C’est une promesse de François Hollande : chaque Français doit se trouver à moins de 30 minutes d’un service d’urgence. Bien noté. Mais en attendant, des dysfonctionnements liés à la démographie médicale ou aux réformes drastiques pilotées par les agences régionales de santé (ARS) sèment le trouble parmi la population.

 

Gros remue-ménage dans les urgences. Un exemple ? Depuis le début des vacances de la Toussaint, SOS-médecins Cher est en grève partielle. L’association d’une dizaine de praticiens refuse de répondre aux sollicitations du centre 15 ou des médecins traitants et n’assure plus que certaines gardes… Jusqu’au dimanche 11 novembre, la fin des vacances de la Toussaint, SOS Médecins a décidé de n’effectuer que les consultations et les visites provenant directement des patients. Et n’assure plus la permanence des soins ambulatoire durant les week-end et jours fériés, alors que l’association était parfois seule pour assumer cette tâche dans certains endroits, puisque le département souffre de pénurie médicale.

 

Contrôle individuel

Alors que la ministre de la Santé Marisol Touraine répète à qui veut l’entendre qu’elle concrétisera dès l’an prochain la promesse du candidat Hollande de mettre chaque citoyen à moins de 30 minutes d’un service d’urgences – le plan spécifique, articulé autour de correspondants du Samu, a déjà été dévoilé devant les médias – voilà que certaines crises révèlent l’importance des dysfonctionnements locaux. Souvent liés à la pénurie démographique.

Dans le Cher, c’est au sujet de la cotation des visites d’urgences que le conflit oppose SOS à la CPAM 18. La caisse primaire refuse d’appliquer la majoration d’urgence (MU) de 22,60 euros aux visites effectuées par SOS, rappelant que cette majoration très spécifique ne s’applique que dans un cas précis : lorsqu’un médecin généraliste, appelé par le 15 par un parent ou par le témoin d’un accident par exemple, quitte sa consultation libérale pour intervenir en urgence. Ce qui ne correspond pas au mode de fonctionnement de l’association spécialisée dans les visites. Cette majoration, "c’est une compensation liée à l’indisponibilité du médecin pour son cabinet", a expliqué dans Leberry.fr le Dr. Jean-François Blanc, directeur de la CPAM du Cher. "Il y a un abus de cotation. L’argent public a été utilisé de façon abusive. Nous récupérons donc le différentiel. Mon rôle est de pérenniser un système solidaire", a-t-il ajouté.

Se basant sur un contrôle individuel diligenté sur les praticiens de SOS s’étalant sur les années 2009-2012, déclenché à la suite de plainte de patients et d’interrogations des médecins traitants, la CPAM entend maintenant demander le remboursement des sommes liées à une “surfacturation abusive”.  Soit, selon les accusations de SOS dans la presse, jusqu’à 15 000 euros par praticien. Souvent moins : “les contrôles étant individuels, la CPAM ne peut communiquer sur ces informations confidentielles” explique à Egora.fr le Dr Jean-François Blanc. Sachez simplement que 10 praticiens sur 11 sont concernés par cette surfacturation, et qu’ils le sont de manière très variable, certains cotant MU de manière systématique, d’autres beaucoup plus rarement”. Il affirme que les praticiens de SOS ont appliqué en moyenne cette cotation 740 fois par an, quand les praticiens du Cher oscillent autour d’une moyenne d’une seule MU par an. Sollicité à plusieurs reprises par Egora.fr, le responsable de SOS Cher n’a jamais répondu à cette demande.  

 

Marchands de tapis

L’association s’est néanmoins insurgée dans la presse contre le fait que la caisse semble lui dénier la légitimité de faire des urgences, alors que la réalité de terrain, c’est la pénurie médicale et des visites qui ne pourraient pas être effectuées sans eux, faute de combattants.  

Face à cet argument, le directeur de la CPAM du Cher "refuse de discuter la règle et d’entrer dans une négociation de marchands de tapis. On ne profite pas d’une situation délicate au niveau de la démographie médicale pour exiger de la CPAM plus qu’elle ne doit verser", vient-il de déclarer. Il ajoute qu’il y a encore “beaucoup de médecins dans le Cher susceptibles de faire des visites”. Pour lui, “SOS s’isole au niveau départemental ; il se trompe. Ces urgentistes ont une pratique différente de ceux d’Orléans ou de Tour. Ils ne sont  suivis ni par les médecins traitants ni par l’Ordre ”…

Autres sujets de préoccupation pour les médecins et la population locale : la réorganisation de la PDSa à l’initiative des agences régionales de santé (ARS). Egora.fr a déjà eu l’occasion de se pencher sur le cas du Finistère, en bisbille avec son ARS Bretagne sur la réorganisation de la permanence de soins. Autre exemple : lundi matin 5 novembre, les auditeurs de France Inter ont été réveillés par l’annonce de la suppression de la PDSa de nuit profonde (minuit à 8 heures du matin) sur décision de l’ARS Picardie “sur les territoires où l’activité n’est pas significative”.

 

Coupes claires

Cette décision a été assortie de la suppression des consultations à domicile “au regard des contraintes que cela occasionne pour les médecins de garde”, a expliqué un porte parole de l’ARS dans la presse. Pour pallier ce manque, la PDSa se met en place tous les jours de 20h à 8h du matin, les dimanches et jours fériés de 8h à 20h, le samedi à partir de 12h, ainsi que lors des ponts créés par les jours fériés. Durant ces plages horaires, les médecins régulateurs du 15 orientent les malades vers la pharmacie de garde, le médecin de garde, les urgences ou prévient le SAMU. Une nouvelle organisation qui a jeté le trouble parmi la population.

Se faisant leur porte-parole, Jean-Christophe Loric, conseiller général (Nouveau Centre) du canton de Conty, s’est immédiatement élevé contre “une décision brutale, précipitée, qui met en danger une population vivant déjà dans un désert médical”. L’ARS affirme au contraire que l’égal accès aux soins est préservé pour toute la population picarde. Et que ce redécoupage améliorera les conditions de travail des médecins concernés, ce qui favoriserait le volontariat. Enfin, l’ARS rappelle qu’elle finance à hauteur de 4 670 000 euros la PDSa en 2012, une somme "en progression de 10% par rapport à 2009".

En réalité et dans les faits, les budgets de la Pdsa, aux mains des ARS depuis la loi Hôpital, patients, santé et territoires, sont presque partout en baisse, ce qui oblige à de sévères coupes claires et autres réorganisations.

 

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Catherine Le Borgne
Avec [France3.fr et Leberry.fr]