Avant dernière séance de négociation sur la régulation des dépassements d’honoraires avant la dead-line du 17 octobre. Les mutuelles ont fait des propositions, les caisses d’assurance maladie sont muettes. Et les syndicats redoutent le pire.

 

On tourne en rond”, s’énerve Michel Chassang, le président de la CSMF. “C’est un marché de dupe. Cette inertie coutera cher…”, prophétise Jean-Paul Hamon, son homologue de la FMF. “C’est surréaliste”, tacle Christian Jeambrun, du SML. Ambiance.

Il ne reste plus qu’une séance de négociations pour réguler les dépassements d’honoraires en secteur 2. Une séance avant que Marisol Touraine, en cas d’échec, ne se décide à remettre le dossier entre les mains des parlementaires. Et courre le risque de jeter les jeunes médecins dans la rue… Or il y a encore bien loin de la coupe aux lèvres. A commencer par le nerf de la guerre : l’effort que l’assurance maladie et les mutuelles seraient prêtes à accomplir pour bonifier le sort des médecins du premier secteur, non chiffré. Car l’analyse est consensuelle : la clef de la négociation sur le secteur à honoraires libres, c’est la viabilité du secteur conventionné strict.  

Cependant, l’UNOCAM qui regroupe les organismes de protection complémentaire, a donné ce jeudi, des précisions supplémentaires sur l’ouverture tarifaire en secteur 1 dont elle avait fait l’annonce la semaine dernière.  L’UNOCAM s’engage donc  à “prendre en charge des tarifs opposables revalorisés, de manière significative, progressive et plus que dans les proportions actuelles (le ticket modérateur. Ndlr), dans la mesure où les dépassements d’honoraires facturés sont diminués” et où les mutuelles et assurances “retrouvent des marges de manœuvres financières“. Lesquelles ont été entravées par les taxes ayant pesé sur le secteur sous le précédent gouvernement…. Marisol Touraine aurait déjà laissé entendre qu’elle n’était pas insensible à cet argument. Mais cette ouverture nécessite une modification de la loi.

"Est-ce bien raisonnable, à six jours de la dernière réunion de négociation ?” s’interroge le SML, qui signale au passage qu’un tel bouleversement de notre mode d’organisation sociale nécessite plusieurs mois de consultations, suivis d’un vote.

S’agissant de l’assurance maladie obligatoire, il n’y a toujours rien de concret sur la table à six jours de la fin des négociations. Les syndicats crient au “sur-place”, et accusent la CNAM de jouer la montre, alors qu’alentour les esprits s’échauffent : 28 000 médecins pigeons se sont inscrits sur Facebook pour manifester leur ras-le-bol. Un préavis de grève a été déposé par les internes et chefs de cliniques pour le 17 octobre prochain, le dernier jour des négociations.

Cette absence de visibilité est en tout cas vertement critiquée par les syndicats médicaux.

 

Où en est-on ?

Ce jeudi matin, la CNAM avait déposé sur les tables la synthèse des orientations qui se sont dégagées des précédentes séances de négociations.

On sait que deux options s’offrent aux médecins du secteur 2 ou exerçant avec DP (droit à dépassement permanent) : rester en honoraires libres ou souscrire au nouveau contrat d’accès aux soins.

 

Rester en honoraires libres :

La notion de “tact et mesure” disparait. Le praticien doit s’engager globalement, à modérer sa pratique tarifaire durant toute la durée de la convention, pour préserver l’accès aux soins.

Il doit également effectuer une part supplémentaire d’activité en secteur 1 strict  auprès des patients éligibles à la complémentaire santé (ACS), outre les actes d’urgence et les soins prodigués auprès des patients titulaires de la CMUc.

L’assurance maladie s’engage à informer les patients concernés et les médecins libéraux sur la situation de ces assurés. D’après le chiffrage de la DREES,  2,5 millions de personnes seraient concernées par un plafond ACS dépassant de 20 % celui de la CMU-C, 3,4 millions de personnes pour un dépassement de 26 %,  et 4 millions avec un passage à plafond CMU-C + 30 %.

Ces estimations ne concernent que la métropole.

 Parallèlement, l’UNOCAM s’engage à proposer à ces populations, un contrat de complémentaire santé attractif, ce qui est un effort.

Deuxième contrainte qui va peser sur les médecins en honoraires libres, ne pas se rendre coupable  de “pratiques tarifaires excessives”. Quid ?

Majax le magicien de la caisse nationale a fait disparaître le “tact et mesure” au profit de la notion conventionnelle de “pratiques tarifaires excessives”. Il fait donc disparaitre l’Ordre ,  qui ne décidera plus in fine des sanctions, lui laissant le champ libre” rumine Christian Jeambrun, le président du SML.

Cette notion de "pratiques tarifaires excessives" repose sur plusieurs critères :

. le rapport entre la somme des honoraires facturés aux assurés sociaux et la somme des tarifs opposables des soins délivrés par le médecin,

. le taux de croissance annuel du rapport ci-dessus,

. la fréquence des actes avec dépassements et la variabilité des honoraires pratiqués,

. le dépassement moyen annuel par patient.

L’appréciation tiendra compte de la fréquence des actes par patient, ainsi que du volume global de l’activité du professionnel de santé. Elle tiendra également compte de son niveau d’expertise et de compétence attestée par les titres et les travaux de recherche dont les résultats sont publiés dans des revues médicales nationales ou internationales et/ou reconnus par la profession.

Ils en veulent plus, les mutuelle en veulent plus, le gouvernement en veut plus. Mais ils ne nous disent pas comment ils vont s’y prendre pour pénaliser le secteur 2", confie Michel Chassang, qui s’attend à un coup bas. D’où l’inquiétude des internes et chefs de cliniques, engagés dans un mouvement de grève dès le 17 octobre, qui redoutent de subir des plafonnements de dépassements autoritaires ou des interdictions d’installation  dans les zones où les secteurs 2 sont majoritaires. Eux aussi s’inquiètent de ces absences de réponses de la Tutelle à leurs questions sur la liberté d’installation… Alors, ils mobilisent.

 

Que se passe-t-il si le praticien est reconnu coupable de pratiques tarifaires excessives ?

Une longue procédure est lancée, commençant par un avertissement, pouvant aboutir à une sanction conventionnelle, n’intervenant qu’après avis conforme de la commission paritaire régionale, qui aura à traiter du cas, et du conseil régional de l’Ordre (consulté pour avis seulement).

S’il n’y a pas de contestation, le directeur de la Cpam notifie la sanction. A savoir : suspension partielle ou définitive du droit à pratiquer des honoraires différents, voire déconventionnement.

En cas de contestation, après appel devant la commission paritaire nationale et avis du conseil national de l’Ordre, le directeur général de l’Uncam  (union national des caisses d’assurance maladie) décide in fine, de la sanction applicable au contrevenant. Le praticien sanctionné peut ensuite former un recours (non suspensif)  devant le tribunal administratif.

Pour l’UNOCAM, cette procédure  contre les pratiques tarifaires excessives est “insuffisante” pour atteindre à terme une convergence entre les secteurs d’exercice.

Elle exige un engagement des médecins du secteur 2 non contractant, à stabiliser leurs dépassements d’honoraires. Pour l’organisme “une observation de l’évolution des dépassements d’honoraires sera un des éléments d’évaluation de la réussite” du contrat d’accès aux soins.*

 

Choisir de souscrire au contrat d’accès aux soins.

C’est la grande nouveauté de la négociation.

Les praticiens en secteur 2 (ou les titulaires du DP) déjà installés ou s’installant pour la première fois peuvent choisir de souscrire à ce contrat, optionnel et révisable à son terme de trois ans (pour cette première édition). Son but est de rapprocher progressivement les tarifs pratiqués en  honoraires libres des tarifs opposables et d’autre part, permettre aux médecins ayant souscrit, de bénéficier du même tarif de remboursement sur leurs actes, que les médecins du premier secteur (ce qui n’est pas le cas aujourd’hui entre les secteurs 1 et 2). Ce qui pourrait se faire sur la durée du contrat, estiment les caisses.

 

Engagements du médecin :

En fonction d’un état de sa pratique tarifaire pour l’année 2012, comportant les tarifs pratiqués pour les principaux actes réalisés, la part d’actes en secteur 1 et le taux de dépassement constaté, le praticien s’engage à ne pas augmenter sa pratique tarifaire durant la validité du contrat. Son taux de dépassement autorisé est néanmoins plafonné. Les évolutions des tarifs de remboursement de ses actes donneront lieu à un avenant, qui comportera le taux de dépassement autorisé en tenant compte de ces évolutions.

Il s’engagera également à effectuer un certain pourcentage de son activité en secteur 1 strict, incluant les urgences, les actes auprès de patients titulaires de la CMUc ou les patients éligibles à l’ACS.

Pour les premières installations, le taux de dépassement autorisé sera fonction de la moyenne des taux constatés pour la même spécialité, et la même zone.

Les caisses prendront en charge partiellement le financement des cotisations sociales dues sur la part de l’activité pratiquée en tarifs opposables.

 

Cas de non respect

Lorsque le praticien ne respecte pas les engagements qu’il a souscrit, à l’issue de deux trimestres consécutifs, et après lettre d’avertissement envoyée par la caisse, cette dernière peut engager une procédure de résiliation.

De la même manière, le médecin peut-il engager une procédure de résiliation du contrat. Dans un cas comme dans l’autre, la caisse peut entamer une procédure de récupération du trop perçu en matière de cotisations sociales.

Une évaluation sera menée en parallèle tout au long de la validité de l’option.

 

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Catherine Le Borgne