La punition du secteur 1 !  Lors de la réunion conventionnelle de mercredi, destinée à réguler les dépassements d’honoraires, les caisses d’assurance maladie ont annoncé aux syndicats médicaux leur intention de sanctionner directement les médecins en honoraires libres qui pratiquent des dépassements “abusifs” par un retour partiel d’un ou de plusieurs mois en secteur 1.

 

L’interdiction de pratiquer des honoraires différents pendant une période indéterminée serait la première marche. Mais le praticien sanctionné ne trouvera probablement pas dans ce retour en premier secteur les avantages sociaux afférents, c’est-à-dire la prise en charge d’une fraction des cotisations sociales par les caisses.

 

Définition de l’abus

L’échelle de sanctions pourrait aller jusqu’au déconventionnement si le praticien ne change pas sa pratique. Dans le cas où un praticien exerçant en clinique privée est déconventionné, tous les actes pris en compte dans le Groupe homogène de séjour (tarification) ne seront plus remboursés par l’Assurance maladie à ses patients. Mais le praticien conserverait toujours le droit de prescrire et ses patients d’être remboursés de ces prescriptions.

Mais qu’est-ce qu’un dépassement "abusif" ?  Les caisses n’ont pas voulu s’aventurer sur ce terrain, tétanisées à l’idée de créer un effet d’aubaine par la définition d’ un seuil que les médecins (qui dépassent moins) seraient tentés d’atteindre sans risquer de sanctions. Les syndicats médicaux ne l’entendent pas de cette oreille et demandent au contraire une juste définition de l’abus. Car "on ne peut sanctionner un abus qu’à partir du moment où il est défini résume le Dr Jean Marty, du BLOC. Sinon, c’est à la tête du client. Insupportable !"

Et qui va sanctionner ? Les caisses ont abattu leurs cartes en dévoilant leur intention de faire de cette question un mécanisme conventionnel. Autrement dit, d’exclure l’Ordre des médecins de la surveillance du "tact et mesure", au motif que l’instance se serait montrée trop laxiste en la matière. Sur 250 dossiers transmis par la Caisse nationale d’assurance maladie à l’Ordre, 34 ont donné lieu à une saisine. Et il n’y aurait eu qu’une ou deux sanctions. "L’Ordre ne fait pas son boulot" auraient répété les représentants de la CNAM à de multiples reprises. Qu’en pensent alors les syndicalistes ?

 

Surveillance

"Nous sommes d’accord, ces sanctions peuvent rejoindre le giron conventionnel. Tout comme la PDS (permanence de soins), qui a quitté l’Ordre pour une autre tutelle" estime le Dr Claude Leicher, le président de MG France. La réaction a été toute différente du côté du SML. "Cela se fera sans nous. C’est la disparition programmée du secteur 2 ! Il n’est pas possible d’imaginer introduire un outil de surveillance des honoraires libres à l’intérieur de la convention" réagit le Dr Christian Jeambrun, le président du SML. "Nous accepterions à la rigueur qu’une commission paritaire nationale, après avoir examiné les dossiers, donne son avis au conseil de l’Ordre. Je suis scandalisé par le procès qui a été fait à l’Ordre en son absence" a-t-il ajouté. Cette position très tranchée laisse entrevoir, selon quelques observateurs, une ligne de fracture réelle, entre les caisses et les syndicats. Et surtout, entre les syndicats.

"C’est du n’importe quoi, le directeur serait souverain, ce sera  une réduction drastique du taux de tolérance des honoraires différents" s’insurge le Dr Michel Combier, le président de l’UNOF (médecins de famille de la Csmf). On n’a pas abordé les conditions d’exercice en secteur 2, rien n’est dit pour lutter contre la paupérisation en secteur 1. Pire, on le désigne comme un ghetto où on enferme les médecins…"

La CSMF évoque même la "monstruosité technocratique, comportant des critères opaques et incompréhensibles, dont la seule finalité consiste à livrer les médecins du secteur 2 à l’arbitraire des caisses dotés de pouvoirs absolus". Pour la centrale, les caisses commencent bien mal la discussion, en plaçant non pas un révolver sur la table, mais leur arsenal de sanctions…  "Cette négociation doit au contraire, permettre le rapprochement des secteurs 1 et 2, en proposant un mécanisme incitatif aux médecins du secteur 2 et en investissant sur la valeur des actes en tarif opposable", fait-elle savoir jeudi,  dans un communiqué.

Cette position est, de même teneur que celle défendue par LE BLOC, le syndicat qui regroupe anesthésistes, chirurgiens et obstétriciens exerçant avec un plateau technique lourd. "On ne peut imaginer créer un mécanisme de réduction des compléments d’honoraires, sans traiter parallèlement leurs causes, le blocage des tarifs et la paupérisation du secteur 1" défend le Dr Jean Marty, l’un des co-président du syndicat. "Il faut définir un tarif juste, voir comment on peut l’appliquer et qui peut l’appliquer". Pour lui, les caisse veulent volontairement maintenir le flou sur la définition du tact et mesure et les critères permettant de pratiquer des honoraires différents, "pour appliquer un jugement autoritaire, à la tête du client. Il est évident que l’on ne peut avaler ça !"

 

Commande gouvernementale

"La CNAM reconnaît donc officiellement que le secteur 1 est une punition. Les 70 % de médecins qui croupissent en secteur 1, qui n’attire plus les jeunes médecins, se sentiront moins seuls" grince Jean-Paul Hamon, le président de la FMF. Il lui semble que le directeur de la CNAM est "aux ordres. Il n’y a pas la moindre ouverture, c’est une commande gouvernementale."

Un autre constat a été partagé par tous : le silence des organismes de protection complémentaire durant cette première réunion, alors qu’ils remboursent  800 millions d’euros sur les 2,4 milliards représentés par les dépassements d’honoraires. "S’ils remboursent moins, ils pourraient injecter cet argent, sur le secteur 1" imagine le Dr. Claude Leicher. "Ils pourraient participer au remboursement des forfaits. Aujourd’hui, cela ne les concerne pas du tout", argumente Michel Combier. Tout le monde attend donc qu’assurances privées et mutuelles sortent du bois. 

Six autres réunions sont prévues jusqu’à la mi-octobre, pour parvenir un accord. A défaut, le Parlement sera saisi d’un projet de texte, dans le cadre prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale.

 

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : C.L B