Les médecins l’admettent eux-mêmes, 30% de leurs actes sont injustifiés. C’est le résultat d’une étude TNS Sofres réalisée pour la Fédération hospitalière de France et publiée il y a quelques jours. Si les raisons principalement évoquées sont la demande des patients et la peur du risque judiciaire, il semblerait que la logique du paiement à l’acte ne soit pas étrangère à ce chiffre…


Plus d’un acte sur acte trois ne servirait à rien. C’est l’avis des généralistes. Interrogés par TNS Sofres du 27 avril au 4 mai 2012, ils considèrent que sur 100 actes, 68 seulement sont pleinement justifiés. Un chiffre qui pourrait sembler aberrant mais que le Dr Borée, célèbre généraliste bloggeur, trouve sous-estimé par rapport à la réalité. C’est également le cas de la bloggeuse Jaddo qui, à la vue des chiffres, postait sur Twitter : “ça me paraît bien optimiste”.

 

Au forfait

32% d’actes injustifiés, donc. Un taux qui n’étonne pas non plus le Dr Claude Bronner, président de l’Union généraliste (UG). “Sur le fond, c’est une évidence. Il faudrait revoir la rémunération des médecins. Pour avoir un salaire correct, nous sommes obligés de multiplier les actes” justifie-t-il avant d’ajouter que “beaucoup de patients qui demandent des conseils téléphoniques finissent en consultation. S’il y avait une rémunération au forfait, nous pourrions plus travailler par téléphone. Le problème, c’est qu’actuellement, cela ne rapporte rien” admet-il.


Même analyse pour Dr Claude Leicher, président du syndicat MG France. “Il y a une limite à la vertu. Les médecins généralistes sont ceux qui travaillent le plus et qui ont les rémunérations les plus basses. Les temps de consultation sont de plus en plus courts. Parfois, nous sommes obligés de traiter un même problème en deux temps. Nous pourrions organiser notre travail différemment, mais tant qu’il y a des consultations à l’acte, ce n’est pas possible” estime-t-il.

 

Savoir dire non

Si les deux syndicalistes se montrent honnêtes face au problème, les 803 médecins (dont 200 généralistes libéraux) interrogés par TNS Sofres sont moins francs du collier . A la question “D’après vous, pour quelles raisons certains actes médicaux sont réalisés alors qu’ils ne sont pas forcement justifiés ?” La réponse “incitations économiquesarrive en dernière position, avec seulement 19% des MG répondants. En revanche, 93% des praticiens en médecine générale indiquent répondre à la demande de leurs patients.

Dans son exercice quotidien, le Dr Borée constate que la pression des patients est minoritaire. Lorsque certains insistent, le généraliste essaie “de faire preuve de pédagogie pour les convaincre que certaines demandes n’ont pas d’intérêt”. En revanche, “lorsque c’est trop abusif, il faut savoir dire non, quitte à en venir au clashestime-t-il. Si sa patientèle est disciplinée, le généraliste qui exerce en zone touristique constate néanmoins que ce n’est pas le cas de tout le monde. “Je ne veux pas généraliser, mais les Parisiens sont vraiment différents des patients du reste de la France. Ils sont très mal soignés car ils sont dans une vraie logique consumériste. Ils sont suivis par douze spécialistes entre lesquels il n’y a aucune coordination” juge-t-il.

 

Pression

Pour le praticien, le nombre d’actes injustifiés s’explique aussi par le fait qu’en “faire un maximum permet de se couvrir”. C’est aussi l’explication donnée par 60 % des généralistes interrogés dans l’enquête. C’est également l’avis du Dr Leicher. “Environ 30 % des examens ont pour vocation de vérifier qu’il n’y a rien. Si la pression sur les médecins s’accentue et qu’ils se mettent à vraiment faire de la médecine défensive, les finances de la Sécurité sociale vont finir par s’effondrer” prédit-il. “Tant que le système de santé ne protégera pas les acteurs de premier recours, les médecins se protégeront eux-mêmes” ajoute-t-il.

Car si les médecins constatent qu’un acte sur trois est injustifié, un patient sur trois considère que sa consultation ne lui a servi à rien. En effet, un autre sondage TNS Sofres pour Mondial Assistance révèle que 28 % des patients sont déjà sortis de chez le médecin en se disant que c’était inutile. L’enquête montre aussi que 75% des patients attendent d’abord un conseil lors de leur consultation chez un praticien.

Alors que le sommet social vient de s’achever, médecins comme patients semblent avoir trouvé les solutions pour permettre à la Sécurité sociale de faire des économies. Reste aux pouvoirs publics de les entendre…

 

Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Sandy Berrebi