Bras de fer entre la mairie de Laignes (21) et une association de recrutement de médecins étrangers. Les deux médecins roumains ne sont restés que quelques mois, mais l’agence réclame encore 26 000 euros d’impayés sur sa facture totale de 46 000 euros d’honoraires. La Mairie refuse de régler la facture.

 

46 000 euros pour le recrutement de deux médecins généralistes roumains, qui viendront s’installer à Laignes, en Côté d’Or : tel est le montant du contrat qui a été signé entre ARIME (Association  pour la recherche et l’installation de médecins européens) et le maire sortant (PS) de Laignes, en octobre 2007. On ne trouvait plus dans le  canton qu’un médecin proche de la retraite, alors qu’un autre venait de partir s’installer en ville (Dijon). Laignes a topé avec l’agence de recrutement. Pour son malheur.

 

Trois petits tours

Dans les faits, deux praticiens roumains, en couple dans la vraie vie, ont débarqué un beau matin au volant d’une vieille Fiat. La mairie a payé 20 000 euros aux recruteurs. Mais les deux toubibs n’ont fait que deux ou trois petits tours à Laignes. Constatant leur salle d’attente désespérément vide, elle d’abord, lui ensuite, s’en sont allés. Au total, l’épisode a duré environ  sept mois… Et cela fait cinq ans que la commune se bat en justice, car elle refuse de payer les 26 000 euros restant, plus les intérêts, qu’ARIME persiste à leur réclamer. En octobre dernier, un jugement devant la Cour administrative d’appel de Lyon vient de condamner Laignes à verser cette somme. Pas question ! "J’irai au bout, ça ne peut pas fonctionner comme ça !", assène, très énervé, le nouveau maire (UMP), Jean-Michel Antoni, en évoquant le Conseil d’Etat.

"Je me demande comment le conseil de l’Ordre des médecins a pu donner son autorisation d’exercer à l’homme du couple : il ne lâchait jamais sa cigarette, et manifestement, il ne comprenait rien de ce qu’on lui disait. On m’a dit que parfois, ce n’était pas le candidat au départ qui passait l’examen de langue, mais un autre médecin roumain qui parlait  mieux…", grommelle-t-il avec son accent du terroir. L’homme en a gros sur le cœur, car sa commune (850 habitants à Laignes, 3 300 sur le canton), n’est pas riche au point de jeter autant d’argent par les fenêtres. Il affirme que l’ancien maire a "forcé la main" du conseil municipal pour obtenir son feu vert à la signature du contrat. Contrairement à ce qu’un courrier de l’ancien édile laisse entendre, il n’y aurait pas eu d’appel d’offre pour  sélectionner l’association de recrutement la mieux-disante.  

Dans le mémoire déposé devant la Cour administrative d’appel de Lyon, succédant à un premier jugement qui lui avait été favorable (ARIME a fait appel), la commune affirme aujourd’hui que "les comptes-rendus du conseil municipal démontrent que  (…) l’ancien maire a cherché à favoriser l’association pour la recherche et l’installation de médecins européens (ARIME) dont il connaissant le président (…), et que les conseillers municipaux ont fait l’objet de pressions et ont reçu des informations erronées". Ainsi, il était convenu par contrat que les médecins roumains devaient maîtriser le Français et que les praticiens – possédant l’expérience de la médecine générale – s’engageaient à travailler pendant cinq ans. Et qu’enfin, après leur départ, la commune n’avait pas à acquitter la dernière facture correspondant à des frais d’installation.

 

Miracle

Mais telle n’a pas été la lecture du tribunal. Celui-ci considère que l’engagement d’exercice durant cinq ans aurait du faire l’objet d’un contrat spécifique et qu’ARIME ne pouvait être tenu pour responsable du départ des deux praticiens. Pour ajouter au malaise, il convient de signaler que le couple a bénéficié d’un logement rénové et gratuit, tandis qu’un local professionnel était mis à leur disposition par un particulier. "Mais personne ne voulait aller les voir, surtout lui, on voyait bien qu’il comprenait rien quand on lui parlait, même avec des mots basiques. Mis à part un ou deux patients en CMU, il a jamais soigné personne. Un jour, la femme est intervenue en urgence sur un accident : la patiente est morte ! Ca nous a tous refroidi…"

Le maire n’en démord pas : l’agence aurait dû leur présenter plusieurs candidats. "Pour 46 000 euros, on aurait pu au moins avoir le choix, et des associations, et des médecins. Le tarif demandé est exorbitant ", laisse-t-il entendre, plein de sous-entendus. Interrogé par Egora.fr, ARIME n’a pas donné suite à notre appel.

Aujourd’hui ? Mis à part la menace qui plane, le Laignes médical revit. Le médecin généraliste qui était parti en ville est revenu. "On a été le rechercher. Après quatre ans, il était content de revenir ici". Et puis, miracle, une jeune consoeur native du canton a choisi de planter sa plaque dans sa ville natale après avoir fait ses études à la Fac de Dijon. "Elle a été rapidement débordée, et moi, je suis sacrément content d’avoir deux médecins français sur la commune, reconnaît le maire. Avec les roumains, la greffe n’a pas pris du tout".

 

 

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Catherine Le Borgne