Offensive de charme pour la ministre de la Santé, qui s’est exprimée longuement ce week-end sur les déserts médicaux et la liberté d’installation, qu’elle veut préserver, lors du Grand rendez-vous Europe 1/i-télé/le Parisien et Aujourd’hui en France… Dimanche, elle a annoncé “un plan global et cohérent de lutte contre les déserts médicaux” début 2013, basé sur une concertation prochaine avec les syndicats médicaux. Elle a par ailleurs annoncé la mise en place d’un “guichet unique” pour faciliter l’installation des praticiens. L’une des idées phare des Egos (états généraux de l’offre de soins), initiés par … Roselyne Bachelot il y a trois ans, pour être mise en place dans la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST).

 

Marisol Touraine veut calmer le jeu alors que la révolte gronde dans les hôpitaux publics et privés et qu’internes et libéraux ont à peine le temps de remiser leurs banderoles entre deux manifestations contre l’avenant N° 8 à la convention (la prochaine a lieu aujourd’hui mardi devant le ministère de la Santé) et la privatisation de la santé par les mutuelles. Jusqu’ici, l’ex élue d’Indre et Loire n’a rien lâché sur ce bon accord, signé par une majorité de syndicats médicaux”.

 

Feu de bois

Après avoir joué le rôle de “Marisol intime” dans le dernier Paris Match – la ministre travaillant assise par terre devant son feu de bois, la ministre en jean, cuisinant une choucroute avec les membres de son cabinet, la ministre petite fille avec sa mère, son grand père, etc… La voici dans le rôle de la ministre qui soigne les déserts médicaux en préservant la liberté d’installation. “Je suis persuadée que la coercition peut-être contre-productive”, répète-t-elle.

Il n’empêche, l’avenant N° 8 à la convention prévoit bien l’élaboration d’une cartographie de l’accès aux soins en secteur 1 pour la médecine spécialisée. Pour quel usage ? L’annonce de ce plan global contre la désertification médicale n’est pas une surprise puisque l’une de ses dispositions est en cours de débat dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (Plfss) 2013, qui crée les praticiens territoriaux de médecine générale. Les contours de ce futur praticien territorial ne sont donc pas tout à fait consolidés puisque le Sénat a rejeté le Plfss, et qu’une commission mixte paritaire va se réunir dès aujourd’hui pour tenter d’élaborer une version du budget de la Sécu susceptible d’être votée en termes identiques par les deux assemblées. Mais on commence à entrevoir son allure générale.

Il s’agirait donc d’un médecin généraliste de plein exercice, jamais inscrit à l’Ordre en tant que médecin libéral installé (il peut donc être remplaçant), qui pourrait passer un contrat de praticien territorial de médecine générale avec l’Agence régionale de santé. Ce contrat – un modèle type sera définit par un décret en Conseil d’Etat – lui ouvrirait le droit à une rémunération complémentaire aux revenus de ses activités de soins, exercéesexclusivement en secteur 1. Ce praticien s’engagerait à exercer la médecine générale pendant une durée fixée par le contrat, dans une zone définie par l’Agence régionale de santé et caractérisée par une offre médicale insuffisante ou des difficultés dans l’accès aux soins.

 

Engagements individualisés

Le Plfss prévoit la création de 200 postes de praticiens territoriaux de médecine générale, ouverts à de jeunes médecins prenant le relais de généralistes prenant leur retraite à court terme. Il envisage ainsi 100 postes au 1er mai et 100 postes au 1er novembre, pour un coût de 4,5 millions d’euros en 2013 et 10,8 millions à partir de 2014 (année pleine).

Selon le projet de budget, le contrat prévoit “des engagements individualisés qui peuvent porter sur les modalités d’exercice, la prescription, des actions d’amélioration des pratiques, des actions de dépistage, de prévention et d’éducation à la santé, des actions destinées à favoriser la continuité de la coordination des soins, la permanence des soins ainsi que sur des actions de collaboration auprès d’autres médecins”.

Un autre décret en conseil d’Etat définira les critères d’insuffisance d’offre médicale et de difficultés d’accès aux soins permettant de définir les zones géographiques ou un tel contrat peut être conclu. Il fixera également les modalités de calcul de la rémunération complémentaire, dans la limite d’un plafond. C’est sans doute ce que Marisol Touraine nomme “une garantie de revenus pendant deux ans”.

Le texte précise par ailleurs que les ARS pourront souscrire des contrats types de médecine ambulatoire avec des médecins spécialistes salariés d’hôpitaux publics ou privés, de centres de santé ou de centres mutualistes. Une convention tripartite – ARS, structure d’origine et structure d’accueil du praticien – détaillera ensuite le cahier des charges de cette collaboration.

 

Envolées

“Attention, danger pour la médecine libérale !” s’est élevé le Syndicat de médecins libéraux (SML) en découvrant les contours de cette nouvelle race de médecins salariés par les territoires. Selon ce texte, souligne le Dr Jeambrun, le président du syndicat, les centres de santé en difficulté financière, dès lors qu’ils sont légitimés comme une solution démographique, “pourront être aidés financièrement”. Les libéraux verront donc autour d’eux “s’installer à leur porte une concurrence publique sans pouvoir rien y faire”. Au risque d’assécher plus encore la réponse libérale alentour, redoute le syndicat.

Enfin, le SML craint qu’à travers cet article de loi, les mutuelles puissent devenir prestataires de soins ambulatoires, “comme les grands groupes privés qui vont créer leur réseau”. Retour donc au point de départ de la grogne des internes, des chefs de cliniques, du BLOC, de la FMF et de la toute nouvelle Union française pour une médecine libre (UFML) rejointe par la CSMF. Tous se préparent à contrer la proposition de loi sur les réseaux de soins de la mutualité, présentée ce mercredi en 1ère lecture à la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, et examinée en séance publique le 28 novembre prochain.

“Le cabinet de Marisol Touraine affirme que la liberté de choix du patient est le corollaire de la liberté d’installation du médecin, mais dans le même temps, cette proposition de loi (dite Le Roux Ndlr), veut instaurer une filière mutualiste”, s’étranglent  FMF et UFML dans un communiqué commun. Marisol Touraine a beau répéter que la liberté de choix sera préservée et qu’il n’y aura pas de réseaux fermés, il faut s’attendre à de belles envolées parlementaires dans l’hémicycle, le 28 novembre prochain…

 

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Catherine Le Borgne