70% de cliniques en grève, 82% en Ile-de-France ! La mobilisation a été historique, ce jeudi, pour le mouvement de grève initié contre l’avenant N° 8 réglementant le secteur 2.

Une trentaine de syndicats et organisations professionnelles avaient appelées à la mobilisation, soutenue par un buzz sans précédent sur les réseaux sociaux, à commencer par Facebook, initiateur du mouvement des “médecins ne sont pas des pigeons”. Une partie de ces praticiens s’est, depuis, constituée en une nouvelle Union française pour une médecine libre (UFML), présidée par le Dr Jérôme Marty, de Fronton (31), un généraliste.

Une grande manifestation parisienne, devant le ministère de la Santé, a comptabilisé près de 2 000 blouses blanches battant le pavé sous un crachin glacial. Des délégations d’une quinzaine de ville s’étaient déplacées à l’appel des internes et chefs de cliniques de l’Isnih et de l’Isncca. Quant aux chirurgiens, anesthésistes et obstétriciens du BLOC, qui appelaient leurs confrères à une grève illimitée, avec organisation de la permanence des soins vers l’hôpital public, ils étaient également très nombreux sur place. On indiquait à l’AP-HP que certains services avaient prévu de déprogrammer des activités, notamment des interventions chirurgicales. Les urgences seront assurées, rassurait-on, au besoin par la réquisition d’internes et de médecins grévistes. 

S’agissant des libéraux du BLOC, qui appelaient à la grève des soins, soutenus par les généralistes et spécialistes de la FMF, ils ont été très suivis. Selon les pointages du département MCO (Médecine, chirurgie, obstétrique) de la Fédération de l’hospitalisation privée (HFP, 600 établissements), jusqu’à 82 % de blocs opératoires ont fermé en Ile de France. "Beaucoup de nos établissements sont impactés par ce mouvement de cessation d’activité des praticiens libéraux. De très nombreux blocs opératoires sont complètement à l’arrêt. Nous assurons la continuité des soins. La prise en charge des urgences est assurée là où c’est possible", a indiqué Lamine Gharbi, président de la FHP-MCO. Après l’Ile-de-France, le Rhône-Alpes comptait  60% des établissements fortement (60%) ou faiblement (40%) touchés. Viennent ensuite la région Normandie (63% fortement touchés et 37% faiblement) et le Languedoc-Roussillon (40% fortement touchés et 60% faiblement).

"Dans les trois ans qui viennent, le système va arrêter la pratique de la chirurgie libérale" si l’accord s’applique, a estimé sur Europe 1 Philippe Cuq, coprésident du Bloc. 

"C’est un bon accord", a réaffirmé de son côté la ministre de la Santé Marisol Touraine. Elle s’est dite prête à "regarder comment peser sur les assurances que contractent les chirurgiens", "de plus en plus chères", même si il y a "peu de procès, beaucoup moins que ce que l’on imagine", selon elle. 

A 16h30, la ministre a accepté de recevoir avec son cabinet une délégation d’internes et chefs de cliniques pour une discussion qui s’est poursuivie durant plus d’une heure et demi. Isnih et Ishcca mettent en avant les conditions de travail à l’hôpital où les internes représentent une "main-d’oeuvre corvéable et bon marché pour faire tourner les hôpitaux". Ils exigent par ailleurs la garantie de la liberté d’installation, car ils redoutent que l’avenant N°8 porte en germe le filtrage de l’installation en secteur à honoraires libres. Dans Le Parisien, ce matin, Marisol Touraine avait pourtant répété que l’accord ne mettait pas en question cette liberté, elle-même étant persuadée du caractère contre productif de la coercition. Quant au CISS, un collectif de patients, il a jugé que la grève ne se faisait pas dans l’intérêt des usagers mais dans celui de "certaines catégories"

Enfin, l’hôpital public représenté par la FHF a fait entendre un son de cloche bien différent, en attirant l’attention des pouvoirs publics sur les conséquences du mouvement de grève annoncé.

“A rebours des postures et des discours tenus par les défenseurs des cliniques privées, ce sont bien les hôpitaux publics qui assument seuls une réelle permanence des soins pour tous les patients, dans le respect de l’égal accès de tous à des soins de qualité” affirme la FHF dans un communiqué. Elle demande à Marisol Touraine de s’assurer que cette prise en charge soit bien assurée, “y compris en demandant si nécessaire aux Préfets de prendre les réquisitions nécessaires vis-à-vis des praticiens des cliniques”.

En outre, la FHF voudrait  que le financement de la mission de permanence des soins assurée par les hôpitaux publics soit “augmenté, par réduction des enveloppes affectées aux établissements privés qui s’exonèrent dans les faits de toute responsabilité dans la permanence des soins”. La guerre public-privé fait rage…

 

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Catherine Le Borgne