Le chef des urgences de l’hôpital Saint-Louis, Pierre Taboulet, en poste depuis 1994, a envoyé sa lettre de démission à l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) pour protester contre le manque de moyens de son service. Il quitte la chefferie mais reste en poste au service des urgences. Après la forte médiatisation de cette démission, le Dr Taboulet a tenu à revenir sur ce les raisons de cette décision. Il lance un appel pour que l’hôpital public et les urgences soient mieux traités.

 

 

"Je n’ai pas démissionné brutalement, comme ma lettre pourrait le faire croire. J’avais informé ma direction fin juin, et préparé mon départ avec le directeur à cette date. J’ai estimé utile de rédiger une lettre testament au siège, pour décrire mon vécu, mon analyse globale du système et les évolutions auxquelles nous aurons à faire face. Je n’avais aucun autre moyen de communiquer avec le siège de l’AP-HP, puisque lui ne communique pas avec nous.

La situation à Saint-Louis est bien meilleure qu’ailleurs, et ce n’est pas devenu “impossible” de rester chef de service. C’est devenu “épuisant”. Je souhaite me replier sur davantage de clinique au sein du GH, grâce à ma formation (entretenue) de cardiologue. Mes collègues me soutiennent localement sur ce projet. Comme je l’ai dit précédemment : “L’hôpital est agréable, la direction, les médecins et les paramédicaux de grande qualité ; je n’ai pas de conflit au sein du pôle urgence et mon équipe est compétente et dévouée.”

Les médias ont utilisé ma lettre parfois pour ternir l’image de l’hôpital Saint-Louis et je le regrette.  Ma lettre testament se voulait être avant tout être un vecteur d’information du siège, un cri sur la misère des urgences en général et de la souffrance de ceux qui y travaillent. Le siège restant silencieux, j’ai donné mon courrier à Grimaldi et Granger au 10e jour.

Les moyens qui nous sont alloués à Saint-Louis correspondent à ceux des autres services d’urgences de l’AP-HP, et en général à ceux du service public en France. Ils sont hélas – comme partout – dans une enveloppe budgétaire contenue. Or il faut que ce service soit équipé comme chaque service de l’hôpital, comme chaque spécialité, comme chaque plateau technique… Avec le et les meilleurs.

On reste pantois quand on visite parfois certains services comme les grands brulés et les greffes de rein. On ne demande pas du lambris sur les murs. On  demande un respect plus grand pour nos malades (conditions d’attente, temps de passage, petit confort…) et une considération à la hauteur de notre mission. Cela passe encore et avant tout par des moyens humains supplémentaires, désolé de devoir le rappeler. Cela passe aussi par un état d’esprit : les urgences sont un sanctuaire. On ne prend pas les moyens humains quand ça ne va pas ailleurs, on ne supprime pas les lits d’aval indispensables en période de vacances, on attribue les moyens para-médicaux, sociaux, universitaires, logisticien, le matériel de qualité dont nous avons besoin.

On doit faire évoluer le système des gardes de 24 h voire de 15 h la nuit car on sait pertinemment que ces longues durées de travail posté sont “iatrogènes”.

Je démissionne car le travail pour faire évoluer les mentalités sera considérable. Convaincre les responsables qu’il nous faut davantage d’internes, de relation avec les maisons de santé et maison médicale de garde, de lits d’aval, de moyens universitaires, de surface pour travailler, une informatique performante et consensuelle, des conditions de travail attractives pour les soignants et médecins aux urgences, ce qui passe par une réduction des temps de travail et le paiement de leurs journées supplémentaires… et j’en passe…

Je m’en sens incapable. Il faut mieux traiter l’hôpital public et les urgences."

 

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Sandy Berrebi