Direction et personnel de l’AP-HP ne semblent pas sur la même longueur d’onde. Alors que les premiers se félicitent de la non-suppression de postes cette année, les seconds déplorent des conditions de travail de plus en plus compliquées. Les comptes de l’Assistance publique étant déficitaires, la direction cherche de nouveaux modes d’organisation qui ne conviennent pas toujours aux soignants.
Dialogue de sourds au sein des hôpitaux parisiens de l’AP-HP. En mai dernier, des membres de la CGT envahissaient le siège de la direction pour dénoncer les suppressions de postes et le manque de dialogue social. Le malaise ne date pas d’hier. Olivier Cammas, aide soignant et responsable de l’USAP (Union syndicale CGT de l’Assistance publique des hôpitaux de Paris) déplore une moyenne d’environ 1 000 suppressions d’emplois par an sur les cinq dernières années. Le dernier document en date annonce que 3 326 emplois, dont 1 140 postes d’infirmières, devraient disparaître d’ici à 2016.
Dans les cartons
Pourtant, dans les colonnes du Monde, la direction récusait ces accusations, expliquant qu’il s’agissait de non renouvellement de postes, comme pour les départs à la retraite par exemple. Un avis contesté par le syndicaliste. “La logique de suppression des postes est bien là. Nous étions 90 000 au milieu des années 80, nous ne sommes plus que 70 000 aujourd’hui”. “Les instances dirigeantes elles mêmes ne nient pas les suppressions d’emploi” ajoute-t-il.
La direction ne conteste pas les suppressions de postes déjà survenues. En revanche, les choses devraient s’améliorer. “Nous avons décidé de construire le budget autrement. Il y aura donc cette année pas la moindre diminution de l’emploi” annonce Christian Poimboeuf, directeur des ressources-humaines de l’Assistance publique. L’objectif est même plutôt de recruter. L’AP-HP aurait besoin de 450 infirmiers supplémentaires. Il laisse pourtant entendre “qu’un plan stratégique d’ajustement de l’emploi” est dans les cartons, mais qu’il ne devrait pas toucher le personnel soignant. L’objectif de l’AP-HP étant qu’il n’y ait “pas de changement au chevet du malade”.
Pas de relève
Ce n’est pas ce que constatent les soignants. Gérard Jean-Noël, infirmier en dialyse et secrétaire général de la CGT à l’hôpital Ambroise Paré à Boulogne-Billancourt, pourrait raconter 1 000 histoires sur les conditions de travail au sein de son établissement. L’une des dernières en date concerne une jeune infirmière.
“Elle devait travailler de 13h à 21h. Ses supérieurs lui ont demandé de rester jusqu’à 7h le lendemain, parce qu’il n’y avait pas de relève. Ils lui ont mis la pression. Le problème, c’est que son enfant était à la crèche de l’hôpital. Comme elle fermait, on lui a déposé son bébé dans un lit de pédiatrie. Il y a passé la nuit puisqu’elle est restée travailler. Ses supérieurs l’avaient culpabilisée en lui disant que si elle partait alors qu’il n’y avait pas de relève, cela pouvait être considéré comme un abandon de poste. Cela aurait pu être dangereux pour les patients comme pour l’infirmière. Elle n’est pas une machine et ne peut pas travailler autant. Fatiguée, elle aurait pu se tromper. Elle aurait alors été la seule responsable de son erreur” déplore le syndicaliste.
Stress
Plus récemment encore, un nouveau responsable est arrivé dans le service dialyse de Gérard Jean-Noël. “Au lieu de faire deux séances de dialyse par jour, il a proposé d’en faire trois, mais avec les mêmes moyens, histoire de faire de l’activité en plus. C’est aberrant pour la sécurité des patients” s’indigne-t-il.
Mais c’est la seule marge de manœuvre de l’AP-HP. Christian Poimboeuf est réaliste. “Le contexte de contrainte économique va rester tel qu’il est, malgré un Ondam passé à 2,7%. Le seul levier possible est l’organisation. Il faut réussir à ajuster les choses au mieux, pour répondre aux besoins des patients” explique-t-il.
En attendant, c’est le personnel soignant qui en paye le prix. “Depuis deux ans, l’AP-HP réalise de plus en plus de plans sociaux ou de restructurations. Il y a des services qui ferment sans concertation avec le personnel” regrette Olivier Cammas. Encore une fois, c’est l’incompréhension du côté de la direction des ressources humaines qui estime “travailler en concertation avec les employés dans l’objectif de réduire au maximum le stress au travail”. Difficile de croire qu’ils travaillent tous à l’AP-HP…
Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Sandy Berrebi