Si les tests de virginité semblent être une pratique d’un autre temps, lors de la saison des mariages, les médecins français doivent faire face à ce type de demande. Une requête qu’ils sont nombreux à refuser pour objection de conscience. Certains chirurgiens proposent aux jeunes femmes d’avoir recours à l’hyménoplastie. Une opération qui permet à celles qui ont déjà eu des rapports sexuels de faire illusion lors de leur nuit de noces et d’éviter l’humiliation.

 

“Il y a quelques jours, une patiente de 23 ans est venue me demander un certificat de virginité en vue d’un mariage”. Pour la première fois de sa carrière, la généraliste Docfanny a dû répondre à cette demande. Surprise par la requête, elle a aussitôt demandé conseil à ses confrères présents sur le réseau social Twitter. A l’unanimité, ses “amis TwitDocs” lui ont conseillé de refuser. Ce qu’elle a fait pour “objection de conscience”.

 

Convictions

“Je lui ai dit que je ne m’en sentais pas capable. Sur le plan médical, faire un certificat de virginité n’a pas vraiment de valeur. L’hymen peut avoir été brisé pour de multiples raisons. Certaines femmes naissent même sans hymen. Je lui ai donc expliqué tout cela” témoigne la praticienne avant d’ajouter que “Dans ces situations on n’est plus totalement dans le médical, mais plutôt dans les convictions. Personnellement, cela me dérange et me choque. La question à se poser est jusqu’où respecter les convictions des patients ?”

Pour le président du collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF), le Pr Jacques Lansac, “le Conseil national de l’Ordre des médecins considère que, n’ayant aucune justification médicale et constituant une violation du respect de la personnalité et de l’intimité de la jeune femme (…), un tel examen ne relève pas du rôle du médecin. Celui-ci doit donc refuser la rédaction d’un tel certificat qui nous paraît contraire à la dignité de la femme. L’attitude qui consisterait à ne pas examiner la jeune femme et à certifier qu’elle est vierge, ou à certifier qu’elle est vierge alors qu’elle ne l’est pas est une faute, car le Code pénal (articles 441-7 et 441-8) sanctionne le “faux certificat” (c’est-à-dire celui qui atteste les faits médicaux dont le rédacteur sait qu’ils sont inexacts), même si le contenu du certificat ne procure aucun bénéfice à l’utilisateur.  Le Code de déontologie se montre très ferme sur les certificats dits de complaisance, car tout certificat médical doit être un document objectif (article 28).” En revanche, “la situation est tout autre lorsque l’examen est effectué à des fins médico-légales”.

 

Lapidée

Aucune religion n’oblige à prouver sa virginité avant le mariage. “C’est une coutume et non une nécessité. Ce n’est pas écrit dans le Coran” souligne Marie-Hélène Bayle, responsable de la formation continue à l’Institut d’études de l’Islam et des sociétés du monde musulman. Pour Pierre Lory, directeur d’études à l’Ecole pratique des hautes études et spécialiste de la pensée musulmane, “cette coutume est assez courante et n’a rien…

d’exceptionnel dans les pays ou dans les milieux musulmans. Pour conclure un mariage, la famille du marié demande un certificat de virginité à la future épouse. S’il s’avère que cette dernière a eu des relations sexuelles avant le mariage, c’est considéré comme un adultère. Dans certains pays musulmans, elle peut être flagellée, voire lapidée ”.

Il est bien entendu très rare que ces sanctions soient appliquées en France. En revanche, dans son cabinet, Docfanny constate que la virginité prend une place de plus en plus importante dans la vie des femmes. “La patiente venue me voir pour son certificat de virginité m’a expliqué vouloir le faire alors que personne ne le lui avait demandé. C’était important pour elle de le prouver. Je trouve qu’on assiste à… [ pagebreak ]

une sorte de retour en force du mythe de la virginité. J’ai énormément de patientes d’environ 25 ans qui n’ont jamais eu de rapports sexuels” déclare la jeune généraliste.

Pour celles qui ont déjà eu des rapports sexuels mais qui doivent faire face au poids des traditions, une opération chirurgicale leur permet d’éviter l’humiliation. Il s’agit de l’hyménoplastie. Le Dr Grégory Staub pratique ce type d’opération à l’Institut européen de chirurgie esthétique et plastique de Boulogne-Billancourt. Il constate une recrudescence des demandes lors de la saison des mariages. “Les mois de juin et juillet, il y a un peu plus de demandes. Nous pouvons faire 2 à 10 hyménoplasties par semaine. Le reste du temps, la demande est très irrégulière” note-t-il.

 

Nouveau départ

Lorsqu’elles arrivent à la clinique pour demander à se faire opérer, les jeunes femmes sont souvent “honteuses”. Elles n’ont qu’une “obsession” : “que ça saigne” lors de la nuit de noces. “Mon travail est de donner l’illusion que l’hymen vient juste d’être rompu, alors qu’on ne saigne pas forcement lorsque l’on perd sa virginité. Je referme donc l’orifice vaginal au maximum, pour que ça puisse saigner” explique le chirurgien. L’opération dure une vingtaine de minutes. Elle peut être pratiquée sous anesthésie locale ou générale pour un montant d’environ 2 000 euros. “Une fois l’intervention passée, elles veulent l’oublier” confie le Dr Staub. La plupart des patientes qui recourent à l’hyménoplastie sont des jeunes femmes qui souhaitent être vierges en vue de leur mariage. Cependant, certaines patientes décident de se faire opérer suite à un viol ou pour un nouveau départ après une relation difficile.

Pour les jeunes femmes qui ne pourraient débourser 2 000 euros pour retrouver leur virginité, d’autres méthodes existent pour obtenir la fameuse tache de sang sur le drap immaculé. En 2010, une société chinoise avait fait scandale en Egypte en commercialisant un hymen en plastique pour la somme de 26 dollars. Il s’agissait en fait d’une petite poche en plastique remplie d’un liquide rouge !