La proposition de loi du Parti socialiste N° 296 (dite PPL Leroux) permettant aux mutuelles, comme peuvent déjà le faire les assurances privées santé, de proposer des remboursements différentiés aux patients selon qu’ils consultent ou pas un professionnel ou un établissement de santé accrédité par le réseau de santé, est examinée depuis le 28 novembre à l’Assemblée nationale, après une intense mobilisation.

Cette tentative de "privatisation” du système de soins par les organismes de protection complémentaires en premier lieu desquels figurent les mutuelles, en catimini, sans débat, a mis la profession à feu et à sang. Les opposants à cet accord se sont tous retrouvés dans une lutte acharnée contre l’appétit des mutuelles suspectées de vouloir mater les médecins en négociant leurs tarifs à la baisse, leur imposer un cahier des charges qui n’a d’autre finalité que de faire baisser le coût des soins, privilégier leurs adhérents en leur proposant un bonus de remboursement, bref, briser le libre choix en imposant leur loi. La finalité économique semble évidente  même si l’argument mis en avant par les mutuelles est celui de la réduction du reste à charge du patient, facteur de renoncement aux soins. Autre élément qui a contribué à souffler sur les braises : l’opacité des comptes. Lors du Congrès de la Mutualité à Nice, Marisol Touraine a accordé un an de délai supplémentaire aux mutuelles, pour satisfaire à l’obligation de publier dès 2013, leurs frais de gestion. Une obligation qui leur avait été imposée par Xavier Bertrand, au plus fort du conflit autour du secteur optionnel. Or, les frais de gestion des mutuelles, frais de prospection et de publicité obligent, dépassent les 20 %, comme ceux des assurances privées…

A l’issue de leur troisième manifestation parisienne, le 20 novembre dernier, les internes de l’Isnih et les chefs de cliniques de l’Isncca ont été reçus par Marisol Touraine. Après plusieurs heures de discussions avec les membres de son cabinet, ils en sont repartis avec la promesse qu’un amendement serait déposé par Catherine Lemorton, la présidente de la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, excluant des soins médicaux, des remboursements différentiés des réseaux de santé mutualistes. Plusieurs amendements ont en fait été déposés par la commission, qui introduisent une clause de sauvegarde de la liberté de choix du patient, en élargissant son application à tous les organismes complémentaires, mutuelles, assureurs ou instituts de prévoyance. En outre, les honoraires médicaux seront exclus du champ de la contractualisation. La CSMF, signataire de l’avenant N° 8 et très opposée à la main mise de la Mutualité dans le système de santé, s’est immédiatement félicitée de ces garanties apportées par la commission, tout en continuant de considérer que cette proposition de loi reste “dangereuse et inacceptable”. La CSMF souhaite que les contrats et les conventions des complémentaires santé fassent l’objet d’une négociation nationale avec les syndicats représentatifs, avant d’être proposés à l’adhésion individuelle des praticiens.

Maisla Mutualité n’est pas contente du tout et elle demande aux parlementaires de ne pas entraver la “liberté conventionnelle (avec les professions de santé. Ndlr) et ce dans l’intérêt de tous”. Dans un communiqué diffusé après avoir pris connaissance des différents amendements déposés supprimant notamment la possibilité de différentiation de remboursement pour les soins médicaux, elle repousse le texte tel qu’il a été adopté par la commission des Affaires sociales. « La Mutualité française ne peut accepter de limitation à la liberté contractuelle seule de nature à faciliter l’accès des Français à des soins de qualité à un cout maîtrisé » informe-t-elle en s’inquiétant de “l’instrumentalisation du débat”. Elle se veut au contraire rassurante sur ses intentions : “il ne s’agit pas d’aller à l’encontre du système conventionnel (….) ou de le perturber, mais de le renforcer notamment dans les secteurs où l’assurance maladie obligatoire n’intervient plus à un niveau suffisant”, précise-t-elle en ajoutant qu’elle soutiendra “tous les dispositifs renforçant l’information et l’évaluation”.