Le Dr Kadoch et six autres chirurgiens plasticiens de Strasbourg viennent de tourner le dos à la sécurité sociale. A compter du 19 janvier prochain, ils seront déconventionnés. Une manière de montrer leur désaccord à la signature de l’avenant 8 sur la réglementation des dépassements d’honoraire. Vanessa Kadoch, instigatrice du mouvement, explique les raisons de sa décisions mais également les répercussions que cela va entraîner.
Comment avez-vous vécu la signature de l’avenant 8 en octobre dernier ?
Très mal, comme tous les membres de l’UFML (Union Française pour une médecine libre crée à la suite du mouvement des médecins ne sont pas des pigeons NDLR). Nous avons créé le mouvement des pigeons à la veille de la reprise des négociations de l’avenant 8 au mois d’octobre. Par la suite, nous avons lu le texte de l’avenant en pleine nuit, lors de la négociation, et nous avions bien compris que le plafond des dépassements n’allait pas être respecté par l’assurance maladie, que les sanctions seraient décidées par région, par spécialité, par acte… Tout cela, nous l’avions bien vu. Il fallait lire entre les lignes. Les syndicats signataires nous ont bien trompé et ont désinformé leurs adhérents. Ils ont signé sans avertir leurs mandants du contenu de l’avenant. Aujourd’hui, SML et CSMF sont en train de dire que la sécu ne respecte pas les termes de l’accord, mais c’est faux. Tout est bien écrit noir sur blanc. Nous en sommes atterrés.
Etes-vous à l’origine du mouvement Les médecins ne sont pas des pigeons ?
Le mouvement est parti de notre réseau mail de plasticiens. Nous communiquons ensemble constamment sur les nouvelles lois, les congrès… Un soir nous avons posté l’article des pigeons entrepreneurs et nous nous sommes dit, pourquoi ne pas créer, nous aussi, notre mouvement ! Une heure après Philippe Letertre a créé le groupe Facebook et tout est parti hyper rapidement.
Avenant 8, application d’un taux de TVA de 19,6% sur les actes de médecine et de chirurgie esthétique… Avez-vous le sentiment de recevoir plusieurs coups de massue ?
La TVA a été l’élément déclencheur. On pensait que le gouvernement allait nous écouter, temporiser et ne pas appliquer ça aussi sèchement. Le décret a été publié le 28 septembre à 18h pour une application le 1er octobre à 8h. Il faut savoir que nous avions des opérations programmées dont les devis étaient déjà établis. Cela faisait des grosses sommes.
Comment est née l’idée du déconventionnement ?
C’est un raz le bol complet, TVA plus avenant 8. Avec la TVA nous avions déjà le fisc sur le dos, qui avait commencé à nous appeler. Ensuite l’avenant 8 a été signé. Nous nous sommes dit, le moment est venu d’être libérés de la sécu. C’est une décision de rejet.
La décision a-t-elle été difficile à prendre ?
Bien sûr. Nous y avions réfléchi entre plasticiens de Strasbourg. Nous avions participé aux manifestations à Paris en espérant que l’avenant soit rejeté mais cela n’a pas été le cas. Nous nous somme dit que les sanctions allaient commencer à pleuvoir dès janvier, donc nous avons décidé de nous déconventionner tous ensemble.
Combien êtes-vous à avoir pris cette décision ?
Sur les 11 plasticiens de Strasbourg, nous sommes sept à nous être déconventionnés. Sur les quatre restants, un hésite encore, le deuxième sera à la retraite dans quelques mois et nous n’avons pas de contacts avec les deux derniers.
Une de nos consœurs de Colmar est déconventionnée depuis un an. Nous lui avons demandé conseils. Nous nous sommes renseignés sur les tarifs des remboursements de consultation, de séjours en clinique.
Quels types d’actes faites-vous et quelles répercussions votre déconventionnement va entraîner ?
Je fais 50% de chirurgie esthétique et 50% de chirurgie réparatrice. Les actes de chirurgie, tout comme les séjours qui sont remboursés le restent. La clinique est conventionnée, elle perçoit donc le GHS (Groupe homogène de séjour). Les honoraires du chirurgien déconventionnés sont considérés comme un dépassement qui est indépendant de la clinique.
Les actes techniques que nous ferons au cabinet comme les traitements des grains de beauté, les lipomes, ne seront plus remboursés qu’à hauteur de 16% par l’assurance maladie contre 70% précédemment. Les mutuelles pourront intervenir ensuite pour compléter.
Quant à nos honoraires, ils vont rester les mêmes. Nous n’augmenterons pas nos tarifs, mais la sécurité sociale ne remboursera qu’un euro. Certaines mutuelles pourront éventuellement bloquer le remboursement des dépassements parce que nous sommes déconventionnés. La grosse différence entre chirurgien conventionné ou non conventionné se fait au niveau de la consultation. Or nous n’avons pas beaucoup de consultation. Un seul acte suffit avant l’opération. Le suivi est ensuite compris dans le devis. Nous faisons beaucoup d’actes gratuits.
Parlez-vous du déconventionnement avec votre patientèle ?
Oui bien sûr, depuis trois mois. Je le stipule aussi dans les courriers. Nous ferons également une affiche que nous mettrons en salle d’attente.
Comment réagissent-ils ?
Il est encore un peu tôt pour le savoir. Les patients qui font déjà le choix du privé pour la qualité du service ou par choix du chirurgien resteront. Ceux qui feront le choix du tarif iront à l’hôpital. De toute façon, à cause du secteur 2, nous étions déjà plus chers que l’hôpital.
Ce mouvement représente-t-il pour vous la solution ? Pensez-vous qu’il puisse prendre de l’ampleur dans la région ?
Je ne sais pas si on peut parler de solution. C’est très difficile de demander à d’autres chirurgiens de songer au déconventionnement. Nous avons la possibilité de faire des actes esthétiques, originellement non remboursés, ce qui n’est pas le cas de tout le monde. Ceux qui ne font que de la médecine risquent de perdre leur patientèle puisque les consultations sont beaucoup moins remboursées. On ne peut pas imposer le déconventionnement. En revanche, je constate que ça commence à venir, notamment en chirurgie plastique. Je reçois des mails tous les jours de collègues qui ont commencé à se déconventionner.
Ne craignez-vous pas que votre déconventionnement ait des conséquences sur le tourisme esthétique low cost ?
Ce tourisme existe déjà depuis quelque temps. Il s’est amplifié avec la TVA. Ce que je dis aux patients, c’est que finalement les tarifs sont plus ou moins équivalents. Pour le même prix, les prestations sont identiques, mais en France il n’y a pas l’hôtel. Je leur explique qu’à l’étranger ils n’auront pas de suivi post-opératoire. Nous voyons souvent des complications une fois le retour en France. Après, il n’est pas possible de comparer les tarifs marocains ou tunisiens avec ceux de la France. La qualité n’est pas la même, la sécurité non plus, la prise en charge pendant l’année n’est pas comprise…
Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Sandy Berrebi