Le 16 avril dernier, les professionnels de santé de la prison de Sequedin (Nord) ont exercé leur droit de retrait. Ils estimaient que leur sécurité n’était pas assurée. Depuis, les conditions se sont légèrement améliorées pour les infirmiers, mais pas pour les psychiatres et les psychologues qui n’ont toujours pas de bureaux disponibles pour exercer. Les consultations se font le plus souvent dans les couloirs ou dans la salle de pause.
"Notre sécurité et l’accès aux soins pour les détenus sont complètement indignes." Elisabeth Schaeffer, psychologue à la maison d’arrêt de Sequedin dans le Nord, est révoltée. Comme tout le personnel de santé de la prison, elle a exercé son droit de retrait le 16 avril dernier. Ce jour là, tous les soignants se sont rassemblés devant la prison. "Lorsque nous avons décidé d’exercer notre droit de retrait, nous avons beaucoup hésité, car nous en connaissions les conséquences, notamment pour la centaine de détenus sous méthadone. Mais nous n’avions que cette solution pour réveiller l’administration sur notre insécurité” explique Franck Leplus, secrétaire régional UNSA Santé et Sociaux.
Lame de rasoir
Les conditions de sécurité étaient devenues intenables pour les soignants et le personnel social. Quelques jours avant le droit de retrait, une éducatrice spécialisée avait reçu un prisonnier. Ce dernier avait sorti de sa poche une lame de rasoir pour la menacer. "Heureusement, il n’y a pas eu d’agression, mais le détenu n’a pas été fouillé, ce qui est anormal", se lamente Franck Leplus qui regrette aussi le manque de protection des infirmiers qui distribuent la méthadone.
Ils sont cinq à sept infirmiers à administrer cette substance tous les matins, mais "il n’y a jamais assez de gardes pour les protéger" juge-t-il. Régulièrement, "un infirmier se promène dans la maison d’arrêt avec une mallette de méthadone qui ne ferme pas. Il n’a aucune protection. Les informations circulent très vite en prison. Si les détenus savaient ce qu’il y a dans cette mallette, cela pourrait être très dangereux pour l’infirmier" alerte Franck Leplus.
Dans le couloir
Et pour les psychiatres et psychologues, la situation n’est pas meilleure. Il n’y a pas assez de salles disponibles pour tenir les consultations. "Dans le bâtiment central, il n’y a que deux bureaux que se partagent neuf psychologues et trois psychiatres" déplore Elisabeth Schaeffer. C’est alors aux soignants de se débrouiller pour trouver un endroit pour consulter, le plus souvent dans le couloir, dans la salle de pause ou dans le salon de coiffure. "Et lorsqu’il n’y a vraiment pas d’endroit où tenir la consultation, elle est tout simplement supprimée" dénonce Franck Leplus.
Elisabeth Schaeffer s’élève contre les difficultés d’accès aux soins pour les détenus. "Je ne peux pas voir les détenus toutes les semaines, c’est donc très compliqué d’avoir un vrai suivi psychologique. D’autant que la file d’attente pour obtenir un rendez vous est de deux à trois mois", s’insurge-t-elle. Et le manque de garde rend les conditions de travail encore plus compliquées. "Lorsque j’ai un rendez-vous à 9 heures, je dois souvent attendre une heure voire plus avant que le détenu n’arrive", s’emporte la psychologue.
"Tout cela n’est pas de la faute des surveillants. Ils ne sont tout simplement pas assez nombreux" explique Elisabeth Schaeffer avant d’ajouter qu’ "ils ont d’ailleurs fait grève il y a peu de temps". D’après Franck Leplus, "la situation est déjà très précaire dans la prison. Il y a 900 détenus alors que la maison d’arrêt ne compte que 600 places. Le problème, c’est que le nombre de gardiens est normal au regard des 600 places, mais pas des 900”.
Minimale
Le jour du droit de retrait, l’administration pénitentiaire a demandé aux infirmiers d’assurer la distribution de méthadone. Ces derniers ont refusé faute de sécurité suffisante. “Une heure et demie plus tard, l’administration nous annonçait qu’elle avait trouvé les gardes nécessaires pour accompagner les infirmiers. Certain m’ont raconté que ce jour là, il n’y avait jamais eu autant de personnel pour les accompagner”, rit jaune Franck Leplus.
Depuis le droit de retrait, la situation s’est améliorée pour les infirmiers. Plus de gardes assurent leur sécurité lors de la distribution de méthadone. En revanche, il n’y a eu aucune amélioration pour les psychiatres et les psychologues. Il n’y a toujours pas de salles disponibles et la sécurité est toujours minimale. "Dès lors qu’une nouvelle situation de danger se présentera, nous n’hésiterons pas à refaire valoir notre droit de retrait” juge Franck Leplus. Et Elisabeth Schaeffer d’ajouter : "si rien ne bouge, nous ferons grève".
Source :
http://www.egora.fr/
Auteur : Sandy Berrebi