Une bise à Claude Evin, le directeur de l’Agence régionale de santé d’Ile-de-France, par ailleurs ancien ministre PS des Affaires sociales, comme elle. Une franche poignée de main au Pr Pierre Carli, le chef du Samu de Paris et au Dr Patrick Pelloux, l’urgentiste médiatique que l’on ne présente plus… Marisol Touraine, la ministre de la Santé et des Affaires  sociales est venue hier après-midi, faire une visite au Samu de Paris, sis à l’hôpital Necker. Centré sur le centre de réception et de régulation des appels (CRRA) flambant neuf, ce déplacement  fut l’occasion pour la ministre de dresser le bilan de la canicule, qualifié de “satisfaisant”.

“Nous venons de traverser le plus fort épisode de chaleur depuis la canicule de 2003. Il fut de courte durée, mais très intense et je remercie tous les médecins hospitaliers et libéraux, tous  les personnels des maisons de retraite, les agents dont certains retraités qui se sont mobilisés pour que le plan soit rapidement mis en œuvre, avec une grande réactivité”, s’est-elle félicitée après avoir serré la main des régulateurs installés derrière leurs écrans. Un bémol toutefois : le danger de cette canicule, bien anticipé pour les personnes âgées et les bébés  grâce aux messages de prévention,  n’aurait pas été suffisamment mesuré par certaines entreprises, qui ont laissé des travailleurs du bâtiment courir un danger, “alors que cela n’était pas nécessairement adapté”. Un travail de sensibilisation est envisagé, en coordination avec les médecins du travail, à la faveur de l’évaluation finale de la canicule.

Dans l’attente d’un bilan consolidé, et des chiffres nationaux, le Samu de Paris produit un bilan en effet satisfaisant puisqu’on n’y a pas enregistré d’accroissement notable du nombre d’admissions, alors que les appels téléphoniques au 15 ont connu par rapport à la même période l’an passé, une augmentation de 150 %. La ministre a toutefois regretté que la pratique du certificat de décès électronique dans les hôpitaux, ne soit pas encore généralisée alors que le principe en avait été décidé au décours de la canicule de 2003.

Ce bilan "satisfaisant" signifie-t-il que tout va bien dans le monde des urgences et que les services ronronnent dans un fonctionnement optimal ? “A l’évidence, non”, a clairement indiqué la ministre. Dans l’état actuel des choses, a-t-elle également souligné, alors qu’on voit des patients sur des brancards attendre d’être pris en charge dans les couloirs, que les temps d’attente aux urgences de certains CHU sont exorbitants – et bien plus raisonnables dans d’autres –  le gouvernement serait bien en peine d’honorer la promesse du candidat Hollande, de mettre chaque Français à moins de 30 minutes d’un service d’urgence. De plus, “les gestionnaires des maisons de retraite se plaignent souvent de ne pas avoir de contacts suffisants avec les médecins (…)  Les urgences doivent être mieux connectées avec le reste du système de santé” a-t-elle insisté. Comment faire ?

“Je ne veux pas opposer la ville et l’hôpital, l’ambulatoire et les urgences hospitalières. Il faut une meilleure relation entre eux. Cela s’organise, sur l’échelle d’un territoire, dans un cadre de parcours de soins, en s’inspirant des travaux du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie” a confié Marisol Touraine. La ministre veut notamment s’assurer de la bonne prise en charge des patients et notamment des personnes âgées lorsqu’ils sortent des urgences (entre 15 et 20 % des patients vus aux urgences sont hospitalisés).

“Il faut réorganiser, afin de mieux prendre en compte les demandes de soins et les demandes sociales des Français. Cela concerne  l’hospitalisation publique, et tout le système de santé. Nous devons décider de l’évolution de notre système pour mieux travailler avec la ville, avec la médecine de proximité dans les territoires”. Jugeant que “c’est  le moment clef pour le faire, sous la menace d’une prochaine crise sanitaire” la ministre va installer, “dans les prochaines semaines” un groupe de travail réunissant tous les acteurs de l’urgence, chargé de faire des propositions de réorganisation d’ensemble du système. “C’est un défi”, a-t-elle ajouté.

Faut-il redouter le retour de la PDS obligatoire, comme le prônent certains ? Un peu trop tôt pour le savoir, le candidat Hollande étant resté muet sur le sujet. Mais de grandes manœuvres sont bel et bien annoncées.  Pour l’épauler dans ce grand chantier,  la ministre aura un allié très participatif, en la personne de Patrick Pelloux, dont la fibre de gauche n’est plus à démontrer. Tout comme sa critique itérative de la PDS en médecine libérale (ce qui lui a valu quelques ennuis du côté de l’Ordre des médecins).

“Nous venons de traverser cinq années de glaciation, a commenté le toubib-chroniqueur médias. Maintenant, le nouveau gouvernement nous propose de réfléchir avant d’agir. C’est une démarche intelligente, je dis “banco” ! Je pense que nous n’aurions pas pu affronter aujourd’hui une très grave crise sanitaire sans casse. Il faut moins de fermeture de lits à l’hôpital, surtout aux urgences. On pourra  trouver les financements nécessaires dans l’enveloppe que le gouvernement compte prélever pour les hôpitaux, sur les 10 milliards restant du grand emprunt. Cette méthode de travail me va”, a-t-il commenté.

Face à cette offensive hospitalo centriste, on attend maintenant avec impatience,  la voix de la médecine de proximité.

 

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Catherine Le Borgne