Plus de 30 000 inscrits sur la page Facebook : Les médecins ne sont pas de pigeons. Une progression hallucinante en l’espace de cinq jours, en pleine négociation sur la limitation du secteur 2. Le Dr Philippe Letertre, chirurgien plasticien, à l’origine de cette page revient sur son succès, mais aussi sur les réactions de Marisol Touraine ou de medias qui dénigrent le mouvement. Un mouvement qui, à en croire le praticien, ne devrait pas s’arrêter là.

 

 

Egora.fr : Comment est né le mouvement Les médecins ne sont pas des pigeons ?

Dr Philippe Letertre : Dimanche à 19h, j’ai ouvert un groupe sur Facebook. En tant que plasticien, je m’attendais à discuter avec quelques chirurgiens et plasticiens du secteur 2 et des modifications futures (hausse de la TVA ? Ndlr). Au bout de deux heures, il y avait déjà 2 500 personnes et tout de suite mon groupe a pris une autre dimension. Finalement ça s’est transformé en un forum des “médecins unis de France” à l’attention des externes, des internes, des chefs de clinique, des médecins de l’hôpital, de ceux du secteur privé, des médecins entrepreneurs et de toutes les corporations de médecins.

 

Quel bilan tirez-vous aujourd’hui de ce groupe ?

J’ai été surpris par cet afflux de demandes. Je me suis investi énormément les deux premières nuits à faire beaucoup d’acceptations de demandes. Là on est en train de s’organiser. En tant qu’administrateur, je ne pouvais plus y arriver tout seul. Faire 30 000 clics, c’est un peu fastidieux ! J’ai donc nommé des co-administrateurs. On va s’organiser avec un avocat. Il y a un ingénieur Facebook qui nous aménage cette page pour que se soit un peu moins la pagaille sur le forum. On essaie de mieux s’organiser mais on garde toujours la même philosophie. On ne se substitue pas à tous les syndicats mais la page est dédiée à tous les médecins.

 

Quels sont vos objectifs ?

L’objectif est de continuer à se structurer. Pour le moment je navigue à vue, ça bouge tellement. Il y a encore 48h, j’étais tout seul et là j’ai des co-administrateurs qui sont des médecins généralistes, des anesthésistes… On veut que tout le monde devienne responsable de chaque corporation et que cela permette de représenter tous les médecins. Ensuite,  on voudrait créer des forums de discussion dédié à chaque corporation. Si les médecins généralistes veulent discuter entre eux,  on le fera. Idem pour les autres spécialités. Ce qui est intéressant,  c’est de réaliser, au vu de toutes ces discussions,  le niveau de grogne générale des médecins. C’est ce qui me pousse à avancer. Si je ne l’avais pas senti, j’aurais laissé tomber. Là, on se rend compte que tous les médecins ont en commun, un raz le bol général. On a beaucoup fait parler de nous. Désormais, nous sommes obligés de continuer. Nous ne pouvons pas nous arrêter là.

 

En pleine négociations sur le secteur 2, n’avez-vous pas un objectif politique ? Espérez-vous influer sur les discussions ?

Bien sur que nous espérons influer. Chaque médecin  attentif à ces négociations a envie d’influer. Sur la page fan (créée après la page groupe), les internes préviennent de la journée de mobilisation du 17 octobre. C’est très bien. Cette page leur appartient autant qu’aux autres.

 

On vous accuse de gonfler les chiffres. Parmi les 27 000 inscrits, certains se seraient retrouvé sur le groupe sans le vouloir. D’autres ne seraient pas médecins, que répondez-vous ?

J’ai entendu parler de cela. Du coup en tant qu’administrateur, je n’ai pas pu compter et connaître l’identité des 30 000 membres, mais j’en ai pris 300 au hasard pour faire une statistique. En effet il y a des membres qui ont été invités, mais ça je pense que c’était surtout au départ. Sur les 300, j’ai compté entre 85 et 90% de personnes qui sont venues spontanément et autour de 85% de médecins.

 

Que pensez-vous de la réaction de Marisol Touraine qui a dit que ce mouvement n’était pas représentatif des médecins puisqu’il a été créé par un chirurgien plasticien ?

Oui bien sur qu’à la base c’est un chirurgien plasticien qui a créé la page. Mais comme je l’expliquais, ça a pris une autre dimension et cette page a été ouverte à tout le monde. Si ça avait était un généraliste ou un radiologue à la base, aurait-elle également dit que ça n’est pas représentatif ? Il y a toujours quelqu’un au départ.

 

Vous n’avez pas très bonne presse auprès des journalistes, Patrick Cohen sur France Inter vous a même comparé à des rapaces, que répondez-vous ?

On ne peut pas répondre à tout le monde. S’ils veulent avoir des précisions, on leur en donne. Cela nous fait réagir, mais ça ne nous effraie pas non plus. On continue d’avancer. Moi toute la journée, je suis occupé, le matin au bloc et l’après-midi en consultation. Les interviews que je fais je ne les ai même pas lues.

 

28 000 membres, est-ce que cela vous surprend ?

Je ne l’imaginais absolument pas. Je crois que j’ai touché un point sensible. Un médecin travaille énormément. Comment organiser une révolte ? Tandis que là sur Facebook, ils ont le temps d’apporter un clic à Les médecins ne sont pas des pigeons, ils peuvent dire ce qu’ils pensent.

 

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Sandy Berrebi