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Secteur 2 : les internes et chefs de clinique votent la grève

La fin des négociations conventionnelles approche et le raz le bol des médecins se fait de plus en plus sentir. Après le rassemblement des praticiens sur la page Facebook Les médecins ne sont pas des pigeons, c’est au tour des internes et chefs de clinique de hausser le ton. L’inter Syndicat National des Internes des Hôpitaux(ISNIH) vient de voter un préavis de grève pour le 17 octobre prochain, date de l’ultime réunion de négociations sur la limitation des dépassements d’honoraires en secteur 2. Les Chefs de clinique (ISNCCA) ont également rejoint le mouvement.

 

Les internes ne sont pas quantité négligeable dans les négociations sur la régulation du secteur 2. Tel est le message que l’ISNIH a voulu faire passer en votant un préavis de grève pour le 17 octobre prochain. “On craint de ne pas être informé avant la négociation finale” explique Emmanuel Loeb, président du syndicat. Si les jeunes médecins ont le droit de s’assoir à la table des négociations, c’est avec le statut de simples observateurs, les négociations avec l’assurance maladie étant réservées aux médecins libéraux installés. Le directeur national de la CNAM a cependant tiré les leçons du précédent round de négociations conventionnelles où les jeunes praticiens invités par une partie des syndicats signataires avaient été rejetés par l’autre. Ce qui ne leur donne pas pour autant voix au chapitre. Car tout le monde sait que ce n’est pas dans les plénières que les problèmes se tranchent ou que les solutions se nouent, mais plutôt dans les couloirs ou en tête à tête…

 

Mobilisation nationale

“Les enjeux même des négociations sont discutés en amont. Résultat, les informations données lors des réunions sont beaucoup trop générales et très peu précises”déplore Emmanuel Loeb. Il regrette l’absence de réponses de la CNAM aux questions posées par son syndicat. Il a ainsi interpellé le directeur Frédéric Van Roekeghem sur la garantie de liberté d’installation, la baisse annoncée de la cotation des actes de certaines spécialités ou encore les mesures destinées à valoriser l’attractivité de l’exercice libéral. “Je n’ai eu aucune réponse” relève Emmanuel Loeb.

C’est cette absence de réactions qui a conduit le président de l’ISNIH à brandir une menace de  grève. “Si nous n’avons pas d’engagement écrit de la part de la ministre sur la liberté d’installation dans tous les secteurs, sur la liberté tarifaire et sur la revalorisation des tarifs opposables, nous serons obligés de mener cette journée de mobilisation nationale” avertit-il.

Sur sa page Facebook, le syndicat a déjà reçu près d’un millier de messages d’internes prêts à faire grève. Et cet appel à la mobilisation commence déjà à porter ses fruits. “Nous serons reçus aujourd’hui à 17h par Christophe Lannelongue, le conseiller du cabinet de Marisol Touraine en charge de l’exercice libéral. Notre objectif est d’avoir un engagement fort du ministère en faveur de l’exercice libéral et pour la liberté d’installation” indique Emmanuel Loeb.

 

Raz le bol

Les chefs de clinique (ISNCCA) n’ont pas tardé à rejoindre la mobilisation des internes. Une assemblée générale téléphonique s’est tenue hier soir. Les praticiens ont également décidé de déposer un préavis de grève pour le 17 octobre. En effet, ISNIH et ISNCCA travaillent en étroite collaboration. Julien Cabaton, le vice président entend protéger la liberté d’installation des futurs praticiens. Il redoute l’intention des pouvoirs publics de flécher l’installation des médecins en honoraires libres (comme le Parti socialiste en avait émis l’idée, avant la campagne présidentielle), pour réguler l’accès aux soins sur le territoire. Et donc interdire l’installation de jeunes médecins en secteur 2 dans les zones où ils sont déjà majoritaires ou hégémoniques. “Les jeunes n’ont pas à payer pour 20 ans d’inertie globale sur la question de la répartition démographique ” tempête le chef de clinique pour qui le “raz le bol est global”.

Les internes sont nombreux à ne pas prendre leurs repos de sécurité, le gouvernement lance plein de mauvais signaux qui ne donnent pas envie de choisir l’exercice libéral… On est en train de tuer le système de santé français”alerte Julien Cabaton qui s’inquiète de la mauvaise image des médecins dans l’esprit de nos concitoyens.

“Une récente enquête de la DREES (organisme dépendant des ministères de la Santé et des Affaires sociales, Ndlr) démontre que le reste à charge est faible pour les patients ayant de petits revenus et plus importants pour les plus riches, cela montre que notre système est solidaire. Et pourtant on tape sur les médecins considérés comme des mafieux,  à cause de 300 à 400 médecins en France qui ont des pratiques pourries”dénonce-t-il.

 

Position franche

La journée de grève du 17 octobre ne pourrait être qu’un coup de semonce. Tout dépendra de l’issue des négociations conventionnelles et  Julien Cabaton n’exclut pas un durcissement si les choses ne vont pas dans le sens souhaité par les internes et chefs de cliniques. Il sera également très vigilant sur le vote du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). En dehors du fait que le projet de budget de la Sécu cache toujours quelques mauvaises surprises pour le corps médical, Marisol Touraine n’avait-elle pas annoncé qu’elle n’hésiterait pas à prendre ses responsabilités et légiférer, dans le cadre du PLFSS, si les négociations conventionnelles n’aboutissaient pas à un mécanisme de régulation “réel et efficace” ?

ISNIH et ISNCCA ont donc décidé de faire front commun. Quid des futurs médecins généralistes ? Bien moins intéressés que les internes et chefs, par la régulation du secteur à honoraires libres auquel les médecins de famille n’ont plus accès depuis 1990, ils n’ont pas encore pris de décision.  “Un conseil d’administration est prévu les 19,20 et 21 octobre prochain. Nous prendrons alors une position franche” assure Emmanuel Bagourd, président du syndicat d’internes de médecine générale. En attendant, il rappelle que “l’objectif numéro un est la revalorisation du secteur 1.

 

Chemin tracé

Du côté des syndicats de médecins installés, on comprend l’inquiétude des jeunes. “Qu’ils se mobilisent et soient inquiets face au danger me parait naturel. Il appartient désormais aux caisses et au gouvernement de lever l’ambigüité quant à la liberté d’installation” souligne Michel Chassang, président de la CSMF. Il prévient “pour le moment je me concentre sur les négociations. Chaque chose en son temps. De toutes façons, il est hors de question que je signe un texte qui limite la liberté d’installation”.

Jean Marty, co-président du BlOC (praticiens à plateau technique lourd), constate que ce préavis de grève est “la manifestation d’une grande inquiétude”. “Rien n’a été dit pour rassurer les jeunes. Ils ont le sentiment que leur avenir est bloqué” ajoute-t-il. Le fait que les internes et chefs menacent de bloquer les hôpitaux fait peser une très lourde pression sur les négociateurs, à commencer par la CNAM. Sous les yeux  du ministère de la Santé.

Leurs ainés pourraient d’ailleurs suivre le chemin tracé. Une réunion de l’Union des chirurgiens de France (UCDF) se tiendra le 20 octobre prochain. Pour Jean Marty, elle pourrait “tout à fait aboutir à une grève”.

 

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Sandy Berrebi