Le malaise est de plus en plus palpable dans les couloirs de l’hôpital psychiatrique Paul Guiraud de Villejuif. Et pour cause, l’établissement est en deuil. En l’espace d’un mois, une aide-soignante s’est suicidée dans son appartement de fonction et une cadre infirmière est morte des suites d’un AVC, survenu quelques heures après une convocation à la direction des ressources humaines. Bien qu’ils ne soient pas liés, ces décès mettent en lumière le trouble ambiant qui règne à l’hôpital. Certains soignants mettent en cause les pratiques managériales de la direction.
Deux décès en quelques semaines. L’hôpital psychiatrique Paul Guiraud, en deuil, a du mal à s’en remettre. Le 4 juillet dernier, une cadre supérieure de 57 ans s’est effondrée lors d’une réunion avec son chef de service et un autre responsable hiérarchique, victime d’un accident vasculaire cérébral (AVC). Pour Joël Volson, secrétaire du syndicat Sud-santé à Paul Guiraud, “certains éléments objectifs montrent que cette cadre, infirmière de formation, était dans une situation de stress au moment de sa mort”.

Extrêmement angoissée

En effet, la veille de son accident, la quinquagénaire, employée de l’hôpital depuis 29 ans, avait été convoquée par la DRH. “Elle avait appris cette convocation un mois avant le rendez-vous. Elle l’a vécu comme une tragédie, d’autant que la direction refusait de lui en donner les motifs” explique le syndicaliste avant de s’emporter : “Elle avait envoyé plusieurs mails à ses supérieurs pour connaître la raison de cet entretien, mais elle n’avait pas eu de réponse. C’est un véritable manque de respect. Elle qui voulait toujours bien faire son travail et qui ne comptait pas ses heures était extrêmement angoissée”.

Lors de la convocation,  l’infirmière est accusée de discrimination.  “Elle est sortie de cette réunion défaite. Elle a d’ailleurs envoyé plusieurs SMS dans la soirée à une de ses collègues, elle-même outrée face à une telle accusation” gronde le syndicaliste. “Lorsque son médecin chef a vu dans quel état elle était, le lendemain, il a voulu comprendre. C’est lors de ce deuxième entretien qu’elle s’est écroulée” soupire-t-il. Elle est morte des suites de son AVC, il y a une semaine.

Prudent, Joël Volson n’accuse pas l’hôpital d’être à l’origine du décès de sa collègue. Cependant, il est met en cause la politique managériale de l’hôpital qui selon lui engendre de la souffrance au travail. “Il y a un an, un audit avait été demandé sur l’état de son service. Le rapport a été rendu fin 2011, il n’a toujours pas été communiqué. La souffrance a été identifiée, mais elle n’a donné lieu à aucune mesure puisque le rapport est resté dans le tiroir de la direction” constate-t-il.

 
Surcroît d’activité

Dans un communiqué, le responsable syndical souligne également que “les médecins de l’établissement ont d’ailleurs récemment saisi les tutelles et notamment le directeur de l’agence Régionale de Santé pour dénoncer les effets désastreux de la politique locale suivie et solliciter son intervention.” Un expert médical a été nommé. Il va devoir trancher sur l’imputabilité de l’hôpital dans ce décès. Henri Poinsignon, directeur général de l’hôpital, qui n’a pas eu le temps de répondre  aux questions d’Egora.fr, confiait dans les colonnes du Parisien : “oui il y a un malaise. On a vécu beaucoup de changement en très peu de temps. J’ai conscience que les projets créent un surcroît d’activité”.

Un mois jour pour jour avant l’accident cérébral de la cadre supérieure, un autre drame s’est produit à l’hôpital. Une aide-soignante est retrouvée pendue dans le couloir de son appartement de fonction. Six mois plus tôt, elle avait été violement frappée par un patient. Après avoir été en arrêt de travail pendant plusieurs mois, elle a voulu reprendre son poste mais n’a pu le faire qu’en mi-temps thérapeutique. “Elle a très mal vécu cette décision” indique Joël Volson.

La violence envers les soignants est très présente au sein de l’hôpital Paul Guiraud. En 2011, 27% des accidents de travail étaient liés à des agressions de patients. Du côté de la direction, on souligne qu’en “psychiatrie, la gestion des risques est quotidienne”. Quelques mesures sont prises pour limiter les violences comme la formation des personnels “à mieux à gérer les patients”. Les soignants bénéficient aussi de la  protection individuelle des travailleurs (PTI). Il s’agit d’un appareil électronique que l’on peut déclencher en cas d’agression afin d’être repérable au sein de l’établissement. Un coup de pouce semble également donné au recrutement de personnel hospitalier. Une bonne chose car pour Joëlle Volson, le problème de la violence est lié à la baisse des effectifs. “Je suis en psychiatrie depuis plus de 30 ans. Certaines périodes ont été beaucoup plus facile à vivre car il y avait plus de personnel” constate-t-il.