Le compte à rebours est commencé pour la liberté des honoraires : l’Ordre ne serait plus garant du respect du “tact et mesure”, dévolu à la CNAM et son arsenal de sanctions. Sept rendez-vous sont prévus d’ici la mi-octobre pour répondre à la commande de la ministre de la Santé qui exige l’encadrement des dépassements d’honoraires “excessifs”. Et la modération de tous les autres dans le cadre d’un contrat de solildarité et accès aux soins.

 


Mercredi 5 septembre : Les partenaires conventionnels (Assurance maladie, syndicats médicaux et d’internes, organismes de protection complémentaires santé),  sont attendus à la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam), pour entamer la première séance du calendrier de rencontres arrêté à la fin juillet. Les dépassements ont représenté l’an passé, 2,4 milliards d’euros.  Or, on sait que les “450 gros dépasseurs” fréquemment dénoncés par les pouvoirs publics, les mutuelles ou les associations de patients se recrutent essentiellement parmi les PU-PH, à l’hôpital public. A noter que ce même mercredi, la Fédération hospitalière de France (FHF),  planchera avec les fédérations hospitalières et les représentants de CME (commission médicale d’établissements) sur le sujet, dans le cadre d’une réflexion sur le secteur privé à l’hôpital public.

On comprend donc aisément, vu l’enjeu,  que tous les syndicats médicaux libéraux, CSMF FMF, SML, LE BLOC et MG France, aient prévu de se réunir  chacun de leur côté pendant ce mois de septembre crucial, soit en séminaire de travail, soit en université d’été ou en comité directeur. Car Marisol Touraine, la ministre de la Santé, n’a pas caché son impatience : la solution à l’encadrement du secteur 2 doit être trouvée avant la fin de l’année. Le président de la République a fait cette promesse durant la campagne électorale. Elle sera tenue, assure la ministre, qui souhaite que les sanctions éventuelles pour les contrevenants soient infligées par les caisses, sans intervention de l’Ordre des médecins, chargé jusqu’ici du respect du “tact et mesure”, mais critiqué pour son laxisme en la matière.

L’enjeu est important pour la CNAM qui joue son leadership dans cette affaire puisqu’en cas d’échec des négociations, la balle reviendra à la représentation nationale, dans le cadre du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), débattu à… [ pagebreak ]

l’automne. “Tout le monde a peur du Parlement, confirme le Dr Michel Combier, le président de l’UNOF (médecins de famille de la CSMF), c’est l’avenir du dialogue conventionnel qui est en jeu”. Egalement en question, le maintien ou le remplacement de Frédéric Van Roekeghem, le père de la réforme de l’assurance maladie de 2004 mettant en place le parcours de soins autour du médecin traitant. Et qui dirige la CNAM depuis 2005….

Comment se présentent les forces en présence ? Aussi bien qu’on peut l’imaginer en période de disette budgétaire. Car Marisol Touraine, qui ne veut pas pénaliser le secteur conventionnel strict,  a d’emblée écarté une hypothèse qui souriait pourtant à tous, y compris au directeur de la Cnam, Frédéric Van Roekeghem : l’augmentation substantielle des tarifs du secteur 1. “Il faut veiller à rendre le secteur 1 attractif” a-t-il  déclaré à plusieurs reprises. Mais les caisses sont vides et les parties, priées de trouver sans doute par redéploiement, une solution qui ne coûte rien de plus au budget de la Sécu. Tant pour la CNAM que pour l’IGAS et l’IGF (Inspections générales des Affaires sociales et des Finances) il faudra en effet trouver au moins 2 milliards d’économies/an pour tenir sans dérapage l’Objectif national des dépenses d’assurance maladie fixé à 2,7 % de 2013 jusqu’en 2017. Parmi les économies envisagées par l’IGAS et l’IGF, l’hypothèse d’une baisse des tarifs des médecins radiologues (et de la biologie) est clairement posée. Voilà pour l’ambiance de la négociation où les médecins spécialistes font le dos rond.

 

Les principales propositions syndicales sont désormais connues  

MG France. Les généralistes n’étant qu’environ 15 % en secteur 2, essentiellement des MEP (médecins à exercice particulier), le syndicat n’est globalement concerné par les honoraires libres que dans la mesure où sa pratique non régulée entrave l’accès aux soins.

Il demandera néanmoins un investissement massif sur le secteur 1, une diversification des modes de rémunération adaptée au travail pluridisciplinaire et à l’ancienneté du praticien. Ce qui ne sourit pas vraiment aux jeunes générations.  

La CSMF, qui a fortement promu le secteur optionnel délaissé par le nouveau gouvernement, veut une remise à plat de la tarification en secteur 1, par le biais d’une nomenclature clinique et technique diversifiée (CCAM) qui permettrait de réunifier les secteurs 1 et 2. Le syndicat demande également une augmentation du plafond de remboursement de l’Assurance maladie, pour que la base de remboursement soit identique entre les actes facturés en secteur 1 et 2. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, un acte de secteur 2 étant pénalisé par une moindre base de remboursement.

On ne peut demander aux praticiens du secteur 2, de perdre leur liberté sans envisager de bonifier l’exercice en premier secteur” argumente le Dr Michel Combier, le patron de l’UNOF. Il fait aussi remarquer que dépasser deux ou trois fois le tarif avec un C à 23 euros, n’est pas comparable avec le même fait  appliqué à une pose de prothèse de hanche ou une opération de la cataracte. Il signale également que les mutuelles n’interviennent jamais dans le remboursement des forfaits, “alors qu’elles bénéficient des politiques de prévention ou de promotion de génériques mises en place. Il serait logique qu’elles participent”, lance-t-il.

La centrale veut une stricte égalité entre secteur libéral et secteur hospitalier et la mise en place de critères objectifs pour la définition d’un dépassement excessif ou abusif.

L’UMESPE, la branche spécialiste de la centrale, est radicale. Elle envisage le déconventionnement des praticiens dont les dépassements sont très excessifs (de 7 à 11 fois les tarifs) et voudrait, dans le cadre d’un “contrat de solidarité et accès aux soins” souhaité par Marisol Touraine pour limiter le reste à charge des patients, limiter à 100 % des tarifs conventionnés stricts les dépassements entièrement solvabilisés par les mutuelles, puis autoriser un dépassement de 30 % maximum ensuite.  Le praticien bénéficierait alors d’avantages restant à déterminer.

 

Mais lesdites mutuelles, qui ne voulaient déjà pas de feu le secteur optionnel, ne sont pas du tout d’accord avec ce schéma

Le SMLqui refuse tout encadrement arbitraire du secteur 2, plaide pour la mise en place d’un secteur IV dont la ressemblance avec le défunt secteur optionnel est évidente : 30 % d’actes en tarif opposable, avec prise en charge de la protection sociale par l’Assurance maladie. Puis dépassement limité à 70 % du tarif opposable pour la fraction restante.

A la FMF,l’idée serait d’imposer à tous les praticiens en honoraires libres, un quota (8 %) d’exercice en secteur 1 strict (urgences, CMU, AME), ces médecins  bénéficiant en contrepartie, sur cette fraction d’activité, d’une prise en charge de leur protection sociale par l’Assurance maladie. La possibilité d’user d’un coefficient multiplicateur sur les actes effectués en urgence leur serait également octroyée.

Notre proposition n’a pas été retenue”, regrette le Dr Jean-Paul Hamon, le président de la FMF.

Le BLOC (chirurgiens, obstétriciens et anesthésistes à plateau technique lourd), très concerné en revanche par les dépassements d’honoraires, s’était opposé au secteur optionnel jugé trop peu attractif  et avait cherché des solutions du côté des assurances privées. Il déclare aujourd’hui que la pratique des dépassements d’honoraires abusifs place “hors jeu des négociations sur le remboursement par l’Assurance maladie et les complémentaires” les praticiens qui en usent.

Le syndicat veut revaloriser les tarifs opposables, parfois bloqués depuis 30 ans pour les praticiens du bloc opératoire. La lutte contre les actes superflus pourrait permettre de réinjecter cet argent dans le secteur 1. Il veut aussi améliorer le remboursement des compléments d’honoraires : “Les praticiens s‘engagent sur un tarif plafond si en contrepartie les complémentaires santé s’engagent à rembourser un tarif plancher (…)  Les soins aux patients défavorisés, en situation précaire (CMU, AME…) et les soins en urgence se feront sans dépassements d’honoraires sur tout le territoire” imagine le BLOC.

 

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Catherine Le Borgne