Le médecin généraliste est en première ligne pour repérer et prendre en charge cette pathologie qui pose de nombreuses difficultés.

 

La dépression masquée constitue une problématique importante pour le médecin généraliste. En effet, en l’absence de plainte d’emblée psychiatrique, son repérage, son diagnostic et sa prise en charge relève le plus souvent de l’omnipraticien, bien plus que du psychiatre. “Le médecin généraliste se situe en amont du problème alors que le psychiatrique agit en aval, ne voyant le malade que lorsqu’il est démasqué et volontaire pour effectuer une psychothérapie” indique le Dr Katell Mignotte (département de médecine générale, université Paris Diderot) qui présentait avec le Pr Max Budowski (département de médecine générale, université Paris Diderot) un atelier sur ce thème. Bien que cette forme particulière reprenne de nombreux aspects et signes diagnostiques de la dépression classique, force est de constater qu’elle n’est même pas reconnue dans le DSM IV qui fait pourtant référence en matière de critères diagnostiques des pathologies psychiatriques.

Le concept de dépression masquée est assez récent. Evoquée au début des années 50, ce terme apparait pour la première fois dans la littérature en 1969 dans l’ouvrage d’un psychiatre allemand, W. Walcher. Mais c’est en 1973, qu’on lui attribue une véritable définition, lors d’un colloque international. Ainsi, la dépression masquée est caractérisée par “un processus dépressif se manifestant en premier lieu sur le plan somatique, alors que les symptômes psychiques n’apparaissent qu’en arrière plan”.

 

Des liens étroits avec la douleur

Dans la pratique courante, ce sont surtout des troubles digestifs, cardiovasculaires, ou encore des douleurs diverses qui sont exprimés par le malade. Au plan psychique, l’inhibition, l’insomnie et la perte de l’intérêt en particulier sexuel contrastent avec l’absence de tristesse. “La tâche du médecin n’est pas simple car la frontière entre ces différents symptômes n’est pas évidente. Et il est important, bien entendu, de ne pas passer à coté d’un trouble vraiment somatique” rappellent le Pr Budowski. En conséquence le diagnostic de dépression masquée ne doit jamais être posé en première intention. Il est nécessaire ensuite d’interroger le patient sur son état psychologique : la fatigue est-elle due à un manque de sommeil ou à l’expression d’un désintérêt généralisé ? L’amaigrissement n’est-il pas plutôt lié à un manque d’appétit ? Ceci, pour éviter, entre autre inflation d’examens complémentaires inutiles et une escalade thérapeutique.

On observe, dans la littérature, une association forte et bien établie entre douleur et dépression. “Mais la question du lien de causalité entre ces deux entités est encore débattue” affirme le Dr Katell Mignotte. Ces liens sont cliniques, mais aussi psychologiques, biologiques, voire génétiques. Ainsi, douleur et dépression partagent des mécanismes communs de neurotransmission impliquant notamment noradrénaline et sérotonine, qui peuvent amener le patient à ressentir comme douloureux des stimuli liés au fonctionnement normal de son organisme. En outre, toute dépression s’accompagne de modifications cognitives et affectives qui peuvent conduire à une interprétation négative voire alarmiste des sensations corporelles, auxquelles s’ajoute un sentiment de culpabilité, qui peut être douloureux. Enfin, certaines données mettent en évidence une plus grande prévalence de troubles de l’humeur chez les ascendants des patients douloureux chroniques.

 

Patients rebelles

La prise en charge de la dépression masquée pose de nombreuses difficultés. Il s’agit en particulier de faire accepter au patient le diagnostic et de lui expliquer que ses symptômes proviennent d’une dépression et pas l’inverse, ce qui peut être mal pris par le malade qui conteste souvent le diagnostic.

La dépression masquée doit être traitée comme une dépression classique sur une durée de six mois. On utilisera volontiers en priorité des tricycliques qui ont une double indication antidépressive et élévatrice du seuil de la douleur. “Il faut cependant se méfier du risque suicidaire possible qui peut être majorée par le désir d’en finir avec ces douleurs qui résistent aux traitements” prévient le Dr Mignotte. Une psychothérapie cognitive et comportementale est souvent utile.

 

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Dr Marielle Ammouche