit mémorable de juillet. Il faisait très chaud, et les nuits n’arrivaient pas à nous rafraîchir. Perturbé dans mon sommeil par cet appel, je pris avec un peu de retard le combiné téléphonique.

De l’autre bout, une personne très inquiète m’expliqua que sa belle-fille (qui est venue sur le lieu de son travail : la maison de retraite) présentait une épistaxis. Aguerri à ce genre de prise en charge, je me suis dirigé sans empressement vers le domicile de la patiente.

A mon arrivée, je fus surpris par le « spectacle » auquel j’ai assisté. En effet, par cette nuit étoilée, j’ai fais la connaissance d’une jeune femme de 32 ans dans la pénombre du jardin de la maison de retraite. Cette dernière trépignait, et visiblement présentait une gêne importante.

Conscient de la nécessité d’un examen approfondi, je demandais à sa belle-mère qui travaillait de nuit dans la maison de retraite d’avoir la bonté de m’ouvrir la porte. Elle le fit avec quelques difficultés, il faut le dire, et c’est dans le hall de la maison de retraite que j’ai examiné la bru.

Elle présentait effectivement un saignement, mais il ne s’agissait pas d’un problème d’épistaxis, mais plutôt d’un accouchement. Prenant en compte le « problème », j’ai allongé la parturiente sur un canapé du hall, et rapidement j’ai pris le réflexe d’un obstétricien. 15 mn plus tard, après m’être assuré que la présentation était bonne (un siège complet), j’ai pratiqué cet accouchement dans ce hall.

Le nouveau-né est alors arrivé (une fille), et nous nous sommes précipités avec les autres membres de la maison de retraite pour laver et chauffer le bébé. Nous l’avons pesé (3kg 2), et avons appelé le SAMU pour que la mère et l’enfant puissent être pris en charge dans le service de gynécologique.

Cet événement a été l’occasion de régler les comptes entre la belle-mère et sa bru. En fait, le mari de notre parturiente était depuis plus d’une année en mission à l’étranger et cette arrivée n’était pas du meilleur goût.

Bien entendu, j’ai dû affronter quelques problèmes, notamment celui de la déclaration de naissance dans le village ; difficile dans le cas d’une grossesse non désirée….. Mais là s’arrête mon histoire, car rien n’est plus beau que d’aider une patiente à accoucher ; le problème familial qui a découlé de cette affaire n’étant plus de mon ressort.

Comment ne pas rêver de pratiquer un accouchement en maison de retraite ; surtout dans une période où le taux de natalité est faible?"

 

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Pierre Frances, Médecin généraliste